L’Allemagne depuis la guerre de 1866/02

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L’Allemagne depuis la guerre de 1866
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 69 (p. 882-902).
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L'ALLEMAGNE
DEPUIS LA GUERRE DE 1866

II.
LE SOL DE LA PRUSSE ET LA CONSTITUTION DE LA PROPRIETE[1].

De tous les grands états européens, il n’y en a point qui aient été moins favorisés par la nature que la Prusse. Le roi de Hanovre appelait Frédéric à l’archi-sablier de l’Allemagne, et Frédéric lui-même ne se faisait pas faute de plaisanter sur les sables du Brandebourg. Quand on traverse la Prusse dans sa grande longueur, depuis le Rhin jusqu’à Königsberg ou Gumbinnen, l’aspect du pays est d’une monotonie désolante et dénonce la pauvreté native du sol. Presque partout domine la céréale des terres arides, le seigle, qui est même généralement petit et maigre. Des bruyères, des plaines de sable aussi nues, aussi désolées que celles du désert, attristent le regard et s’avancent jusqu’aux environs de la capitale ; puis viennent des eaux dormantes, des étangs mélancoliques qu’entourent des bois clair-semés de sapins mal venus, des tourbières, des marais, et à l’horizon les silhouettes transparentes de quelques bouleaux rabougris. La plupart du temps, un ciel gris laisse filtrer sur ce morne paysage une lumière blafarde. L’ennui vous saisit en le traversant ; on hâte de ses vœux le vol rapide de la locomotive. La nuit arrive, et toujours s’étend à l’infini la même plaine uniforme. Le lendemain, on retrouve encore les mêmes sapins maladifs, les mêmes bouleaux rachitiques, les mêmes champs de seigle, le même aspect de pauvreté souffreteuse ; il semble qu’on n’ait point changé de place. Le climat est extrêmement rigoureux ; trois mois de neige, un froid qui atteint 28 degrés Réaumur, et, circonstance plus fâcheuse encore, des gelées tardives jusqu’en juin et juillet, qui grillent les pommes de terre et le sarrasin. Cependant les habitations rurales sont bien soignées, propres et correctement tenues dans leur médiocrité, comme le vêtement d’un sous-officier en demi-solde. Dans les villages, l’église et l’école en excellent état annoncent qu’on ne néglige pas les intérêts moraux et intellectuels ; les routes, les cours d’eau, sont parfaitement entretenus. Tout indique l’effort d’une volonté persévérante et prévoyante. Le touriste qui cherche des sites pittoresques, l’agronome qui désire visiter des régions de riche culture, ne doivent point aller en Prusse. Même dans le district si réputé de Magdebourg, la Prusse n’a rien à offrir qui puisse se comparer aux Flandres française et belge, à la Normandie, ou aux comtés de Norfolk et de la Basse-Ecosse ; mais celui qui voudra savoir comment l’homme parvient à vaincre les résistances d’une nature rebelle et à tirer d’une terre inféconde d’abondans moyens de subsistance, comment surtout l’instruction, généralisée et la science appliquée peuvent contribuer aux progrès de l’agriculture, celui-là trouvera dans l’étude de l’économie rurale prussienne les plus utiles enseignemens. Sans doute c’est pour les yeux de l’amateur un beau spectacle que celui des gras pâturages de la Lombardie ou de la Hollande tout couverts de magnifiques troupeaux ; mais, s’il désire améliorer son domaine, que peut-il emprunter à ces contrées exceptionnellement favorisées, pour qui la nature a tout fait ? Vient-il à les citer, on lui répondra qu’il faudrait commencer par se procurer le fertile limon qui produit spontanément ces nourrissans fourrages. Que si au contraire il a vu des terres de la plus mauvaise qualité donner un revenu rémunérateur, il pourra facilement en faire son profit en introduisant les procédés qui ont ïéussi ailleurs. De même, en cherchant comment un état naturellement pauvre et déshérité a pu grandir rapidement en puissance et en richesse, les nations plus favorisées et qui pourtant n’avancent pas aussi vite trouveront, peut-être l’occasion de salutaires réflexions et d’utiles réformes.


I

Avant les récentes annexions, le territoire de la Prusse avait une étendue de 28 millions d’hectares ; il en comprend aujourd’hui 35 millions. Il présente l’aspect d’une grande plaine de formation tertiaire qui va mourir en pente insensible sous les eaux de la Mer du Nord et de la Baltique, de façon à n’y pas ouvrir de ports d’une profondeur suffisante pour la marine de guerre, sauf Kiel ; elle se relève ensuite peu à peu vers le sud, où elle est bornée par les massifs de roches cristallines des monts Sudètes, par la chaîne des Géans, du Harz, du Teutoburger-Wald et de l’Eifel avec ses coulées de lave et ses cratères éteints. La superficie est composée d’un mélange d’argile et de sable, dépôts opérés au fond de la mer et soulevés au-dessus du niveau des eaux pendant l’époque géologique la plus récente. Dans le sous-sol, on rencontre tantôt une croûte ferrugineuse, bien connue dans les landes, et qui fait le désespoir du cultivateur, tantôt de la marne de formation éocène, qui permet d’amender la terre en loi donnant les élémens calcaires qui lui font généralement défaut. La craie même apparaît parfois au jour comme dans l’île de Rugen, où elle se dresse du côté de la mer en falaises de plusieurs centaines de pieds de hauteur. Parcourons rapidement les différentes provinces.

La plus orientale et la plus grande, la Prusse, confine à la Russie, dont elle reproduit assez exactement les caractères physiques. Le bassin et le delta de la Vistule aux environs de Dantzig, le delta du Memel à partir de Tilsitt, le district de Marienwerder, offrent des terres d’excellente qualité produisant du froment, du lin, de l’orge en abondance ; mais presque tout le reste de la province est peu fertile, entrecoupé de marais, de petits lacs et de bruyères absolument stériles, où le résineux même, le plus sobre des arbres, refuse de pousser. Sous le 54e degré de latitude nord, le climat est sévère, et la période de végétation très courte. La récolte se fait tard, les semailles d’automne très tôt ; il faut ainsi exécuter tous les travaux agricoles en peu de temps et employer beaucoup de chevaux et d’hommes, qu’on ne peut utiliser pendant le long hiver qui suit un rapide et brûlant été. Cette circonstance augmente les frais de production. D’autre part, le prix des denrées reste relativement assez bas, parce que la population est clair-semée et les voies de communication encore peu nombreuses. La conséquence naturelle de cet état de choses est que le produit net et le prix des terres ne sont pas considérables. Les chiffres suivans donneront une idée de ces conditions économiques. La population s’élève seulement à 2,559 habitans par mille carré, tandis que la moyenne pour tout le royaume est de 3,771. Le prix de la viande de bœuf est de 60 à 80 centimes par kilo. On ne compte par mille carré que 4,125 mètres de routes et de canaux, et les estimations officielles du cadastre, faites il y a quelques années, n’attribuent à la terre arable qu’un produit net de 12 fr. 50 par hectare et une valeur vénale de 375 francs. La province de Posen, au sud de la précédente, n’a pas d’aussi belles terres d’alluvion, et le sable y domine aussi dans toute la partie occidentale. Cependant le bassin de la Netze, dans le cercle de Bromberg, et celui de l’Obra présentent des prairies fertiles, et le climat y est moins défavorable à la végétation des récoltes d’été. Il y a une trentaine d’années à peine, la contrée était couverte de grands bois, continuation des sauvages forêts de la Pologne et de la Lithuanie, où vivent encore quelques représentans de l’antique race du bos urus, l’aurochsn qui est près de disparaître. Depuis lors on a défriché la plus grande partie de ces massifs forestiers. La terre arable prend 61 pour 100 de la superficie et les bois seulement 21, proportion inférieure à celle qu’offre le royaume, et qui est de 24 pour 100. Malheureusement la terre obtenue par le défrichement est encore très humide, remplie d’un humus aigre, exigeant beaucoup de chaux, d’engrais, et un drainage profond que le peu de pente du terrain rend souvent très difficile à exécuter. La densité de la population est un peu plus grande que dans la province de Prusse : elle est de 2,842 habitans au mille carré. La viabilité est meilleure, puisqu’il y a 5,550 mètres de voies par mille. Le prix des terres a beaucoup augmenté. Le cadastre le portait à 450 fr. l’hectare. En réalité, il dépasse maintenant 700 francs.

