L’œil du phare/1

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Le Soleil (p. 4-5).


AVANT-PROPOS


Est-il vrai que là où l’on vit bien là est la patrie ?

Nous avons essayé de démontrer que le souvenir, le regret lancinant du pays natal, des faits géographiques où se sont manifestées les premières impressions tristes ou joyeuses de sa vie, reste au cœur de l’homme pour compromettre son bonheur terrestre dans le bien-être sous d’autres cieux.

Comme l’œil de la conscience qui suit le coupable partout, il est un sentiment qui rappelle, ne serait-ce que par intermittence, la pensée de l’être bien né au sol natal.

Pour Jean Pèlerin, nous avons voulu dire que ce sentiment fut, entre autres et surtout, comme cet éclair du phare, regard d’un œil symbolique et fascinateur, qu’il aperçut au sortir du berceau, qui veilla sur son enfance dépourvue, qu’il aima tant revoir après avoir atteint l’âge mûr, satisfait de sa vie bien ordonnée, et qu’il voudra savoir encore là, pour entrer dans sa tombe.

Ce qu’il en est de l’individu ne pourrait-il se dire de la famille qui a son habitat comme la plante ; ce que nous aurions encore voulu faire entendre dans les regrets platoniques de l’enfant d’une patrie simplement d’adoption.

Raison chez l’un, instinct chez l’autre concourraient donc à démontrer que là où l’on est matériellement bien, là n’est pas toujours la vraie patrie.


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