L’Éducation des adolescents au XXe siècle/Volume I/II/VII

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Félix Alcan (Volume ip. 143-147).

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LE COEFFICIENT DE CAPACITÉ

Si l’on a le choix entre les deux méthodes, vaut-il mieux, pour s’entretenir dans la connaissance des exercices utilitaires, les pratiquer les uns après les autres en les espaçant selon son goût ou d’après les circonstances — ou bien s’y livrer d’affilée en les groupant en une seule période d’intense activité ?

En général, l’intérêt bien entendu de l’organisme comme le souci de la valeur technique recommandent la première méthode. Pour un effort équivalent, l’effet obtenu sera meilleur, mieux réparti, plus durable.

Il y a deux avantages pourtant à l’actif de la méthode inverse.

Elle affirme sa supériorité lorsqu’une trop longue tension cérébrale, lorsque des soucis, des chagrins ou des contrariétés nerveuses qui abondent le long des existences ultra-civilisées ont nécessité une coupure radicale dans les occupations et le labeur journaliers. Volontiers, on recourt alors au « changement d’air » qu’accompagne — on le croit du moins — un changement de vie. En fait, ce dernier n’intervient que pour la forme. La mentalité de l’individu demeure la même ; les horizons habituels de sa pensée se déplacent avec lui : ses préoccupations le suivent.

Les Américains qui conçoivent et résolvent mieux que les Européens les problèmes de la psychologie pratique savent que le véritable remède, en pareil cas, consiste à assurer aux manifestations de la vie physique une prépondérance aussi exclusive que possible sur toutes les autres ; s’ils le peuvent, ils vont jusqu’à chercher sous la tente ou dans une hutte forestière la fiction temporaire des besoins et des obligations de l’homme primitif. D’autres fois, ils ont le courage de changer de condition, de se faire ouvriers ou manœuvres. Il est rare que ce salutaire entiérisme ne reçoive pas la récompense d’un prompt et complet résultat.

Sans aller si loin, une simple période de deux à trois semaines consacrées à la gymnastique utilitaire répondra au même but.

Changez de résidence et établissez-vous (seul ou avec des compagnons résolus à faire la même chose que vous) à proximité d’une rivière, d’un gymnase et d’un manège ; puis imposez-vous le programme suivant : lever à sept heures, coucher à neuf — trois heures de travail musculaire le matin et autant dans l’après-midi — une heure et demie de sieste entre deux et le reste en flânerie. Vous trouverez là la certitude d’un entretien suffisamment efficace en même temps que le principe d’un renouveau de tout votre être.

Que si, pouvant sans danger fournir davantage, vous visez pendant cette période à accroître peu à peu l’effort quotidien, comme si vous poursuiviez un entraînement véritable en vue de quelque trophée à conquérir — vous obtiendrez presque infailliblement certaines modifications corporelles de haute importance et dont le bénéfice demeurera acquis — et notamment une augmentation thoracique.

De telles modifications sont réalisables non-seulement bien au-delà de l’adolescence mais en plein âge mûr ; de fait, elles sont réalisables tant que le système artériel n’a pas perdu sa souplesse et son élasticité.

Leur valeur est double. On peut comparer l’effet produit à l’emménagement dans une demeure plus vaste, dans une demeure où l’on se sentira par conséquent plus à l’aise que dans celle d’où l’on sort et où l’on jouira d’un plus grand confort.

Un second résultat plus précieux encore sera la constitution de « réserves » propres à accroître la résistance éventuelle à la maladie. La maladie met en quelque sorte le siège devant l’organisme ; la principale difficulté que rencontre le médecin n’est-elle pas de faire passer des vivres à l’assiégé ? Rien ne vaut les réserves fraîches que chacun aura sagement ajoutées au cours de sa vie virile, aux approvisionnements dont la nature et l’éducation l’avaient muni.

C’est pourquoi, revenant aux deux méthodes que nous opposions tout à l’heure l’une à l’autre, il nous paraît infiniment désirable que l’homme donne, de temps à autre, la préférence à la seconde et qu’il en profite pour s’efforcer, à deux ou trois reprises différentes, entre vingt-cinq et quarante-cinq ans, d’augmenter son « coefficient de capacité. »