La province de Posen est, comme on sait, d’origine polonaise ; les Allemands s’y sont introduits peu à peu pour la germaniser. Il s’est produit dans le chiffre relatif des deux races de singulières vicissitudes. En 1815, il n’y avait que 160,000 Allemands contre 615,000 Polonais. En 1861, sur 1,467,604 habitans, il y avait 666,083 Allemands contre 801,521 Polonais. L’élément germanique avait donc fait d’étonnans progrès, puisque de 26 il s’était élevé à 83 pour 100 de l’élément slave ; mais à partir de 1861 celui-ci s’accroît rapidement, tandis que l’autre diminue. En 1864, on ne trouve plus que 75 Allemands pour 100 Polonais. Cela s’explique par un double mouvement d’émigration et d’immigration. Les Allemands émigrent vers l’Amérique, les Polonais, fuyant le joug russe, s’infiltrent en Prusse ; mais, par un mouvement continu, la propriété, paraît-il, passe des mains des Slaves dans celles des Allemands.

La Poméranie, qui s’étend des deux côtés des bouches de l’Oder, le long de la Baltique, est mieux partagée que les deux provinces précédentes. Les districts de Stralsund, de Stettin, l’île de Rugen et tout le littoral présentent des terres fertiles propres à la culture du froment, de l’orge et même de la betterave. L’intérieur du pays est plus médiocre ; le seigle et les sapins y reprennent leur empire. La proximité de la mer, la facilité des exportations, donnent aux produits agricoles à peu près la valeur qu’ils atteignent sur les marchés régulateurs de l’Europe occidentale. C’est un pays de grande propriété. Les domaines dépassant 300 morgen[2], c’est-à-dire environ 75 hectares, occupent les 68 centièmes de la superficie. La petite propriété des paysans, de 1 à 7 hectares, n’en prend que 4 pour 100 : grande différence avec la France, où la classe des petits propriétaires est si nombreuse. La Poméranie est aussi la province la moins peuplée du royaume : on n’y compte que 2,492 habitans par mille carré, et la même étendue offre 7,100 mètres de routes et de canaux. Le prix moyen de l’hectare dépasse 900 fr.

Le Brandebourg, noyau primitif de la monarchie prussienne, en est la région la plus stérile ; — on n’y rencontre guère de bonnes terres qu’aux bords de l’Oder et de la Wartha, et elles forment à peine 4 pour 100 de la superficie. Les districts de Priegnitz, de l’Uckermark et du Havelland contiennent quelques parties assez productives : dans tout le reste de la province domine un maigre sable qu’on n’a pu mettre en valeur que par des efforts persévérans bien dirigés. C’est ici que le lupin, enterré vert comme engrais ou donné comme fourrage aux moutons, a fait merveille. De magnifiques travaux d’assainissement ont été exécutés à différentes époques à partir du moyen âge, et grâce aux résineux on a pu tirer parti des zones les plus rebelles. La consommation de villes importantes, comme Berlin, Francfort-sur-l’Oder, Potsdam, l’étendue des voies de communication, qui atteint 10,000 mètres par mille carré, assurent aux produits un prix rémunérateur. La viande se vend un bon tiers plus chef que dans les provinces orientales, elle vaut 1 fr. 50 cent, le kilogramme. Le prix de la terre s’en ressent et monte à 1,100 fr. l’hectare. La propriété est plus divisée que dans l’est. Les domaines dépassant 75 hectares n’occupent plus qu’environ la moitié de la surface, et les fermes de 7 à 70 hectares exploitées par des cultivateurs propriétaires sont nombreuses ; elles prennent 38 pour 100 de la superficie. La culture est généralement très bien conduite, et les progrès accomplis dans ces dernières années sont très frappans. De meilleures races d’animaux, les vaches d’Ayr et de Hollande, les moutons et les porcs anglais, se propagent, les instrumens aratoires perfectionnés se répandent, et l’emploi des engrais commerciaux prend une extension rapide.

La Silésie présente un aspect très différent de celui des provinces du nord. Traversée dans toute sa longueur par l’Oder, elle s’avance comme un coin entre les populations slaves de la Pologne et de la Bohême. Toute la région méridionale est montagneuse. Les contre-forts des Eulen et des Riesen-Gebirge s’y soulèvent en croupes assez hautes où la couche végétale d’une froide argile est mince et peu favorable à la végétation des céréales. Le climat est rude, la température subit de brusques changemens. Dans la Haute-Silésie, les semailles du printemps ne peuvent se faire qu’à la mi-avril, et celles d’automne doivent être terminées au commencement d’octobre, Le foin ne se coupe qu’à la mi-juillet, et le froment ne mûrit qu’en août. La petite culture domine dans cette région : il n’y a que peu d’exploitations dépassant 75 hectares ; Dans, la Basse-Silésie, le climat, est moins rigoureux, la propriété moins divisée. L’étendue des fermés ordinaires est de 25 à 50 hectares. Cette province est la seconde sous le rapport du bétail ; on y compte par mille carré 2,573 bêtes, à cornes, 510 chevaux et 5,149 moutons dont la laine est très renommée. La capitale, Breslau, est après Berlin la ville la plus peuplée du royaume, elle compte 164,000 habitans.

