L’Âme nue/Romance 158
Apparence
G. Charpentier et Cie, éditeurs, (p. 158-159).
ROMANCE
À ANDRÉ HALARY
« Et j’ai trop vu d’oubli pour croire au souvenir. »
Joseph Bertho
Quand l’orage gronde et s’irrite,
Comme elle court, l’eau du ruisseau !
— Mais ce qui passe encor plus vite,
C’est un oiseau.
Vers le nid où l’amour s’abrite,
Comme il vole, comme il fend l’air !
— Mais ce qui passe encor plus vite,
C’est un éclair.
Il luit, tonne, et se précipite :
On le voit, sans le voir venir.
— Mais il passe encore plus vite,
Le souvenir !
Il existe, au pays du Scythe,
Un arbre qui croît en un jour.
— Mais ce qui vient encor plus vite,
C’est un amour.
Tout à coup notre cœur palpite ;
Le sourire se mêle au pleur.
— Mais ce qui vient encor plus vite.
C’est un malheur.
On vivait : terrible et subite,
La mort a soufflé le flambeau !
— Mais l’herbe vient encor plus vite
Sur un tombeau.