L’église habillée de feuilles/La chapelle sonnait encore. Et chaque coup

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Clairières dans le Ciel (1902-1906)Mercure de France (p. 178-179).

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La chapelle sonnait encore. Et chaque coup
de cloche, comme un martinet dans le beau temps,
s’élançait du battant, demeurait un instant
suspendue, décrivait un cercle lent et doux
et revenait percher sa note sur son nid
qu’ourlait un bleu céleste un peu mêlé de gris.

C’était l’enterrement d’une vieille paysanne,
de celles qui ont mené l’existence d’esclave.
On posa le cercueil sous le porche, un moment,
où des pigeons vinrent familièrement,
comme s’ils eussent cru que la morte sereine
allât se réveiller pour leur jeter des graines.


Le poète, assistant à la messe, sentait
l’illumination de Dieu dissiper l’ombre
balayée par le vol de ces saintes colombes.
Ici, le chant funèbre après soi ne laissait
qu’un grand silence ardent où l’âme s’élevait
dans une calme joie de tâche terminée
faite du hosanna du déclin des journées.

Et lorsque le cercueil dans le clair cimetière
eut été recouvert, par les paysans, de terre,
ceux-ci, marquant la fin de l’œuvre solennelle,
formèrent sur la fosse un faisceau de leurs pelles.