La province de Saxe était la plus riche de celles qui formaient la Prusse avant les récentes annexions. A l’exception des hauteurs du Harz et du Thuringer-Wald, que l’âpreté du climat et du sol rend peu propres à la culture, le reste du territoire est de bonne qualité, et les districts de Magdebourg, Mersebourg, Kalbe, Erfurt, sont même excellens. C’est aussi la contrée où les procédés agricoles sont le mieux entendus et les améliorations nouvelles le plus promptement introduites. Les riches cultures industrielles, celles de la betterave surtout, y sont très répandues et donnent les meilleurs résultats. La moyenne propriété y domine. Les domaines de plus de 150 hectares n’occupent que 30 pour 100 de la superficie. Située au centre intellectuel de l’Allemagne, la Saxe est sous tous les rapports le pays le plus avancé de la Prusse. La Westphalie au contraires est un des plus arriérés. Le sol y est peu fertile. Au sud s’élève la région montagneuse du Sauerland ou pays amer avec ses bois de peu de valeur, ses terres humides et son rude climat. Au nord s’étend la grande plaine de Munster avec ses sables et ses bruyères. Il n’y a que les 43 centièmes de la superficie qui soient cultivés. C’est à l’extrémité méridionale de la province que se trouve le district de Siegen, dont les prés arrosés servent de modèle et d’objet d’études à toute l’Allemagne. La façon dont les habitans exploitent leurs bois et leurs prairies mérite d’être connue. Ces bois s’appellent haubergen et occupent toutes les déclivités des montagnes, qui s’élèvent jusqu’à 1,700 pieds de hauteur. Au XVIIIe siècle, le duc de Nassau, à qui le pays appartenait, craignant que la division de la propriété en parcelles ne nuisît à la bonne exploitation, entreprit une opération générale de consolidation. Voici en quoi elle consistait. Toutes les propriétés particulières d’une commune furent réunies en un ensemble indivis dans le produit duquel chaque propriétaire vint prendre une part proportionnée à ce qu’il possédait d’abord. L’administration du bien commun est confiée à un directeur (vorstand), élu en assemblée générale pour six ans. Les haubergen de chaque commune formant un tout, sont divisés en dix-huit ou vingt coupes annuelles d’un seul tenant. Quelquefois la coupe est vendue, et le produit partagé entre les ayant-droits proportionnellement aux parts que chacun possède. D’autres fois la superficie à exploiter est découpée en bandes parallèles s’étendant depuis le pied des hauteurs jusqu’au sommet, et chacun des co-propriétaires tire parti de la lisière de bois que le tirage au sort lui assigne. D’après les règlemens, on pèle le taillis de chêne quand la sève monte pour obtenir des écorces à tan. En mai, le bois est coupé ; la superficie du sol est enlevée par mottes qu’on met en tas et qu’on brûle au mois d’août ; dans les cendres, on sème du seigle qui est récolté l’an d’après avec précaution entre les pousses nouvelles des souches, que cette opération ne fait pas du tout souffrir. Le sol étant ainsi bien nettoyé et ameubli, on met de jeunes plans dans les places vides. Une herbe abondante succède au seigle sous le taillis qui repousse. Quatre ans après, on y mène paître les moutons, et un peu plus tard les vaches.

Les haubergen donnent donc successivement des écorces à tan, du bois à brûler, du seigle et de l’herbe. Le produit brut monte à 900 francs par hectare pour 18 ans, soit 50 francs annuellement. Le produit net est d’environ 24 francs, ce qui est très considérable, vu qu’il s’agit de bois situés sur des déclivités très raides, et dans ce calcul le pâturage n’est compté pour rien. L’organisation des haubergen ressemble beaucoup, on le voit, à celle d’une société anonyme. Les actions sont remplacées ici par des parts appelées stammjähne et inscrites au grand-livre. Le propriétaire dispose librement de sa part indivise, mais non de la quotité du bois qu’elle représente, et qui reste soumise à l’administration centrale, comme c’est le cas pour un chemin de fer. Les habitans du pays de Siegen sont très satisfaits de ce régime, qui ne donne jamais lieu, paraît-il, à des réclamations sérieuses. Nous voyons ici comment, par l’association appliquée aux biens-fonds, on arrive à combiner la division de la propriété et la grande exploitation. C’est un type intéressant à étudier, car la société démocratique de l’avenir sera forcément amenée à adopter des institutions du même genre, afin de réunir les avantages de la propriété arrivant aux mains de tous avec ceux qu’assure l’emploi des machines sur une large échelle.

L’irrigation dans le district de Siegen est aussi bien entendue qu’en Lombardie et aux environs de Valence. Des eaux abondantes descendant des hauteurs sont retenues par des digues et des barrages afin de communiquer la force motrice aux petites forges répandues dans les vallées. Un canal d’alimentation les amène sur les prés, et un canal parallèle de décharge les enlève. Ces prés sont disposés en ados, au sommet de chacun desquels s’ouvre une petite rigole d’irrigation. Les travaux d’installation d’un hectare de prairie s’élèvent à 1,800 francs ; il est vrai que le produit est énorme : il monte à 12,000 kilogrammes de foin d’une valeur de 800 francs au moins. Le principal arrosement a lieu à l’automne ; au printemps, on abreuve de nouveau le pré avant la première coupe, et l’été avant la seconde. L’hectare se vend de 10,000 à 11,000 francs et se loue 400. Les travaux de premier établissement et d’entretien des grands canaux s’exécutent à frais communs par les soins d’une administration que les intéressés désignent. La minorité, après avoir fait valoir ses objections au sein de l’assemblée générale, est obligée de se soumettre aux décisions de la majorité. Cet exemple montre une fois de plus quelle valeur extraordinaire peut communiquer à un sol de qualité médiocre le travail humain bien dirigé. Il existe à Siegen une école de praticulture dont les élèves, habitués en dehors de leurs études théoriques à établir eux-mêmes des prés irrigués, sont partout recherchés en Allemagne.

Le nord de la Westphalie et presque tout le Hanovre présentent encore les modes de culture les plus primitifs. Les bruyères occupaient autrefois le tiers de la superficie. Grâce au partage des biens communaux, elles n’en prennent plus que le quart. Dans le sous-sol se trouve une croûte ferrugineuse qui, arrêtant l’écoulement des eaux, s’oppose à la croissance des arbres et rend les herbages aigres. Le système de culture généralement en usage est celui que l’on nomme en Allemagne Plaggen-wiihschaft. On coupe la superficie de la bruyère qui contient un peu d’humus et de force végétale ; on transporte les mottes sous le bétail, où elles se transforment en engrais, et on entretient ainsi la fertilité des terres cultivées, soumises cependant au plus détestable assolement. On y met du seigle dix et vingt ans de suite, avec parfois un peu de pommes de terre et de sarrasin. La partie du territoire qui est cultivée s’appelle esch ; elle s’est élevée de plusieurs pieds par suite de l’adjonction constante des mottes.de bruyère. Un mur de terre et un fossé planté en taillis l’entourent et la préservent du bétail. Chaque cultivateur exploite sur le esch plusieurs parcelles entremêlées avec celles des autres habitans du village. Naguère régnait encore ce que l’on appelait le flurzwang, antique coutume qui obligeait tous les cultivateurs à faire à la même époque les semailles et la moisson afin de permettre aux troupeaux de paître sur les chaumes. Maintenant que ces entraves ont disparu, les cultures sont plus variées : fourrages et racines commencent à se montrer après les céréales. Dans la Frise orientale et dans l’Oldenbourg, on retrouve les mêmes usages ; seulement l’esch s’appelle ici geest ou gast.

