L’émancipation de la femme (Daubié)/03/Le suffrage des femmes en France

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LE SUFFRAGE DES FEMMES EN FRANCE


Si les mœurs anglaises devançant la loi sont parvenues à la faire réformer, la loi est du moins en France assez libérale pour contraindre la pratique de la liberté des mœurs corrompues par un long absolutisme. Donnons-en pour témoignage irrécusable la déclaration suivante qui, écrite, à l’avènement de la République, à un Maire de Paris, n’a remarquons-le, rencontré aucune opposition.


« Paris, 28 septembre 1870.
Monsieur le Maire,

Les États-Unis, l’Angleterre, etc., pour admettre les femmes au vote, doivent réformer des lois applicables aux hommes seuls. Grâce à l’égalité civile, proclamée en 1789, le texte de nos lois s’applique, sans acception de sexe, à tous les Français, Les veuves et les filles majeures en particulier, acquittant l’impôt comme Français, peuvent se prévaloir de ce titre pour se faire inscrire sur les registres électoraux.

Leur abstention, motivée autrefois par l’irresponsabilité des fonctionnaires publics, n’a plus aujourd’hui de raison d’être.

J’ai donc l’honneur, Monsieur le Maire, de vous annoncer mon intention de me faire inscrire sur les registres électoraux de votre arrondissement que j’habite et de vous prier d’accueillir favorablement ma déclaration.

À l’appui de cette initiative, je prends la liberté de vous rappeler que notre dernier pouvoir même a fait une interprétation libérale de la loi pour les diplômes d’enseignement secondaire et supérieur délivrés en 1861 la première fois aux femmes, quoiqu’il y eût contre leurs droits une longue prescription qui n’existe point dans le cas actuel.

Jamais non plus les femmes n’ont été exclues du droit de pétition acquis à tous les citoyens français. À plus forte raison avons-nous lieu d’espérer que les fonctionnaires responsables de tout gouvernement libre, feront droit ici à notre réclamation.

Vous me permettrez donc, Monsieur le Maire, de considérer votre silence comme une adhésion. Dans le cas seulement d’une opposition que, jusqu’à preuve contraire, je voudrais croire improbable, si ce n’est impossible, je vous prierais de me dire sur quel texte législatif elle s’appuie et surtout de quelle autorité elle émane. »