L’étude expérimentale de l’intelligence/Chapitre 15

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Schleicher Frères & Cie (p. 299-309).


CHAPITRE XV

Conclusions


La meilleure conclusion qu’on puisse tirer de ce livre, qui m’a coûté trois ans d’études, c’est une leçon de patience. Je voudrais qu’on fût persuadé que les expériences de psychologie, surtout celles qui portent sur les fonctions complexes, ne s’improvisent pas ; la méthode de la statistique ne donne rien que de médiocre ; des exemples récents nous l’ont montré.

Les auteurs américains, qui aiment faire grand, publient souvent des expériences qui ont été faites sur des centaines et des milliers de personnes ; ils obéissent instinctivement à ce préjugé d’après lequel la valeur probante d’un travail est proportionnelle au nombre des observations. Ce n’est qu’une illusion ; quand un certain nombre d’observations concordantes a été recueilli, celles qu’on peut encore y ajouter n’augmentent pas grand’chose à la valeur démonstrative des premières ; et, d’autre part, il y a quelque danger à multiplier le nombre des sujets, car on risque de perdre en qualité ce qu’on gagne en quantité. Je veux dire que si on prend des tests mentaux sur mille sujets, on est obligé d’aller très vite, d’examiner chacun d’une façon très sommaire, de se faire aider par des collaborateurs en sous-ordre qui travailleront avec plus d’automatisme que de réflexion ; c’est ce que j’appelle la méthode statistique. Un mental test appliqué à la hâte sur des anonymes n’a qu’une valeur proportionnée au temps qu’on y a dépensé ; si j’ai pu arriver à quelque lumière par l’étude attentive de deux sujets, c’est que je les ai regardés vivre et que je les ai scrutés pendant plusieurs années.

Lorsque je me suis départi de cette méthode, j’ai perdu ma peine. J’ai fait pour des questions analogues des recherches sur des enfants d’école primaire ; ces recherches ne m’ont pris que quelques semaines ; je n’en publie pas une seule ligne, parce que je trouve que l’analyse n’a pas été assez approfondie[1].

Non seulement il faut rejeter toute épreuve rapide sur des anonymes, mais encore on doit préférer les expériences que l’on peut faire sur des personnes dont le caractère et l’existence nous sont connus. Notre psychologie n’est pas encore assez avancée pour que nous ayons le droit de dédaigner toutes les sources de renseignements qui nous proviennent d’ailleurs que des expériences. En général, dans les recherches les plus minutieuses, celles qui ont été faites par exemple dans les laboratoires allemands, on a pris presque exclusivement pour sujets l’espèce d’individus qu’on appelle des élèves de laboratoire. Ce sont, à beaucoup de points de vue, des sujets d’élection ; mais en général on connaît mal leur caractère intellectuel et moral, et on sait surtout que leur arrière-pensée est une complaisance excessive pour le professeur qui sera un jour leur examinateur. Sans rejeter les épreuves qu’on peut faire sur des élèves de laboratoire, je crois que lorsqu’on étudie des fonctions supérieures il faut s’adresser surtout à des personnes qu’on connaît intimement, à des parents, à des amis.

Un autre élément d’information qu’on ne doit pas négliger, c’est la disposition d’esprit que le sujet apporte à l’expérience, ce que j’ai appelé plus haut son adaptation mentale. Pour bien comprendre le sens des réponses, il faut savoir dans quel esprit elles ont été faites, si le sujet était sérieux ou moqueur, s’il a pris une attitude passive ou contrainte, ou critique ; il serait à souhaiter que dans toute expérience de psychologie, l’attitude mentale du sujet fût décrite avec soin.