Autrefois la marche, — terrain vague entourant les champs cultivés ; — était commune et au 1er mai l’assemblée des habitans désignait l’étendue où chaque chef de famille avait le droit d’aller couper la bruyère. Aujourd’hui beaucoup de ces communaux ont été partagés, et les anciens usages ne survivent que dans l’immense plaine qui s’étend entre l’Elbe et le Weser, la Luneburger-Heide. Pour tirer meilleur parti de ce sol ingrat, il faut, après avoir répandu sur le sol la marne, qu’on trouve en beaucoup d’endroits à une très petite profondeur, planter des résineux où adopter une meilleure rotation. En Hanovre, les associations provinciales d’agriculture ont pris une excellente mesure qu’il faudrait imiter ailleurs. Elles tracent pour les cultivateurs qui le désirent un plan d’amélioration, et envoient même des agens spéciaux pour en surveiller l’exécution. Un chiffre fera comprendre l’importance de cette innovation. En Hanovre, les associations agricoles, pendant la seule année 1863, ont contribué à transformer la culture de 771 exploitations situées dans 302 communes. L’assolement auquel on arrive est le système alterne appliqué à un mauvais sol, et il comprend : 1° pommes de terre et lupins 2° seigle, 3° trèfle blanc et graminées, 4° seigle, 5° pois, enfin 6° avoine. De cette façon, on obtient de quoi entretenir un bétail suffisant tout en se passant du secours qu’apportait la bruyère. Celle-ci, partagée entre les habitans, est peu à peu mise en valeur, et chaque année la région productive s’étend. Quoique la terre soit peu fertile et le climat humide et froid, la Westphalie et la partie avoisinante du Hanovre nourrissent une classe nombreuse de paysans aisés. La plupart d’entre eux sont propriétaires d’exploitations de 25 à 50 hectares. Nulle part dans le royaume la grande propriété n’occupe aussi peu de place qu’ici ; elle ne prend que les 16 centièmes du territoire. Le chiffre des bêtes à cornes est élevé, 1550 par mille carré et 342 par mille habitans ; mais, chose singulière pour un pays de bruyères, le nombre des moutons est très restreint, il ne dépasse guère celui des bêtes à cornes. On élève aussi beaucoup de porcs dont les jambons sont renommés, et beaucoup de chèvres. Le nombre de ces utiles animaux s’est élevé dans la province de 28,000 en 1816 à 131,000 en 1861 ; c’est du lait pour cent mille ménages pauvres.

La plus grande partie de la province rhénane est montagneuse. Sur la rive gauche du Rhin s’élèvent les hautes croupes du Hunsruck, que la Moselle contourne, et celles de l’Eifel, qui, au sommet du Hone-Acht, montent à 2,360 pieds. Sur la rive droite se prolonge le soulèvement du Westerwald, riche en minerai, mais extrêmement défavorable à la culture. Dans toute la région élevée, le sol, formé par l’effritement des schistes argileux et de la grauwacke, est froid et peu perméable. Le climat est en outre des plus rudes ; l’hiver dure près de six mois, et les gelées de juillet brûlent fréquemment les pommes de terre. Au fond des vallées qui sillonnent le pays s’étendent de bonnes prairies ; et, comme on sait, la vigne se cultive avec grand succès aux bords du Rhin, de la Moselle, de la Nahe et de l’Ahr. A partir de Cologne s’ouvre une plaine couverte d’un riche limon qui atteint dans le pays de Juliers le plus haut degré de fertilité. C’est avec le district de Magdebourg la plus belle région agricole du royaume. L’étendue des voies de communication, le développement de l’industrie, favorisé par le bon marché des charbons de la Ruhr, la densité de la population, qui arrive à 6,000 âmes par mille carré, la division de la propriété, tout contribue à faire de la province rhénane, malgré bien des terrains de mauvaise qualité, la partie la plus riche de la Prusse. Les propriétés inférieures à 8 hectares y prennent environ la moitié de la superficie, proportion tout à fait exceptionnelle dans le royaume. Les grandes propriétés supérieures à 150 hectares y existent aussi, elles occupent encore les 22 centièmes du territoire.

La plus belle acquisition que la dernière guerre ait value à la Prusse est sans contredit le Slesvig-Holstein, qui comprend 1,859,000 hectares avec 1,022,000 habitans. La côte orientale vers la Baltique et le centre forment la partie haute, le geest, dont le sol d’argile et de sable est également favorable aux prairies et aux céréales. Sur la côte occidentale, aux bords de la Mer du Nord, le marsch, formé, comme les polders de la Hollande, par des dépôts d’alluvion, est d’une merveilleuse fertilité. Cette zone d’argile, que l’on appelle klai, convient parfaitement à l’engraissage du bétail. Les paysans sont partout très aisés, et la classe rurale constitue les trois quarts de la population totale. Les fermes (bauernhöfe), entourées de fossés, se cachent sous d’épais massifs d’arbres qui les protègent contre la violence des vents de mer. Il y règne un comfort rustique, non sans élégance, qu’on ne rencontre nulle part en Europe, sauf dans la province néerlandaise de Groningue, dont les conditions physiques et sociales ressemblent beaucoup à celles du Slesvig-Holstein, 120,000 hectares sont boisés, 300,000 en prairies, 1,300,000 en terres arables. Sur celles-ci se pratique un assolement particulier, connu en Allemagne sous le nom de holsteinische Koppelwirthschaft, Les champs (koppel) sont entourés de deux fossés entre lesquels s’élève un épaulement de terre où croît un taillis de bouleaux et d’aunes coupé tous les neuf ans. Par ce système de clôture, on assèche les terres, on obtient du bois et on protège les récoltes des atteintes du bétail. La rotation suivie sur les koppels, et qui constitue l’assolement holsteinois, comprend neuf années. Pendant la première année, la terre est en jachère ; à la deuxième, on sème le froment ; à la troisième, l’orge ; à la quatrième et à la cinquième, l’avoine ; à la sixième, le trèfle ; la septième, la huitième et la neuvième année sont réservées au pâturage. Voilà, il est vrai, quatre années de récolte verte et quatre années de céréales ; mais celles-ci ont le tort de se suivre sans interruption. Les progrès récens tendent à introduire la culture alterne et à supprimer les clôtures des koppels, qui prennent une place précieuse. Le principal produit du pays est le beurre et le bétail, que les bateaux à vapeur emportent chaque semaine du port de Tonning pour le marché de Londres. Ils enlèvent ainsi au moins 200 bœufs et 2,000 moutons par semaine. Le beurre s’expédie aussi par Kiel et toujours en des tonnelets de chêne de 50 à 75 kilos portant la marque de la ferme d’où ils proviennent, excellente coutume qui entretient l’émulation et empêche les fraudes. Par ses exportations, le Slesvig-Holstein dépend de l’Angleterre plutôt que de l’Allemagne, et il n’a pas à s’en plaindre, car le haut prix des produits enrichit le fermier et les propriétaires[3]. Le bétail appartient à deux races très distinctes : la race angle, au pelage rougeâtre, aux jambes fines, donnant beaucoup de lait, et la race du Jutland, à la robe pie, noir et blanc, moins grande, mais plus robuste. Les petits cultivateurs du geest élèvent les jeunes bêtes, les grands fermiers du marsch les achètent et les engraissent dans les prairies à raison de deux bêtes à cornes et de deux moutons par hectare. Les chevaux sont excellens, et le jour du marché les paysans aiment à s’y rendre au trot rapide de leurs brillans attelages. Les ouvriers agricoles, insten, ne reçoivent que 90 centimes par jour. Lorsqu’ils battent le grain au fléau, ils obtiennent le seizième du produit et le vingtième quand ils battent à la mécanique. Dans les marschen, où les bras sont rares, la journée se paie pendant la moisson 1 fr. 50 et 1 fr. 80 cent., non compris la nourriture, qui doit être copieuse et forte. Les habitations des ouvriers, grandes, bien tenues et presque toujours ornées de fleurs, contiennent au moins quatre places. Les relations entre maîtres et serviteurs sont restées patriarcales, ce qui devient rare en Allemagne comme partout. L’ivrognerie, vice habituel des peuples du nord, est peu répandue. On exporte de l’eau-de-vie et on importe de la bière, ce qui est bon signe. Le sentiment de la prévoyance est développé. Les ouvriers s’associent à des caisses de secours mutuels ; les fermiers font assurer leurs maisons, et ils ont établi des caisses d’assurances mutuelles pour le bétail (kuhgilden), afin de recevoir une indemnité en cas de perte. C’est une population fière et faite pour se gouverner elle-même. Les habitans des dithmarschen, d’où était l’historien Niebuhr, prétendent n’avoir jamais perdu leur liberté antique depuis le temps héroïque de la Germanie. L’ouvrier lui-même ne veut travailler que douze heures par jour, de six heures du matin à six heures du soir.

