Légendes chrétiennes/Damné, quoique dévot

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VI


damné, quoique dévot.



Un jeune homme de bonnes vie et mœurs suivit, un soir, des camarades de mœurs légères et amis du plaisir. Entraîné par le mauvais exemple, il tomba dans le péché et se coucha, cette nuit-là, sans faire ses prières, comme il en avait l’habitude. Il mourut dans la nuit.

À quelques jours de là, son père alla recommander une messe pour le salut de son âme au curé de sa paroisse.

— À quoi bon ? lui dit le prêtre ; votre fils est aujourd’hui dans le paradis de Dieu, ou personne n’y ira jamais.

— C’est égal, répondit le père, dites toujours une messe à son intention ; cela ne peut jamais faire de mal.

Le prêtre promit.

Comme il montait à l’autel, il vit apparaître à côté de lui l’ombre du mort, qui lui dit :

— Ne priez pas pour moi.

— Vous êtes sauvé, n’est-ce pas ? Je le savais bien.

— Non, je suis damné !...

— Vous, damné, mon Dieu ! . . . Comment cela peut-il être ?

— Je suis tombé, une nuit, dans le péché, et je me suis couché sans faire ma prière.

Et l’ombre disparut alors, et le prêtre, accablé de douleur, descendit de l’autel.

(Conté par Marguerite Philippe.)