L’évangile et l’apocalypse de Pierre/Étude sur l’apocalypse de Pierre/II

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II. — IDENTITÉ DU FRAGMENT


Le fragment d’apocalypse qu’on vient de lire appartenait à une apocalypse de Pierre. M. Bouriant, avec beaucoup de perspicacité, l’a reconnu dès l’abord. Le disciple qui parle ici à la première personne et qui se donne pour le porte-parole de ses compagnons ne peut guère être que le prince des apôtres. Un passage de Clément d’Alexandrie transforme l’hypothèse de M. Bouriant en une quasi certitude : on lit dans les Eclogae propheticae, § 41 : « C’est pourquoi Pierre aussi dit dans l’apocalypse : et un éclair de feu jaillissant de ces enfants et frappant les yeux des femmes », ϰαὶ ἀστραπὴ πυρὸς πηδῶσα απὸ τῶν βρεφῶν ἐϰείνων ϰαὶ πλήσσουσα τοὺς ὀφθαλμοὺς τῶν γυναιϰῶν. Ce sont les idées et presque les termes mêmes du v. 26 de notre fragment : « et vis-à-vis d’elles (des femmes), il y avait beaucoup d’enfants, qui avaient été mis au monde avant terme ; assis ils pleuraient ; et des flammes de feu jaillissaient d’eux et frappaient les femmes aux yeux. »

Il est vrai que dans les écrits tant de Clément d’Alexandrie que de Macaire de Magnésie, on trouve aussi toute une série de passages qui sont présentés plus ou moins expressément comme ayant appartenu à l’apocalypse de Pierre et qui manquent dans notre fragment : sur le sort des enfants avortés[1], sur le supplice des mères coupables[2], sur le jugement de la terre[3], sur l’anéantissement des cieux[4], et peut-être sur la destinée des enfants exposés par leurs parents[5].

Ces sujets ou des sujets tout semblables sont traités dans le fragment qui nous a été conservé : et l’on s’étonne de ne pas y trouver les passages en question. Leur absence pourtant n’est pas inexplicable : peut-être Clément et Macaire ont-ils eu sous les yeux une forme de l’apocalypse de Pierre plus développée que la nôtre. Peut-être aussi les phrases citées par eux appartiennent-elles aux parties perdues de l’ouvrage : l’auteur, par un détour quelconque, pouvait être amené à revenir sur des sujets précédemment traités : Jésus, par exemple, donnait peut-être à Pierre de plus amples explications sur les supplices qu’il avait eus sous les yeux.





  1. Cl. Al. ecl. proph. 48.
  2. Clem. ecl. 49.
  3. Écrivain païen cité par Macaire de Magn. IV, 6 : et Macaire lui-même IV, 16.
  4. Écrivain païen cité par Macaire de Magn. IV, 7.
  5. Citation sans nom d’auteur, introduite par les mots l’Écriture dit, et qui se trouve dans Clem. ecl. proph. 41 : . C’est évidemment de la même écriture qu’a été tiré le passage suivant, qui se trouve dans Clément d’Alex. entre la citation reproduite dans la note 1 et celle de la note 2 : Une allusion au même passage se retrouve dans Méthodius (Sympos., II, 6, éd. Iahn p. 16) : . Ce passage sur les enfants exposés appartenait-il à l’apocalypse de Pierre comme le passage sur les enfants morts-nés ? M. Zahn ne le croit pas, et cela parce que, après l’avoir cité avec la formule : « l’Écriture dit », Clément introduit un passage de l’apocalypse de Pierre par ces mots : « c’est pourquoi Pierre aussi dit dans l’apocalypse. » — D’autre part, il serait étrange, si ces deux passages n’appartenaient pas au même livre, qu’ils fussent rapprochés, non seulement deux fois dans Clément d’Alexandrie, mais aussi dans l’apocalypse de Paul (voy. p. 106).