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L’Abîme (Rollinat)/L’Humanité

La bibliothèque libre.
L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 139-140).


L’HUMANITÉ


La bibliothèque mouvante
Faisant grouiller par l’univers
Ses volumes promis aux vers
Et dont Satan guette la vente,
C’est notre humanité vivante
Avec tous ses damnés divers,
Livres voulus, mais non soufferts
De la Fatalité savante.
Car c’est elle qui les invente,
Qui les voue à tant de revers,
Et qui les tient si recouverts

D’une énigme si captivante.
La lecture en est décevante :
On les devine de travers ;
Les a-t-on bien même entr’ouverts ?
Insensé celui qui s’en vante !
La curiosité fervente
Se glace à scruter leur envers ;
Quant à leur fond, bon ou pervers,
Secret que personne n’évente !
En attendant, vers les enfers,
Sous les étés, sous les hivers,
Elle roule son épouvante
La Bibliothèque Mouvante.