L’Éducation de la Jeune Fille par elle-même/Chapitre 7

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Société Saint-Augustin (p. 50-55).

Septième causerie.

COMMENT SE TIRER D’AFFAIRE DANS LES CAS DIFFICILES.


Lorsque nous nous trouvons en présence d’un cas difficile, restons maîtres de nous-mêmes, envisageons sans crainte la difficulté sous tous ses aspects et réfléchissons posément sur des moyens à employer pour en triompher. Ne nous en tenons pas à nos seules idées ; adressons-nous partout où nous croyons recevoir des avis utiles ; ne craignons pas d’importuner : c’est l’ambition des hommes d’action et des hommes d’œuvres de se rendre utiles.

Procédons aussi par étapes, sans forcer les événements : « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ». Agissons avec continuité de vues ; évitons les flottements dans les décisions et dans les moyens d’action ; ne rebroussons chemin qu’après avoir épuisé tous les efforts possibles. Soyons courageuses et optimistes ; ne nous soucions pas des critiques malveillantes suscitées généralement par la jalousie. Humilions-nous devant Dieu, mais non devant les hommes. Agissons avec persévérance. Si nous n’atteignons pas pleinement le résultat visé, nos efforts ne resteront cependant pas vains. Voulons-nous avoir du succès ? D’abord efforçons-nous de connaître le caractère de ceux à qui nous nous adressons. En général, l’allure, l’expression des yeux, le langage révèlent la personnalité. Ne nous en tenons cependant pas à ces seuls indices extérieurs des hommes, examinons leur conduite de plus près, essayons de scruter les sentiments secrets qui les animent.

Tâchons de nous rendre sympathiques et, pour cela, intéressons-nous aimablement aux personnes auxquelles nous avons à faire, faisons-les parler d’elles-mêmes, de leur activité, de ce qu’elles aiment, de ce qui les occupe et montrons tout le plaisir que nous éprouvons à les écouter. Cette aisance naturelle manque à beaucoup de personnes et les empêche de se rendre ce que les Américains appellent « magnétiques », c’est-à-dire attachantes. Il importe encore que nous nous préparions de longue main à mériter la sympathie. Rendons service et, même si l’on a une idée préconçue contre nous, la sympathie naîtra d’autant plus sûrement que les services auront été plus désintéressés. Notons encore que pour s’exercer à provoquer la sympathie, il faut voir beaucoup de monde, étudier beaucoup de natures différentes ; car les moyens à employer pour s’attirer la bienveillance dépendent du caractère. Cette étude, commençons-la de bonne heure, dès le pensionnat ; on ne naît pas psychologue, on le devient par l’expérience.

Pour ce qui est de commander aux autres, la première condition pour réussir dans cet art difficile, c’est d’être soi-même très au courant de ce que l’on peut exiger de ses subordonnés ; cela permet d’agir en pleine connaissance de cause, d’éviter les tâtonnements, les revirements, les erreurs, qui nuisent à l’autorité, produisent l’énervement et occasionnent des pertes de temps. Un chef sûr de lui-même, joignant la pratique à la théorie, sait apprécier l’exécution de ses ordres et peut donner l’exemple, la meilleure des leçons.

N’abusons jamais de notre autorité pour commander par pur caprice. Avant de donner un ordre, examinons s’il est réellement nécessaire et s’il ne blesse aucun droit.

Ne décourageons jamais l’esprit d’initiative chez nos subordonnés en exigeant une exécution purement passive des ordres que nous leur donnons. Bornons-nous à leur indiquer les grandes lignes de la conduite qu’ils ont à tenir et laissons-leur la latitude d’agir librement pour l’exécution des détails. Pourtant ne nous dispensons pas de contrôler ce qu’ils auront fait et développons chez eux le sentiment de la responsabilité.

Enfin, si nous n’obtenons pas satisfaction, faisons appel à l’amour-propre, au mérite personnel, à l’obligation morale qui incombe à tout homme de se perfectionner, et cela sous forme d’encouragement plutôt que de réprimande. Si nous constatons de l’obstination dans l’indifférence ou dans la mauvaise volonté, manifestons notre mécontentement, mais conservons toujours la pleine possession de nous-mêmes et ne gardons jamais rancune à ceux qui reviennent à de meilleurs sentiments.

Le meilleur moyen de s’attirer de bienveillants concours c’est de se rendre utile ou du moins de manifester le désir sincère de rendre service dans toute la mesure du possible. L’occasion de se dépenser, de se dévouer aux bonnes œuvres ne manquera pas aux jeunes filles bien intentionnées : que d’œuvres de toute espèce réclament leur bonne volonté et leur dévouement ! Celles qui voudront jouer un rôle actif seront parfois appelées à devoir parler en public. Il semble que ce soit là un grand embarras à surmonter. Il n’en est rien si l’on s’y prépare de bonne heure. Profitons donc, dès maintenant, des fêtes de famille, des réunions d’amies, pour nous habituer à improviser quelques mots de circonstance ; envisageons théoriquement les diverses occasions qui peuvent nous mettre dans l’obligation de faire un speech. Essayons de vaincre notre timidité, acquérons un peu d’aplomb, de confiance en nous, convainquons-nous que nous ne sommes pas inférieures à notre auditoire ; les foules, d’ailleurs ne représentent qu’une moyenne et non une élite. Pour être écoutée et réussir, il convient de commencer par s’attirer la sympathie à l’aide d’une introduction qui préparera une salle indulgente et curieuse, de ne parler que de choses d’actualité à la portée de son auditoire et d’un réel intérêt pour lui, de terminer par une conclusion séduisante qui entraîne à l’action.

De bonnes relations ne sont pas à dédaigner ; on ne dispose jamais de trop d’influence pour faire le bien. Habituons-nous, dès le pensionnat, à nous faire des amies fidèles, sincères et dévouées, méritons par nos qualités d’être recherchées ; si nous voulons qu’on nous aide, nous devons commencer par nous rendre dignes.

Enfin, développons en nous l’esprit d’initiative qui nous apprendra à décider vite et bien, et exerçons-nous à nous débrouiller en étudiant notre conduite et celle des autres ; c’est l’exercice qui donne de la virtuosité. Ayons toujours plusieurs cordes à notre arc, ne reculons pas devant l’action qui réclame beaucoup d’efforts, aimons l’action, la lutte dans l’action, mais l’action raisonnable, celle qui ne nous engage pas dans des questions insolubles ou nous suscite des embarras inextricables : en toute chose considérons la fin.

Livres à lire :

Smiles. Self help ou Caractère, conduite et persévérance, illustrés à l’aide de biographies. (Traduction Talandier). — Paris, Plon, 4 fr.

Sylvain Roudès. Pour réussir dans la vie. — 3,50 fr.