Bien différent du Slesvig-Holstein, le Hanovre est un pays pauvre et peu peuplé. Sur 3,800,000 hectares, il n’y a que 1,500,000 hectares de terre arable ; le reste est bruyères ou prairies et bois de qualité médiocre. Il n’avait en 1864 que 1,924,000 habitans, ce qui fait 50 par kilomètre carré, tandis que la moyenne pour la nouvelle Prusse est de 67 et pour la France de 68. Il possédait en 1862 214,000 chevaux, 950,000 bêtes à cornes, 2,212,000 moutons et 554,000 porcs, ce qui revient à une tête de gros bétail par 2 hectares 1/2 et par 1,3 habitant, proportion très élevée et qui prouve que la population a su tirer bon parti d’un sol rebelle. En Hanovre, la propriété est beaucoup plus divisée qu’en Prusse. On compte 350,000 propriétaires, la plupart cultivant leurs propres terres. Les biens nobles, rittergüter, ne comprennent que 120,000 hectares. Les domaines inférieurs à 60 hectares couvrent la moitié de la superficie. Les parcelles de moins de 4 hectares n’en prennent que 10 pour 100. La moitié de la population est employée aux travaux des champs, et les trois quarts y résident. Dans la portion méridionale du pays, qui est montagneuse, des mines importantes sont exploitées. Elles produisent environ par an 60,000 tonnes de métaux divers et 300,000 tonnes de charbon, d’une valeur totale de 11 millions de francs. Le Hanovre était l’état le moins imposé de l’Allemagne. Sur les 20 millions de thalers formant les recettes du budget, il n’y en avait que 7 1/2 qui provinssent des impôts, ce qui faisait 15 francs par tête. En France, on paie trois fois et demie plus. Dans ce pays exceptionnel, le sel échappait à l’impôt ; c’est tout dire. Le Hanovrien a les qualités solides de l’homme du nord ; il est loyal, honnête, persévérant, bon travailleur et bon soldat, comme il l’a montré encore récemment à Langensaltza. Ce pays fournira 19,000 hommes à l’armée prussienne.

La Hesse électorale, avec 737,000 habitans sur 951,700 hectares, est un pays peu prospère malgré l’aspect agréable de sa capitale, Cassel, fière de ses belles promenades et de son riche musée si peu connu[4]. La population y était presque stationnaire : depuis 1855, elle n’augmentait que de 0,13 par an. Les naissances présentaient un excédant marqué sur les décès ; mais l’émigration enlevait chaque année un assez grand nombre de familles, fatiguées de vivre sous un gouvernement détestable qui étouffait l’esprit de liberté et d’entreprise. Les gens de la campagne ont un aspect misérable, triste et résigné. La contrée est toute coupée de hauteurs ordinairement couvertes de bois et bordant des vallées assez fertiles. L’étendue boisée est plus considérable que celle qu’occupent les terres arables, chose rare et indice certain d’une région où la culture est encore peu productive. Aussi ne retrouve-t-on plus ici les beaux chevaux du Hanovre ; les chariots sont traînés par de petites vaches ou de maigres haridelles. Le bétail est toutefois assez nombreux ; il consistait en 51,300 chevaux, 225,000 bêtes à cornes, 561,000 moutons et 150,000 porcs, ce qui revient à une tête de gros bétail par 2 hectares et 1/2 et par deux personnes environ. Le nombre des propriétaires doit être à peu près de 150,000. La production minérale est représentée par un peu de charbon et de fer et par beaucoup de lignite, combustible très employé dans les villes à cause du bas prix de revient. Ce petit pays, naguère gouverné, contrairement aux vœux des habitans, par un prince affolé d’idées absolutistes, gagnera certainement par son annexion à la Prusse, qui lui communiquera le ressort, l’esprit d’entreprise et la confiance en l’avenir.

Le Nassau, arrosé par le Rhin et par son pittoresque affluent la Lahn, offre l’aspect d’une grande prospérité. Quoique les bois qui couronnent les hauteurs occupent presque la moitié de la superficie du pays, la population y est très dense : elle s’élève à 466,000 habitans sur 469,000 hectares, ce qui fait 99 par kilomètre carré. Il faut que le pays soit bien cultivé pour nourrir tant de monde. La propriété est assez divisée, car on compte plus de 50,000 propriétaires, soit 1 par 9 hectares ; néanmoins le chiffre du bétail est extrêmement satisfaisant, puisqu’on trouve 13,000 chevaux, 267,000 bêtes à cornes, 169,000 moutons et 69,000 porcs, ce qui représente 256,000 têtes de gros bétail, ou 1 tête par 1,8 habitant et par 1,8 hectare, proportion plus élevée qu’aucune de celles que nous avons rencontrées jusqu’ici. La production minérale monte à une dizaine de millions de francs. Les meilleurs vins du Rhin mûrissent sur les bords de ce fleuve, et les voyageurs, attirés par les eaux célèbres de Wiesbaden, d’Ems, de Schwalbach, Schlangenbad, Wielbad et Selters, contribuent à augmenter l’aisance de la population. Quoique celle-ci soit déjà très dense, elle augmente encore, de 1 pour 100 par an. Les impôts étaient peu élevés, et ne dépassaient pas 17 francs par tête. En résumé, la Prusse nouvelle contient 35 millions d’hectares et 23,590,000 habitans. La densité de la population est ainsi de 67 habitans par kilomètre carré, ce qui correspond à peu près à celle de la France. Pour la qualité du sol, la France l’emporte, de beaucoup, car en Prusse un quart de la superficie au plus peut être considéré comme bonne terre à froment et un autre quart comme terre à seigle ; la dernière moitié donne encore des produits, mais ils sont plus que médiocres. Le climat aussi est bien moins favorable que de ce côté-ci du Rhin. La longueur des hivers, la brièveté de la bonne saison, entravent les progrès de la culture et la rendent plus onéreuse en réduisant à l’inaction pendant longtemps les forces humaines et animales employées aux travaux agricoles. Il est une circonstance qui compense en partie ces désavantages ? tandis que dans la moitié de la France qui s’étend au sud de la Loire la sécheresse des étés nuit, à défaut d’irrigations, au développement des cultures fourragères et par suite à l’élève du bétail, partout en Prusse l’abondance des pluies et des sources favorise l’extension des prairies naturelles et artificielles. Or, maintenant que la concurrence des blés russe et américain forcé, le cultivateur à demander aux animaux domestiques ses principaux profits, la facilité de leur donner une abondante nourriture constitue un précieux avantage.

