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Le Vigneron dans sa vigne/L’Éléphant

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Le Vigneron dans sa vigneMercure de France. (p. 230-231).



L’ÉLÉPHANT


C’est l’heure où le jeune Daniel fait sa visite à l’éléphant.

Son public ordinaire l’attend : l’ouvrier, le soldat, la fille, le vagabond et l’étranger.

— Fais le beau, dit Daniel, un doigt levé.

L’éléphant ne réussit pas du premier coup. Il se dresse à peine, pesamment, retombe et grogne.

— Mieux que ça, dit Daniel d’un ton sec.

Il se dresse alors plus haut que la grille, et terrible, énorme, antédiluvien, il pousse un barrit dont l’air est fêlé comme du cristal.

— Bien ! dit Daniel.

L’éléphant peut se remettre à quatre pattes et, la trompe droite, ouvrir la bouche. Daniel y jette, de loin, des morceaux de pain et, quand il vise avec adresse, la croûte sonne au fond du palais noir et gâté. Puis il offre, au creux de sa main, une à une, des épluchures. La trompe rugueuse et délicate va et vient entre les barreaux, se ferme et se déroule comme si l’éléphant aspirait et soufflait dedans.

Les oreilles minces, tirées par quelque ficelle, planent de satisfaction, mais le petit œil reste morne.

Pour finir, Daniel jette à la bouche le papier qui enveloppait les bonne choses et qui passe comme un chat par une chatière de grange.


L’éléphant seul n’est plus maintenant qu’un pauvre vieux de village qui garde la maison. Il traîne ses chaussons devant la porte, courbé, tête vide, nez bas. Il disparaît presque dans sa culotte trop remontée et, derrière, un bout de corde pend.