L’Abîme (Rollinat)/L’Âme

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L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 92-93).


L’ÂME


L’Âme s’épanche en elle seule.
Le corps, ce mannequin distrait
N’en peut donner qu’un louche extrait
Avec sa mimique si veule.

Front cynique ou face bégueule
N’est que le dessus du portrait :
Un abîme toujours discret
Entre Deux Cœurs étend sa gueule.
L’Âme s’épanche en elle seule.


Quand l’âge l’a rendue aïeule,
Plus rien d’elle ne transparaît.
Le sphinx a-t-il usé la meule
De son doute et de son regret ?
Livre-t-il déjà son secret
À la nuit qui nous enlinceule ?…
L’Âme s’épanche en elle seule.