Ces influences climatériques ne peuvent manquer de se traduire dans la répartition des cultures. La Prusse, sur ses 31 millions d’hectares productifs, en a 17 en terres arables et jardins, 6 en prairies et pâturages, 8 en bois. La France, sur 43 millions, en a 37 en terres arables et vignes[5], 8 en bois et 4 seulement en prés, auxquels il faudrait joindre cependant encore au moins 3 millions d’hectares de pâturages comptés parmi les 10 millions de terre inculte, mais que les Allemands rangeraient aussi sous la dénomination de weiden. La France a donc deux fois autant de terre arable que la Prusse, pas plus de bois et guère plus de prairies ; aussi produit-elle relativement plus de céréales, beaucoup plus de vin, mais moins de beurre et de viande. On estime que la Prusse ancienne produisait 9 millions d’hectolitres de froment, 38 millions de seigle, 9 millions : d’orge, 44 millions d’avoine, et 80 millions de pommes de terre. La consommation par habitant est portée en moyenne à 40 kilogrammes de froment, 135 kilogrammes de seigle, 34 kilogrammes d’autres céréales et de légumineuses, et 288 kilogrammes de pommes de terre, 20 kilogrammes de viande et 14 litres de bière. Le Français mange, paraît-il, 150 kilogrammes de froment, 60 kilogrammes de seigle, 19 kilogrammes de viande, 120 kilogrammes de pommes de terre, 60 kilogrammes de céréales diverses, et il boit 45 litres de vin[6]. La consommation totale du Prussien serait de 491 kilogrammes, et celle du Français de 409 kilogrammes ; mais celui-ci mange principalement du froment, et l’autre surtout du seigle et des pommes de terre. La population française tire ainsi du sol une nourriture plus légère, plus substantielle, produisant du sang et non de la lymphe. De là proviennent, le climat et la race aidant, ses formes légères et dégagées, son teint chaud et coloré, sa démarche élastique, son humeur enjouée, sa verve et son entrain. Sous un climat froid et sous un ciel privé souvent de soleil, l’Allemand du nord a dû se contenter d’une masse considérable d’alimens indigestes qui alourdissent le corps et appauvrissent le sang ; pour arriver à la vigueur et à la beauté de la race anglaise, qui a la même origine que lui, il devra s’appliquer à produire autant de viande que l’Angleterre, afin que la succulence de la nourriture animale compense la qualité inférieure des produits végétaux. Il faut que l’homme métamorphose les plantes en chair afin d’emprunter à la terre les forces nutritives qu’elle renferme sous la forme la plus condensée. La production totale de l’agriculture en Prusse était estimée en 1860 à 583,509,416 thalers ou 2,184,258,000 francs ; celle de la France à plus de 4 milliards 1/2, non compris des deux côtés les produits non alimentaires, comme les laines, les peaux. La population et l’étendue de la France étant presque le double de celles de la Prusse de l’an dernier, la production par tête et par hectare est environ la même de part et d’autre, quoique probablement un peu plus élevée de ce côté-ci du Rhin. Seulement, comme nous le verrons, le progrès agricole marche plus vite là-bas qu’ici, de sorte que l’égalité relative sera bientôt établie.


II

La division de la propriété, la situation agraire, offrent en Prusse des traits bien différens, de ceux qu’on rencontre dans l’Europe occidentale, en France, en Belgique, dans les Pays-Bas ou en Angleterre. Il faut les connaître, si l’on veut se rendre compte de la vie politique de ce pays, des résultats qu’ont donnés les dernières élections et de ceux qu’on peut attendre dans l’avenir. Au moyen âge, le nombre des paysans propriétaires était relativement considérable. Les guerres de trente et de sept ans les ruinèrent et détruisirent même complètement beaucoup de villages. La terre, restée en friche, avait perdu toute valeur ; la noblesse en profita pour arrondir ses domaines, soit par voie d’achat, soit en occupant tout simplement les terres vagues.

Aujourd’hui la Prusse, sauf la province rhénane et la Haute-Silésie, est encore un pays de grande propriété. La statistique de 1861 pour le territoire prussien, qui comprenait alors un peu plus de 28 millions d’hectares, porte 2,141,730 possessions rurales, mais seulement 1,200,000 propriétaires ou 1 propriétaire par 12 habitans et par 20 hectares de superficie, tandis qu’en France on compte 1 propriétaire sur 5 habitans et par 7 hectares.

Dans toutes les provinces orientales de la Prusse, les grandes propriétés occupent plus de la moitié du territoire, et celles de 7 à 75 hectares prennent presque tout le surplus, de sorte qu’il ne reste pour la propriété parcellaire qu’environ 5 pour 100 ; mais ce qu’il y a de plus étrange dans l’organisation de l’exploitation rurale, c’est que presque toutes les terres sont mises en valeur par leurs propriétaires. Contrairement à ce que l’on trouve en Angleterre et en France, le faire valoir est général ; le bail à ferme forme l’exception, et le métayage est inconnu. La statistique contient à ce sujet des chiffres presque incroyables : le nombre des fermiers ne serait que 30,348 pour tout le royaume ; à ce chiffre il faudrait joindre à la rigueur 30,296 locataires pour qui la culture n’est qu’une occupation accessoire[7]. Cette constitution agraire si extraordinaire présente son bon et son mauvais côté. Il est sans doute très désirable que la terre soit exploitée par celui à qui elle appartient. Il est ainsi stimulé à introduire toutes les améliorations profitables, car lui seul en recueille le fruit, et on échappe à cette iniquité périodique du bail à ferme, qui fait qu’à chaque renouvellement du contrat le propriétaire touche souvent le revenu de la plus-value que le travail du locataire ou le progrès de la société a produite. Donc point de régime plus juste, plus favorable au progrès que celui où les propriétaires exploitent eux-mêmes leur bien, à la condition qu’ils soient nombreux, comme en Suisse, en Norvège, aux États-Unis. Dans ce cas, ce régime est très propice à une démocratie réunissant l’ordre à la liberté, car elle a pour base solide la possession du sol. Quand au contraire des propriétaires en petit nombre, possédant des terres considérables, les font valoir par des ouvriers à gages ou des cultivateurs attachés au domaine, comme en Russie, en Pologne ou dans la Prusse orientale, alors les conditions de l’ancien régime se retrouvent, et sur un sol ainsi possédé la liberté constitutionnelle a grand’peine à prendre racine. A moins que d’autres influences n’y fassent obstacle, la domination d’une aristocratie féodale est inévitable.

