Légendes chrétiennes de la Basse-Bretagne/Additions et corrections

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VOLUME I


ADDITIONS ET CORRECTIONS


Page 22. A la note, ajouter : Dans une autre version que j’ai entendue dans l’arrondissement de Lannion, la vieille femme bat par trois fois ses hôtes dans leur lit, et c’est toujours sur saint Pierre que tombent ses coups : la première fois, parce qu’il est sur le devant; la seconde, parce qu’il a échangé cette place contre celle de Jésus, qui était au milieu, et la troisième, parce qu’il a remplacé saint Jean dans la ruelle. La bonne femme croyait les frapper tous les trois, à tour de rôle.

J’ai, du reste, remarqué que, dans presque tous les épisodes de nos récits populaires où Jésus-Christ est représenté voyageant avec quelques-uns de ses apôtres, — saint Pierre, saint Paul et saint Jean, le plus ordinairement, — saint Pierre est constamment l’objet des plaisanteries et des bons tours de ses compagnons de route. Vraiment, le peuple se montre souvent peu respectueux envers ce grave personnage évangélique, dont l’âge, le titre de prince des apôtres, et surtout les fonctions de gardien des portes du ciel sembleraient être de nature à réprimer son rire et ses familiarités, parfois excessives.

Page 30. Voir les commentaires sur le récit : Saint Éloi et Jésus-Christ, à la page 99 et suivantes.

Page 215. Dans une pièce de mes Gwerziou Breiz-Izel ou Chants populaires de la Basse-Bretagne, tome I, page 65, une jeune fille, inconsolable de la mort de sa mère, va chaque nuit prier pour elle dans l’église de sa paroisse. La première nuit, a minuit, elle voit passer la procession des âmes, en trois files, des noires, des grises et des blanches. Sa mire était parmi les noires, ce qui redoubla sa douleur ; la seconde nuit, sa mère était parmi les grises, et enfin parmi les blanches la troisième nuit. Elle était délivrée, et elle dit à sa fille, avant de disparaître : « Tu as eu de la chance que je ne t’aie pas mise en pièces ; tu augmentais chaque jour ma peine par tes prières et ta douleur mais tu as tenu un enfant nouveau-né sur les fonts baptismaux, et tu lui as donné mon nom, et c’est là ce qui m’a sauvée. Je vais, à présent, voir Dieu, et tu y viendras toi-même, sans tarder. »

Dans un récit du tome II des Légendes chrétiennes de la Basse-Bretagne, sous le titre de l’Ombre du pendu, on verra un autre exemple de l’influence heureuse des filleuls sur la destinée d’outre-tombe de leurs parrains, surtout quand ils sont des enfants de pauvres gens ou des bâtards, que l’on ne se soucie guère, ordinairement, de patronner à leur entrée dans la vie.



VOLUME II


ADDITIONS ET CORRECTIONS
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La légende de Jésus-Christ et le bon Larron (page 137 de notre Ier volume) semble dériver, directement ou indirectement, des évangiles apocryphes. On lit, en effet, dans l’Évangile de l'Enfance, chapitre XXIII : « Ils arrivèrent ensuite à un endroit infesté de voleurs, et comme ils se préparaient & le traverser pendant la nuit, voici que tout d'un coup ils aperçurent deux voleurs qui étaient endormis, et près d’eux ils virent une foule d’autres voleurs qui étaient les camarades de ces gens et qui étaient aussi plongés dans le sommeil. Ces deux voleurs se nommaient Titus et Dumachus, et le premier dit à l'autre : « Je te prie de laisser ces voyageurs aller en paix, de peur que nos compagnons ne les aperçoivent. » Dumachus s'y refusant, Titus lui dit : « Reçois de moi quarante drachmes, et prends une ceinture pour gage. » Et il la lui présentait en même temps, le priant de ne pas appeler et de ne pas donner l'alarme. Marie, voyant ce voleur si bien disposé à leur rendre service, lui dit : « Que Dieu te soutienne de sa main droite, « et qu’il t’accorde la rémission de tes péchés. » Et le Seigneur Jésus dit à Marie : « Dans trente ans, ô ma mère, les Juifs me crucifieront, à Jérusalem, et ces deux voleurs seront mis en croix à mes côtés, Titus à ma droite et Dumachus à ma gauche, et ce jour-là Titus, me précédera dans le paradis. » Et lorsqu’il eut ainsi parlé, sa mère lui répondit : « Que Dieu détourne de toi de semblables choses, ô mon fils ! » Et ils allèrent ensemble vers une ville des idoles, et comme ils en approchaient, elle fut changée en un tas de sable. »

Dans le chapitre XVII du même évangile, on voit une femme qui, étant allée se laver au fleuve, est possédée par l’esprit mauvais, qui s’était jeté sur elle, sous la forme d’un serpent, s’enlaçant autour de son ventre, et la tourmente chaque nuit. Cette femme ayant vu Marie et le Seigneur, qu’elle portait contre son sein, pria Marie de lui permettre de porter et d’embrasser son enfant. Marie y consentit, et aussitôt Satan l’abandonna et s’enfuit.

« Le lendemain, cette même femme prit une eau parfumée pour laver l’enfant Jésus, et, quand elle l’eut lavé, elle garda cette eau. Et il y avait là une jeune fille dont le corps était couvert d’une lèpre blanche, et elle se lava de cette eau et fut immédiatement guérie. »

Enfin, on lit dans l’évangile de Nicodème, chapitre X : « … Un des larrons qui étaient crucifiés, nommé Gestas, dit à Jésus : « Si tu es le Christ, délivre-toi, ainsi que nous. » Diamas (l’autre larron) le réprimanda, disant : « N’as-tu pas crainte de Dieu, toi qui es de ceux contre lesquels la condamnation a été rendue ? Nous recevons le juste châtiment de ce que nous avons commis ; mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et lorsqu’il eut repris son compagnon, il dit à Jésus : « Souviens-toi de moi, Seigneur, dans ton royaume. » Et Jésus lui répondit : « En vérité, je te le dis, tu seras avec moi aujourd’hui en paradis. ».

Comme on le voit, on n’est pas d’accord sur les noms des deux larrons. Dans les Collectanes, vulgairement attibués à Bède, on les appelle encore Matha et Joca ; et dans une histoire de Jésus-Christ qui a été écrite en persan par le jésuite Jérôme Xavier, que les Elzévirs ont imprimée en 1639, ils sont désignés sous les noms de Lustin et Vissimus. Selon les légendaires crédules du moyen-âge, ce fut celui des larrons sur lequel porta l’ombre du corps du Sauveur qui se convertit. Le cardina Pierre Damien, mort en 1072, attribue sa conversion à une prière de la Vierge, qui reconnut en lui un de ceux entre les mains desquels elle était tombée en allant en Égypte.

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