L’Abîme (Rollinat)/Les Causeurs

La bibliothèque libre.
L’Abîme. PoésiesG. Charpentier et Cie, éditeurs. (p. 82-83).
◄  La Douceur
Le Spectre  ►


LES CAUSEURS


L’astuce file à ses rouets
Mainte apparence qui nous vole ;
La pensée a ses faux billets
Que répand la langue frivole.

L’âme est le livre du biais
Plein de ténèbres et de colle ;
Le Diable qui nous fait l’école
Seul en dépoisse les feuillets.


On ne lit que les inquiets
Dans leur silence ou leur parole
Devenus les tristes jouets
De l’angoisse qui les isole.

Un deuil renfermé s’y désole,
Mais sans cesse à sanglots muets,
L’aveu compromettant s’envole
De ces pauvres cœurs si douillets ;

Car le vrai remords est niais
Comme la vraie horreur est folle !