En Angleterre, la propriété est bien moins divisée encore qu’en Prusse, puisqu’il n’y a que 30,000 propriétaires ; mais au-dessous de cette classe supérieure se trouve celle des fermiers plus ou moins aisés qui constitue la bourgeoisie rurale. Or c’est cette bourgeoisie qui n’est pas assez nombreuse dans les provinces orientales de la Prusse. La population rurale y forme les trois quarts de la population totale, et les grands propriétaires, les rittergutsbezitzer[8] y exercent une influence irrésistible sur le nombreux personnel qu’ils emploient. Il ne faut donc pas s’étonner que le parti féodal soit encore si puissant, et qu’aux dernières élections pour le parlement de la confédération du nord le suffrage universel direct lui ait assuré tant de nominations. La Prusse présente un singulier contraste : par la diffusion générale de l’instruction primaire, par le rayonnement puissant de ses universités, par les hautes études scientifiques, elle devance les autres peuples de l’Europe ; mais par sa constitution agraire elle demeure encore engagée dans le régime féodal, dont elle vient à peine d’abolir les derniers privilèges.

Comment se fait-il, dit-on, que dans un pays où tout le monde sait lire et écrire le suffrage universel n’assure point, comme aux États-Unis, le triomphe incontesté des principes démocratiques ? C’est que, pour voter en faveur de la liberté, les lumières ne suffisent pas ; il faut être indépendant, et l’indépendance, il n’y a que la propriété qui la donne. La France est plus mûre que la Prusse pour la liberté en raison de son organisation sociale ; mais elle l’est moins à cause de son ignorance. Si la France avait plus de lumières et la Prusse plus de propriétaires, tout gouvernement autocratique y serait de part et d’autre impossible. La Prusse, en s’agrandissant vers l’occident, a fait un pas assuré vers la conquête définitive de la liberté politique et du régime parlementaire, car les pays qu’elle s’est annexés, le Hanovre, le Slesvig-Holstein, la Hesse et le Nassau, sont des pays de moyenne propriété où les idées féodales ont perdu tout empire.

Autrefois en Prusse, chaque domaine formait un tout indivisible qui ne pouvait être ni morcelé ni réuni à une autre propriété. La loi du 9 octobre 1807 et l’édit du 4 septembre 1811, dus à l’initiative intelligente et novatrice de Stein, affranchirent la propriété de ces entraves. Il y a peu d’années, le parti aristocratique voulut les rétablir afin de constituer ainsi partout des majorats sous prétexte d’échapper au fléau du morcellement. Une enquête fut ouverte, les résultats, publiés en 1805, sont extrêmement curieux. Les rittergüter (biens nobles) étaient en 1837 au nombre de 12,015 comprenant 25,046,936 morgen. En 1858, on en comptait 12,827 avec une étendue totale de 27,550,000 morgen. Les rittergüter avaient donc gagné en vingt ans 2,503,064 morgen ou plus de 600,000 hectares. L’étendue moyenne de ces domaines s’était élevée de 2,085 à 2,148 morgen. Le plus petit mesurait un morgen ou 25 ares, le plus grand 72,904 morgen. La libre disposition de la propriété foncière, loin de nuire aux grands domaines, leur avait donc été favorable. Il est vrai qu’une circonstance particulière était venue contribuer à l’extension des grands biens. Même après les réformes de Stein, les domaines roturiers étaient restés grevés de beaucoup de servitudes au profit du domaine seigneurial, vaine pâture, corvées, etc. Les paysans pour se libérer eurent à verser des sommes assez importantes. Une commission spéciale fut même établie (Auseinander setzungscommission) pour présider à cette œuvre de libération du sol. Un chiffre suffira pour donner l’idée de l’importance de ses travaux : 1,500,000 propriétaires et 14 millions d’hectares ont été affranchis par son intervention. Afin de payer, le paysan emprunta ; jusque vers 1840, les produits agricoles étaient à un bon marché extrême, les voies de communication manquaient, le débouché extérieur, était nul. Beaucoup de petits propriétaires, ne pouvant faire face à leurs engagemens, furent obligés de vendre. L’offre excéda la demande, et les terres tombèrent à vil prix, Ce fut une crise longue et cruelle. Les propriétaires aisés se rendirent alors adjudicataires des terres des paysans au moyen du produit du rachat des servitudes féodales. Plus d’un cultivateur préféra transiger et abandonner une partie de sa propriété pour affranchir le reste. C’est ainsi que les rittergüter gagnèrent du terrain malgré le mouvement naturel en raison duquel la propriété se divise à mesure que la population augmente.

On avait craint aussi que le morcellement ne s’attaquât aux exploitations entretenant un attelage (Spannfähige Bauerhöfe) et ne les émiettât en parcelles que de pauvres ouvriers cultiveraient à la bêche. C’était le spectre du « sol réduit en poussière » évoqué jadis par Arthur Young à propos de la France, si souvent invoqué par l’aristocratie de tous les pays, et dont les statistiques françaises ont si bien fait justice. En Prusse aussi, l’enquête a montré que ce n’est point de ce côté que la société est en péril. On comptait en 1816, moins le pays rhénan et le district de Stralsund, laissés en dehors des relevés, 354,607 exploitations de paysans à charrues (Spannfähige Nahrungen), comprenant 34,425,731 morgen. En 1859, on en trouve 344,737 avec 33,498,433 morgen, soit seulement une diminution de 6,870 exploitations et de 927,198 morgen ou 230,000 hectares ; mais comme les rittergüter se sont accrus de plus de 600,000 hectares, on peut affirmer que la grande propriété a plus gagné que perdu. La moyenne de l’étendue des exploitations à charrue est restée exactement la même depuis un demi-siècle, 97 morgen ou 23 hectares environ, ce qui correspond exactement au travail d’une charrue ou d’un attelage. Les petites exploitations sans attelage étaient au nombre de 604,501 en 1859, mais elles ne contenaient en tout que 4,833,826 morgen ou 1,300,000 hectares environ, soit seulement la vingtième partie du sol. Ces propriétés ne se multiplient que dans la province rhénane et en Westphalie ; partout où se développe l’industrie, l’ouvrier veut acquérir un lopin de terre pour y établir sa demeure. La condition de la Prusse sous ce rapport est bien préférable à celle de l’Angleterre, où l’ouvrier n’est presque jamais propriétaire de son habitation, et où, par crainte des poor-rates, de la taxe des pauvres, on refuse d’en construire pour lui.

