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L’Affaire Blaireau/Dédicace

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QUELQUES LIGNES DE L’AUTEUR
À L’ADRESSE DE TRISTAN BERNARD[1]



Cher Tristan Bernard,

Te rappelles-tu le Voyage que nous fîmes l’an dernier à pareille époque au tombeau de Chateaubriand ? (Je ne sais plus si cette visite avait le caractère d’un pèlerinage, ou si elle était le résultat d’un pari de douze déjeuners.) Nous avions pris le train, selon une pieuse coutume, à la gare Montparnasse.

Le soir, sur ces entrefaites, était tombé. Je me souviens qu’au moment où nous brûlions la station de N…, et où une brusque secousse nous avertit que nous passions sur le 1er degré de longitude, je te parlai de mon prochain volume, avec la fièvre et l’abondance qui me caractérisent quand je suis dans une période de production. Dans mon ardeur je m’engageai alors à te dédier ce livre, moyennant certaines conditions.

Je tiens aujourd’hui ma promesse, non sans une joie très vive, je te dédie le livre suivant, sur lequel j’attire ton attention.

Tu remarqueras d’abord que les descriptions y sont très brèves, et que l’on n’y insiste sur l’aspect général des nuages, arbres et verdures de toute sorte, sentiers, lieux boisés, cours d’eau, etc., que dans la mesure où ces détails paraissent indispensables à l’intelligence du récit. En revanche, le plus grand soin a été apporté au dessin (outline) et à la peinture (colour) des caractères. D’autre part, l’intrigue (plot) est entrecroisée avec tant de bonheur qu’on la dirait entrecroisée à la machine ; or il n’en est rien. Quant au style (style), il est toujours noble et, grâce à des procédés de filtration nouveaux, d’une limpidité inconnue à ce jour.

Tels sont, mon cher ami, les mérites de cet ouvrage, qu’en échange de la petite gracieuseté que je te fais, tu pourras recommander, le cigare aux lèvres, avec une nonchalance autoritaire, dans les cercles, les casinos, les garden-parties et les chasses à courre.

Cordialement à toi,
ALPHONSE ALLAIS

  1. Ces quelques lignes sont écrites spécialement pour M. Tristan Bernard ; néanmoins les autres lecteurs peuvent en prendre connaissance, elles n’ont absolument rien de confidentiel.