L’émancipation de la femme (Daubié)/04/Objections

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OBJECTIONS


Les trois premières livraisons de ce travail ont intéressé, à divers points de vue, nos adhérents et nos amis ; les uns, admirant sans restriction la sagesse anglaise, ne savent assez louer la logique pressante, la haute raison, et, pour ainsi dire, le bon sens condensé qu’ils remarquent dans les discours précédents. Les autres s’effrayant de l’ignorance et de la dégradation de la plupart des Françaises nous adressent le projet de loi suivant de capacité électorale :

« 1o Auront le droit de concourir à vingt-cinq ans révolus, aux élections communales, départementales et nationales les femmes munies de diplômes d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur.

2o Les directrices de maisons de commerce, d’ateliers industriels, de fermes etc., après trois années d’expérience, si elles fournissent un certificat d’instruction primaire.

3o Les femmes vivant dans leur intérieur qui produiront un certificat d’études.

4o Seront déchues du vote les femmes inscrites aux bureaux de bienfaisance ; celles qui n’enverront pas leurs enfants à l’école ; celles dont l’immoralité est notoirement connue. »

Les considérations précédentes rentrent complétement dans les vues que j’ai émises ailleurs sur les conditions d’âge, de capacité et de moralité qu’il est urgent d’imposer au suffrage universel. Mais, pour rester dans les limites de notre droit et éviter toute confusion, il faut écarter d’abord la femme mariée qui est une mineure.

Reste donc le droit aussi incontestable qu’évident accordé par la loi française aux veuves et aux filles majeures pour le vote au même âge et dans les mêmes conditions de savoir et de moralité que celles qui sont requises des hommes.

La logique ne permet pas d’autre appréciation, puisque le progrès de l’ordre social repose sur l’unité de la morale, de la justice et de la loi relatives à des cas identiques et nettement déterminés. Quant à la déchéance du droit civique pour cause d’indigence, il est nécessaire de distinguer ici entre la misère méritée et la misère imméritée. Cette question, grosse comme une montagne, se rapporte aux droits du prolétariat et à l’anarchie qui règne dans le monde économique.

Puis l’anarchie morale, établie au profit du vice, en allégeant les hommes les plus vils de leur part du devoir social, fait retomber doublement ce fardeau sur la femme.

En tout cas, la paternité n’est jamais pour l’homme une cause immédiate d’indigence, tandis que la maternité prive toujours de salaire son épouse, sa concubine, sa maîtresse ou sa victime.

Si donc le devoir d’instruire ses enfants, si une déchéance quelconque pouvait s’attacher au titre d’indigent, ils devraient s’appliquer au père bien plus qu’à la mère, à l’homme bien plus qu’à la femme.