L’Abbaye de Fontenay et l’architecture cistercienne/3.4

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GRANDE SALLE


Ph. L. B.
37. Grande salle[1].

À la suite de la salle capitulaire, du petit parloir et d’un passage faisant communiquer le cloître avec les jardins, se développe une longue salle de trente mètres, recouverte de douze voûtes d’ogives formant six travées ; et deux nefs.

Sa construction rappelle celle de la salle du chapitre, mais avec moins d’élégance, et doit être de la même époque ; cependant, l’aspect en est plus sévère et plus puissant.

Dans l’axe de la salle, quatre grosses colonnes trapues et un pilier octogone, au centre, reçoivent la retombée des arcs d’ogives et des doubleaux qui soutiennent les voûtes et reposent contre les murs sur des consoles, en forme de pyramide renversée et terminées par un bouton : c’est une forme très fréquente en Bourgogne.

Ph. L. B.
38. Grande salle.

Les ogives, formées d’un gros tore accompagné de deux cavets, sont amorties à leur base par des congés cintrés ornés de filets et parfois de fleurs de lis stylisées. C’est l’un des exemples les plus anciens de la fleur de lis adaptée à l’ornementation (fig. 37). Les arcs doubleaux sont dépourvus de moulures. Il est à observer que, pour contre-buter plus efficacement la poussée des voûtes, le niveau des consoles qui supportent les doubleaux, les arcs d’ogives et les formerets le long des murs, est sensiblement plus élevé que celui des chapiteaux des piliers. Seuls, les chapiteaux des quatre colonnes cylindriques présentent un décor sculpté très rudimentaire, formé par une couronne de feuilles lancéolées étroites et nervées.

Quelle pouvait être la destination de cette salle ? On a voulu y reconnaître le cellier ou magasin aux provisions ? Il nous semble difficile d’admettre cette attribution et de voir d’aussi vastes magasins, comportant un mouvement considérable d’entrée et de sortie de denrées et de comestibles de toute nature, dans le voisinage presque immédiat de la salle capitulaire. Dans les abbayes cisterciennes et bénédictines, c’était un usage à peu près constant de placer le cellier perpendiculairement à l’église, à l’ouest du cloître, et en dehors des locaux réservés aux religieux, comme à Clairvaux, Noirlac, Vaucler (Aisne), Saint-Lô (Manche), Pontigny, Fossanova, Fountains, etc. Nous verrions, bien plus volontiers, les religieux et les frères convers occupés dans cette vaste salle les jours de mauvais temps à des travaux manuels, d’autant que le chauffoir se trouve à proximité. Était-ce encore le grand parloir (parlatorium), lorsque l’abbé accordait occasionnellement à ses religieux l’autorisation de rompre le silence[2] ?

39. Charpente du dortoir.
xvie siècle

  1. Détail d’une colonne centrale recevant la retombée des arcs. Les congés sont ornés de fleurs de lis de forme archaïque.
  2. In claustris etiam certis horis dabatur copia fratribus invicem confabulandi (Ducange, Claustrum).