Il faut aussi non seulement répéter un grand nombre de fois une expérience sur la même personne pour bien comprendre ce qu’on fait, mais encore analyser beaucoup d’autres expériences, un peu différentes, qui puissent éclairer les premières. Le résultat d’un seul genre d’expériences est souvent équivoque, car il prête à plusieurs interprétations entre lesquelles on se trouve incapable de choisir. Ainsi, dans le test des 20 mots à écrire, nous avons établi des coefficients, et nous avons montré que chacun de ces coefficients a un nom qui implique au moins une hypothèse ; c’est par le concours de plusieurs recherches indépendantes qu’on peut arriver à l’interprétation exacte. Tel résultat peut s’expliquer tout aussi bien par la vivacité de la pensée que par un défaut de réflexion ; tel autre peut provenir autant de l’esprit d’observation que d’une pauvreté dans les idées. L’expérience unique et isolée reste équivoque : c’est l’accord de plusieurs recherches parallèles qui fixe l’interprétation juste.

Tous les détails accumulés dans les pages précédentes montreront comment je comprends le rôle de l’introspection en psychologie, et comment je crois qu’on peut appliquer la méthode expérimentale à des phénomènes aussi complexes que ceux de l’idéation. Si on n’y regarde pas de près, on croira peut-être que, dans la plupart de mes expériences, comme tout se passe en conversations, la méthode ne diffère pas beaucoup des anciennes méthodes d’introspection que la psychologie subjective a employées exclusivement, quand elle ne se contentait pas d’imaginer et de raisonner. Mais avec un peu d’attention, on remarquera que même dans celles de mes recherches qui ressemblent le moins à des expériences, je n’ai pas perdu de vue ce qui est l’âme de la méthode expérimentale, le contrôle ; le seul fait que dans ces conversations il y avait un observateur et un observé, et que l’observé ignorait les idées et les théories de l’observateur, est une garantie que les réponses n’ont pas été viciées par l’auto-suggestion, cette formidable erreur de psychologie qu’on devrait afficher dans toutes les avenues de notre science, comme les descentes dangereuses pour les cyclistes. Pour éviter autant que possible une autre cause d’erreur, la suggestion de l’observateur à l’observé, j’ai adopté et suivi inflexiblement un principe de première importance, celui d’écrire de suite et sans aucune exception tout ce qui se dit pendant la séance. Ne point tenir compte des paroles échangées, c’est s’exposer de gaieté de cœur aux erreurs les plus graves ; car un mot, un simple mot dit par l’expérimentateur peut changer complètement les dispositions mentales du sujet. Les études récentes que j’ai publiées sur la suggestibilité à l’état de veille m’ont démontré que cette cause d’erreur agit d’une manière incessante ; la négliger, c’est commettre une négligence équivalente à celle d’un bactériologiste qui ferait ses recherches si délicates de culture dans un milieu sale.

Le but principal de ce livre a été d’étudier dans l’idéation ce qu’il y a de personnel à chacun de nous ; et nous avons fait un long parallèle entre deux fillettes dont nous avons étudié avec détail les idées, les images et les mots. Malgré le soin mis dans ces études, malgré les circonstances exceptionnelles qui en ont favorisé la précision et l’étendue, nous ne sommes arrivés qu’à de petites vérités partielles, n’atteignant pas ce qui avait été autrefois l’ambition de Taine : connaître la faculté maîtresse de l’individu, et en déduire toute son organisation mentale.

On se rappelle les tentatives si curieuses qu’il a faites pour dégager la faculté maîtresse d’un Shakespeare, ou d’un Michelet. C’est très intéressant, au point de vue de la critique littéraire, mais ce n’est nullement de la psychologie, au sens tout récent où nous prenons ce mot. Taine, du reste, malgré la puissance de la pensée, n’est jamais parvenu à saisir nettement la différence entre le scientifique et le littéraire ; je me permets d’adresser cette critique à son œuvre si suggestive et si attachante, sans manquer, je l’espère bien, à sa mémoire, pour laquelle j’ai autant d’affection que d’admiration.

