Un morne silence
Règne en ton réduit :
L’heure en ton absence
S’y traîne, et languit.
Tandis qu’infidèle,
Tu cours où t’appèle
Le char du plaisir,
Moi, sombre et farouche,
Au pied de ta couche
Je reviens gémir.
L’horloge inactive
Dans l’oubli s’endort.
Sa roue est oisive,
Son pendule est mort.
Sur l’émail fragile,
L’aiguille immobile
Semble m’avertir,
Que sans toi, cruelle,
Le Temps, privé d’aile,
A cessé de fuir.
Couvert de poussière,
Ton luth détendu,
Au mur solitaire
Reste suspendu.
Seule à peine encore,
La corde sonore
Vient-elle à frémir,
Quand long-temps muette,
Elle éclate, et jette
Un dernier soupir.
Plus loin, tout livide,
Ton myrte fané,
Dans son vase aride,
Meurt abandonné.
Sans eau, sans rosée,
La plante épuisée
Eût perdu ses fleurs,
Si, pour vivre encore,
Sa tige inodore
N’avait bu mes pleurs.
Et lui, tes délices.
Cet oiseau charmant,
Que tes doux caprices
Stimulaient au chant !
Morose et sauvage,
Vois-le dans sa cage
Demander tout bas,
Où sont les tendresses,
Où sont les caresses
Dont tu l’enivras.
Ah ! quand moins farouche,
Il venait joyeux
Effleurer ta bouche
D’un bec amoureux,
De quels yeux ma rage
Voyait son plumage
Sur ton sein frémir…
Plus de jalousie !
Notre ingrate amie
A su nous unir !
Caché sous son aile
Aux rayons du jour,
Quand ma voix l’appèle,
L’oiseau reste sourd.
Ma main consolante
En vain lui présente
Grains, fruits savoureux ;
Nul soin ne le touche ;
Son bec fuit ma bouche ;
Son regard, mes yeux.
Viens donc, tout t’implore
Viens, comblant nos vœux
D’un sourire encore
Animer ces lieux ;
Rends au Temps son aile ;
À l’oiseau fidèle
Rends sa vive ardeur ;
Au luth, l’harmonie ;
Au myrte, la vie ;
À moi, le bonheur.
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