L’Étalon (Verhaeren)
L’ÉTALON
Circule au loin, de plaine en plaine ;
Un vent du sud, torpide et lent,
Remue à peine
Les barbes des épis et les feuilles des frênes ;
Lorsque, soudain, rompant d’un bond
Sa chaîne,
S’enfuit, de la ferme prochaine,
Un étalon.
Ses sabots noirs cassent les pierres
Et les cailloux des chemins clairs ;
On voit luire les quatre fers
Tangue et tangue parmi la masse
Des avoines et des méteils ;
Son souffle ardent brûle l’espace.
Les cavales le voient venir
À travers champs, taillis, venelles,
Et l’écoutent de loin hennir,
Crier et haleter vers elles.
Le rut en feu court sur leur peau.
Leur cou se tend le long des haies ;
Tandis que lui, le corps en plaies,
Franchit fossés, barrière, enclos,
Et longuement promène au centre
Du troupeau moite et pantelant,
Tel un roi rouge et violent,