Il est vrai que nous avons eu plus d’une fois la tentation de résumer le caractère intellectuel de nos deux sujets par un mot unique ; mais aucune de ces tentatives n’a pu nous satisfaire pleinement ; aussitôt que nous avions choisi un de ces mots-synthèses, un autre s’évoquait, qui exprimait une autre face des caractères à diagnostiquer, puis un troisième, et ainsi de suite, et aucun n’avait une assez grande plénitude de sens pour embrasser l’ensemble. Ainsi, tour à tour, nous avons accepté et rejeté les mots couples de constance et variété, bon sens et caprice, observation et imagination, vie intérieure et vie extérieure ; parmi toutes ces formules, la plus vaste, la plus abstraite est peut-être celle-ci : stabilité, pour Marguerite, et variabilité pour Armande. À stabilité se rapportent les qualifications suivantes : esprit pratique, réfléchi, ordonné, conservateur, équilibré, uniforme, sérieux, régulier, précis, etc. La variabilité donne également un lien à une série de qualités opposées : esprit idéaliste, peu pratique, mobile, original, inventif, capricieux, etc. Il y a dans tout cela beaucoup de vrai, mais ce sont des étiquettes et non des explications ; c’est un jeu littéraire plutôt que de la science.

Pour trouver la clef de voûte de ces organisations mentales, il ne faudrait pas s’adresser au vocabulaire littéraire courant, qui n’exprime que des ensembles complexes d’aptitudes, mais aller demander un secours aux propriétés primitives de l’esprit ; voilà ce qu’il est facile de comprendre : pour faire une bonne synthèse, il faut faire une synthèse qui soit explicative. Mais alors, dans combien de difficultés on s’engage ! Croit-on que notre psychologie moderne soit capable de donner des explications de caractères ? Elle a déjà fort à faire de constater les propriétés mentales. Lorsqu’elle établit que chez un individu il existe une grande variation psychologique, j’entends par là une tendance au changement, elle peut donner hypothétiquement à ce fait tangible beaucoup d’explications, mais elle n’est sûre d’aucune. La tendance au changement peut provenir, dira-t-on, d’un caractère de l’attention volontaire, qui facilement change de direction. Voilà une première explication, empruntée à la volonté. Cette tendance à la variation tient aussi, pourra-t-on dire, aux propriétés des images mentales ; chez tel sujet considéré, les associations de contraste et de ressemblance sont mieux développées que les associations de contiguïté ; et comme ces premières associations sont évocatrices de changement, tandis que les secondes sont des forces conservatrices, on s’explique que la prépondérance des premières donne à l’individu de l’instabilité mentale. Cette seconde explication fait donc intervenir, non la volonté, mais les lois de l’intelligence proprement dite. D’après une troisième explication, la tendance à la variation provient d’un état instable de la sensibilité et du tonus émotionnel. En suivant cette troisième hypothèse, on trouverait que les variations ne dépendent point d’une faiblesse ou d’une incoordination de l’attention, pas plus que du mode d’éveil des images, mais de ce fait élémentaire que le sujet se dégoûte vite de ce qui lui plaît, s’ennuie de ce qui l’a amusé, méprise ce qu’il a admiré, ou souffre de ce qu’il a d’abord trouvé agréable. Voilà, ce me semble, la trinité d’explications psychologiques qu’on peut mettre en avant, et cela sans préjudice d’autres explications qui n’ont pas moins de vraisemblance que les trois précédentes, et qui feront intervenir la physiologie ; par exemple, l’état de la circulation, les réactions des cellules nerveuses, l’histochimie de ces cellules, les phénomènes de désagrégation physiologique, etc., etc.

Suivant les préférences de chacun, tel cherchera son explication dans la volonté, tel dans l’intelligence, tel dans l’émotivité, tel dans les propriétés physiques de l’organisme. Quant à nous, nous refusons de choisir.

Mais ce qui nous semble hors de doute, c’est qu’il existe une continuité mentale entre les modalités des fonctions que nous avons explorées.

C’est sur ce point décisif que nos recherches ont fait la lumière ; et comme la question est d’importance, je me permets d’y insister un peu, en terminant ce livre.

