L’Abbaye de Fontenay et l’architecture cistercienne/3.8

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L’ENFERMERIE

Ph. L. B.
47. Porte de l’enfermerie.

La tradition, confirmée par des pièces d’archives, nous apprend que l’abbé de Fontenay pouvait exercer des droits de justice très étendus, aussi bien sur les habitants des terres dépendant de l’abbaye que sur les religieux et les frères convers qui devaient obéissance absolue à leurs supérieurs. Les jugements rendus par le cellérier, au nom de l’abbé, pouvaient aller jusqu’à la pendaison aux fourches patibulaires qui se trouvaient « à l’entrée des bois, sur la route de Châtillon, dans un champ qui est encore appelé la Justice[1] ». Il existe même dans les archives de l’abbaye de curieux débats entre le prévôt de Montbard et l’abbé de Fontenay au xvie siècle, au sujet d’un malheureux condamné à être pendu, qui aurait été exécuté sur les terrains du monastère.

L’emprisonnement punissait le plus souvent les serfs, les manants justiciables de l’abbé, ainsi que les religieux et convers indisciplinés[2].

Au sud, et perpendiculairement à la salle des novices et au dortoir, un corps de bâtiments, édifié en 1547 aux frais un religieux, porte le nom d’ « enfermerie » par euphémisme, comme l’indique une inscription gravée dans un cartouche de pierre, au-dessous de la corniche sur la face méridionale, (Enfermerie faicte per frère Pierre Lerain, Docteur en théologie[3], 1547(fig. 48). Afin que les caractères fussent plus lisibles, étant donné la hauteur où est placée l’inscription, les lettres ont été incrustées de pâtes, à base de résine, colorées en vert foncé et en rouge. C’était la prison de l’abbaye. Les ouvertures des salles basses montrent encore de nombreuses traces de scellement de barreaux de fer qui attestent la destination de l’édifice. Le mur occidental est constitué par la travée de l’ancien réfectoire qui a été conservé et surmonté d’un pignon pour accompagner la toiture.

On accède à l’intérieur par une tourelle à pans coupés contenant l’escalier et décorée d’une charmante porte de la Renaissance (fig. 47). Cet escalier pouvait également conduire à l’appartement de l’Abbé situé à l’extrémité méridionale du dortoir des religieux.

L. BÉGULE. del.
48. Inscription incustée de ciments colorés sur la face méridionale de l’enfermerie.
ABBAYE DE FONTENAY
Ph. L. Bégule.
LES JARDINS DE LA GRANDE COUR
  1. J.-B. Corbolin, ouvrage cité, p. 68.
  2. C’est à partir du xiiie siècle, que, en vertu d’une prescription du chapitre général de 1229, toute abbaye cistercienne fut tenue d’avoir une prison.
  3. Le titre de docteur en théologie n’est pas pour surprendre, et nous savons que, parmi les religieux qui se livraient à la prédication, on comptait des hommes de haute valeur, aussi remarquables par leur science théologique que par leurs connaissances agricoles et industrielles. Sous l’administration de l’abbé Jacques de Jaucourt (1530-1547), il se trouvait parmi les religieux de Fontenay un Dom Pierre de Farcy, docteur en théologie. Doit-on reconnaître en lui le frère Pierre, originaire de Lorraine, mentionné dans l’inscription ?