L’Abîme (Rollinat)/L’Abnégation
Apparence
L’ABNÉGATION
Ma vie au plus profond de la vallée obscure
S’est recroquevillée entre ses deux parois :
Elle dort son horreur comme ces étangs froids
Dont le croupissement a fixé l’envergure.
Elle étale à jamais son inerte figure
Sous un lichen pourri de cercueils et de croix ;
Le présent y devient l’épave d’autrefois,
L’avenir inutile y moisit son augure.
J’ai vidé ma douleur et mon sort est rempli ;
Mes jours qui sont filés au fuseau de l’oubli
Se mêlent comme une ombre au tourbillon des vôtres.
Croiras-tu maintenant, vieux Sceptique blasé,
Que mon cœur est assez dépersonnalisé,
Assez bien mort à lui pour se donner aux autres ?