Une des causes qui, selon moi, ont arrêté dans ces dernières années le développement de la psychologie individuelle, c’est que les recherches les plus approfondies qu’on poursuivait dans ce domaine rencontraient un obstacle invincible. Tant qu’on se bornait à dresser des programmes, à proposer des expériences, on ne connaissait point de difficulté. Il était aussi très facile d’imaginer des tests mentaux inédits, et de les appliquer sur une centaine d’individus, et de mettre ces résultats sous la forme de tables et de graphiques. La littérature s’est enrichie, pendant ces dernières années, de quelques articles de ce genre, qui n’ont pas fait faire un grand pas à la science ; je rappellerai en passant, comme type de cette littérature inutile, un article qui a été publié sur « tout ce qu’on peut faire d’expériences avec une tache d’encre ».

Les esprits sérieux n’ont pas tardé à comprendre que la psychologie individuelle doit être cultivée selon des méthodes un peu différentes ; un test mental n’a de valeur que si l’on sait ce qu’il signifie ; tester des séries d’individus ne peut être intéressant et utile que si l’on arrive à saisir une relation entre le caractère des personnes et la manière dont elles réagissent aux tests ; ou encore, il faut chercher si, lorsqu’on applique vingt tests à une même personne, les résultats de ces vingt tests présentent quelque rapport logique. Or, les essais tentés dans l’esprit que je viens d’indiquer n’ont point été encourageants ; et notamment, quand on a répété plusieurs tests sur les mêmes individus, et qu’on a voulu en faire la synthèse, on n’a trouvé qu’incohérence, soit que les tests utilisés eussent été mal choisis, ou mal appliqués, ou mal interprétés.

C’est sur ce point spécial que j’ai appliqué mon effort ; et j’ai la pleine conscience que l’étude que je présente est toute nouvelle pour la psychologie. Profitant de ce que j’avais à ma disposition, d’une manière indéfinie, deux sujets dont je connais la vie privée, j’ai fait sur eux des tests avec la préoccupation de trouver un lien logique entre les faces de caractère que j’étudiais successivement, et avec des tests différents. Ce lien existe, avec quelque patience je l’ai trouvé.

Voici en effet, à titre d’exemple, quelques-unes des constatations que nous avons pu faire sur nos sujets ; c’est un résumé très sommaire des conclusions auxquelles des expériences indépendantes nous ont amenés. Je donne d’abord la liste des expériences, et ensuite les conclusions, avec l’indication, par un numéro, des expériences qui les appuient.

LISTE DES PRINCIPALES EXPÉRIENCES
1. Recherche des 20 mots. 5. Thème à développer.
2. Suggestion par des mots. 6. Évocation de souvenirs.
3. Phrases à écrire. 7. Description d’objets.
4. Phrases à finir. 8. Description d’un événement.

9. Test consistant à barrer des 14. Mémoire des vers.
lettres. 15. Mémoire des mots.
10. Répétition immédiate des 16. Mémoire des objets.
chiffres. 17. Mémoire d’un récit.
11. Copie. 18. Mémoire d’un dessin.
12. Copie à l’obturateur. 19. Reproduction d’une longueur.
13. Temps de réaction. 20. Reproduction d’un intervalle.

marguerite.
Attachement au monde extérieur, 1, 3, 7. Imagination sur le second plan, 1, 2, 3.
Esprit d’observation, 7, 8. Sentiment de la propriété, 1.
Bonne mémoire littérale, 14, 17. Esprit pratique, 3, 7, 8.
Abondance de souvenirs récents,
1, 2, 6.
Attention régulière, constante dans l’effort, 9, 13.
Documentation en faits, 1, 2, 3. Facilité à se rendre compte, 1.
Idées simples, 2. Images intenses et nettes, 2.
Modes d’association simples, 1. Imagerie involontaire peu développée.
Développement fréquent des
idées par ordre dans l’espace, 1.
Peu d’aptitudes à la rêverie, 1.
Précision, 1. Perceptions d’espace assez
exactes, 7, 16, 19.
Développement abondant des idées, 5, 7. Perceptions des temps mal
Préoccupation personnelle, 1, 3. développées, 20.

