L’Âme nue/L’Insulte
G. Charpentier et Cie, éditeurs, (p. 58).
L’INSULTE
Las, mourant, demi-nu, les pieds souillés de boue,
Jésus montait : un Juif lui cracha sur la joue.
Christ, levant ses yeux bleus au ciel doucement bleu,
Pria pour qu’une injure encore fût absoute ;
Puis, s’essuyant la face, il poursuivit sa route,
Et pendant deux mille ans on en a fait un dieu !
— Maître, ferme ton âme aux clameurs de l’envie ;
Laisse crier la rue, et marche : c’est la vie.
Puissant comme ton vers, reste impassible et doux.
La haine meurt ; poursuis ton œuvre, et sans relâche.
Quand les hommes comme eux auront fini leur tâche,
Les hommes comme moi courberont les genoux !