armande.
Détachement du monde extérieur, 1, 3, 7. Mémoire des faits anciens dominant parfois
celle des faits récents, 1, 2, 6.
Développement imaginatif, 1, 2, 3, 7. Développement peu systématique de la pensée, 1.
Fréquence d’idées vagues, 1, 2, 3, 7. Détachement de la personne, 1.
Aptitude au verbalisme, 1, 2. Esprit poétique, 3, 4, 7, 8.
Attention dirigée vers le monde interne, 1, 20. Développement bref des idées, 3, 4, 5, 7, 8.
Idées complexes, 1, 2, 6. Attention facile à décourager, 9, 13.
Esprit d’observation peu développé, 8. Images faibles et peu précises, 2.
Documentation de fantaisie, 1, 7. Imagerie involontaire bien développée.
Modes complexes d’association d’idées, 1. Tendance à la rêverie, 1.

Il suffit de lire les conclusions précédentes pour se rendre compte de leur cohésion. Je n’irai pas jusqu’à affirmer qu’il existe une relation nécessaire entre ces différentes aptitudes ; sans aller jusqu’à la nécessité, nous pouvons admettre l’harmonie. Nous trouvons d’une part chez l’un de nos sujets la précision de la pensée, l’aptitude à se rendre compte, la constance de l’attention, l’esprit pratique, le développement médiocre de l’imagerie spontanée, et par-dessus tout l’attention dirigée vers le monde extérieur. Est-ce que tout cet ensemble de qualités ne s’oppose pas, dans un curieux contraste, à cet autre esprit, chez lequel l’esprit d’observation extérieure moins développé, une pensée moins précise, moins méthodique, moins consciente, une attention moins soutenue s’allie au développement de l’imagination, au sens poétique, à la vivacité, à l’imprévu, au caprice ? Ne sont-ce pas là deux portraits bien logiques et bien vivants ? Et quoiqu’il ne s’agisse ici que de deux fillettes de 12 et 13 ans, ne représentent-elles pas assez curieusement, autant que deux êtres particuliers peuvent représenter une généralité, ces deux tendances si importantes de l’intelligence humaine, l’une vers l’esprit scientifique, l’autre vers l’esprit littéraire ?

Dirai-je enfin pour terminer que, dans quelques chapitres, laissant de côté l’étude de l’idéation individuelle, j’ai essayé de connaître la nature même de la pensée ; et j’ai été aidé dans cette œuvre difficile par ces deux enfants qui ne savent pas le premier mot de psychologie. Nous avons distingué plus fortement qu’on ne l’avait fait jusqu’ici ces trois phénomènes : la pensée, l’image et le langage intérieur. Nous nous sommes surtout intéressés au travail de la pensée, cette force invisible qui agit derrière l’abri des mots et des images. Nous avons constaté que le travail de la pensée n’est point suffisamment représenté par le mécanisme des associations d’idées ; c’est un mécanisme plus complexe, qui suppose constamment des opérations de choix, de direction. Nous avons vu aussi que l’imagerie est bien moins riche que la pensée ; la pensée d’une part interprète l’image, qui est souvent informe, indéfinie ; d’autre part, la pensée est souvent en contradiction avec l’image, et toujours plus complète que l’image, et parfois aussi elle se forme et se développe sans le secours d’aucune image appréciable ; il y a telles de ses démarches où l’image ne peut la suivre. Dans la généralisation, c’est l’intention, c’est-à-dire en somme la direction de pensée, qui constitue le général, et non l’image ; l’image peut se prêter à la généralisation si elle est indéterminée ; parfois même, par ses caractères fortement particuliers, elle ne s’y prête pas, mais elle n’empêche pas pour cela l’essor de la pensée vers le général.

Enfin, et c’est là le fait capital, fécond en conséquences pour les philosophes : toute la logique de la pensée échappe à l’imagerie.


  1. J’aurais eu plaisir à continuer encore mes expériences sur mes deux fillettes si je ne m’étais pas aperçu que l’âge a amené quelques changements dans leur caractère. Les portraits psychologiques que j’ai tracés d’elles sont devenus aujourd’hui moins ressemblants qu’ils n’étaient il y a trois ans et il me paraît probable que dans une dizaine d’années d’autres changements plus importants encore se seront produits.