C’est une erreur singulière de l’esprit de parti de croire que les envahissemens de la petite propriété menacent la société moderne. On ne citera pas un état dont elle ait causé la ruine, tandis que le cri de douleur de Pline, latifundia perdidere Italiam, retentit encore à travers les siècles comme un lugubre avertissement. C’est la grande propriété qui a perdu les empires de l’Orient et l’empire romain, et c’est elle encore qui arrête le développement économique de l’Espagne, de la Russie et de l’Autriche. Il ne faut point sortir de la Prusse pour se convaincre que la petite propriété n’exerce pas du tout sur les progrès de l’agriculture l’influence qu’on lui prête. Il suffit de comparer les provinces orientales, avec leurs grands domaines, aux provinces occidentales, où le sol est beaucoup plus divisé. Dans celles-ci, la valeur des terres est deux fois et demie plus forte. D’après les relevés du cadastre, le produit des cultures est trois fois plus grand, et celui des bois trois fois et demie. Dans l’échelle des. estimations cadastrales, les premières classes ne sont point du tout représentées vers l’orient, pas plus que les dernières vers l’occident. Les voies de communication s’élèvent à 17,000 mètres par mille carré dans le pays rhénan et à 14,000 mètres en Westphalie ; elles n’ont que 4,000 mètres dans la province de Prusse et 5,000 dans celle de Posen. La grande propriété ne l’emporte même point pour le chiffre du bétail, car sur un mille carré de terrain productif on trouve dans ces deux dernières provinces 2,980 têtes, en ramenant les différens animaux domestiques au type d’une bête à cornes, tandis qu’en Westphalie on en compte 3,569, et 4,024 dans le pays rhénan. La densité de la population est au moins deux fois plus forte dans les provinces occidentales, et cependant les habitans y sont mieux nourris et même plus largement logés. On y compte 6,000 habitans par mille carré et 5 1/2 habitans par maison. En Prusse, en Poméranie et dans le duché de Posen, il n’y a pas 3,000 habitans par mille carré, et il n’y a qu’une maison par 9 habitans. Il est donc démontré qu’en Prusse comme dans le reste de l’Europe, sauf peut-être en Angleterre, la grande propriété donne non-seulement un moindre produit brut, mais aussi un produit net et un revenu inférieurs. Bans un avenir prochain, les questions sociales deviendront pressantes, et l’égalité politique fera naître d’ardentes aspirations vers l’égalité des conditions. Heureux alors les peuples où la propriété trouvera des millions de défenseurs dans ceux qui y prennent part[9] !

Fait bien remarquable à noter, les partages entre héritiers, qui en France produisent fréquemment un morcellement défavorable aux bons procédés de culture, tendent en Prusse à amener un résultat tout opposé. En effet, de 1816 à 1860, ces partages n’ont détruit que 2,298 exploitations à charrue, et ils en ont créé 5,040 par la réunion de parcelles jusque-là divisées : différence 2,742. C’est un phénomène curieux et tout à fait inattendu d’économie sociale. La conservation des fermes à attelage provient de l’habitude qu’ont les paysans de régler le partage de leur vivant. Quand ils deviennent vieux, ils cèdent leur exploitation pour un prix équitable à celui de leurs fils qui est le plus apte à leur succéder : celui-ci se charge de payer la part qui revient à ses frères et sœurs, et il le fait tantôt en leur fournissant du bétail, quand ils s’établissent à leur tour, tantôt au moyen de la dot que sa femme lui apporte. Le respect d’une exploitation considérée comme un ensemble indivisible dont les nécessités de la culture déterminent l’étendue est un sentiment très puissant, héréditairement transmis, et qui suffit presque toujours pour empêcher un morcellement regrettable. Les héritiers vendront le bien plutôt que de le diviser en parcelles qui se refuseraient à un bon système de culture. Ce qui prouve la généralité de ces excellentes coutumes, c’est qu’en examinant les tableaux de statistique qui indiquent l’étendue des propriétés, on les trouve presque toutes rangées dans certaines catégories qui répondent aux exigences du labourage. Ainsi les biens de 30 à 300 morgen occupent plus de 38 pour 100 de la superficie, et ceux dépassant 600 morgen 44 pour 100 ; ceux de 300 à 600 morgen ne prennent que 6,45, et ceux au-dessous de 30 morgen que 11,37 pour 100. Ainsi la grande propriété d’origine féodale et la moyenne propriété, cultivée par la classe des paysans qui la possèdent, couvrent les 82 centièmes du territoire. Il n’y a donc point lieu de se plaindre que le morcellement émiette le sol prussien, ni surtout de prendre des mesures pour entraver la liberté des transactions foncières. Il est à désirer plutôt que dans les provinces orientales les paysans, désormais complètement affranchis des servitudes de l’ancien régime, puissent acquérir une partie des rittergüter, souvent trop étendus maintenant relativement au capital d’exploitation qu’on y applique. Le parti féodal avait rêvé un moment de faire de la Prusse un grand Mecklembourg, avec de vastes domaines nobles indivisibles, constitués en majorât et mis en valeur par des ouvriers agricoles assujettis à la terre, assurés, de leur sort, soumis à une sorte de patronage patriarcal, mais bâtonnés à l’occasion et fournissant les soldats au moyen desquels on aurait dompté les aspirations libérales des villes et de la bourgeoisie. Cet idéal, qu’on a pu croire réalisable il y a quelques années, a été emporté par le mouvement des événemens contemporains et par le furieux élan qui a jeté la Prusse dans la carrière des transformations hâtives et violentes. Pour arriver à son but, le gouvernement n’a pas craint de faire appel à la démocratie. Si le nouvel état qui a surgi comme par enchantement des prodigieux événemens de l’été dernier veut conserver son ascendant en Allemagne, il doit rompre franchement avec l’ancien régime, dont les influences survivantes arrêtent encore l’émancipation de la classe moyenne dans toute la partie orientale du royaume. C’est en définitive la constitution de la propriété qui donne à toute société son caractère distinctif. Il faut qu’en Prusse la population, qui s’accroît si rapidement, puisse arriver sans obstacle par le travail et l’épargne à la possession du sol. Le progrès de la richesse et de la liberté est à ce prix.


EMILE DE LAVELEYE.

  1. Voyez le premier article de cette série dans la Revue du 15 février.
  2. Le morgen de Magdebourg, la mesure agraire généralement employée dans les statistiques prussiennes, contient 2,550 mètres carrés. Quatre morgen font ainsi un peu plus d’un hectare.
  3. Les exportations ont monté dans ces dernières années à 7 millions de kilos de beurre, 3 millions de kilos de viande dépecée, 20 millions de kilos de graines de colza et 5 millions de tourteaux, enfin à 50,000 têtes de bétail, chiffres considérables, qui donnent une idée de la fertilité du pays et du bien-être qui doit y régner.
  4. Les princes de ce petit état avaient la manie des palais. Cassel en est rempli. Il y en a un dont on n’a jamais pu achever le premier étage et qui offre l’aspect d’une ruine au centre de la ville. Le château et le parc de Wilhelmshöhe sont une des merveilles de l’Allemagne. La construction de ces imitations de Versailles n’était pas faite pour augmenter le bien-être des sujets.
  5. Je compte comme terre arable les racines et les prairies artificielles, parce que ces cultures rentrent dans l’assolement des terres que travaille la charrue.
  6. Voyez la Statistique de la France, par M. Maurice Block.
  7. Jahrbuch fur die antiliche Statistik des preussischen Staats. Berlin 1863, p. 282.
  8. Le rittergut, bien de chevalier ou bien noble, ne jouit plus que d’un seul privilège, celui d’être spécialement représenté aux états provinciaux. Chacun peut en devenir propriétaire et n’acquiert point la noblesse en le devenant. Cependant c’est une possession dont on est très fier, s’il faut en juger par les registres des hôtels et des villes de bain en Allemagne, où l’on voit souvent revenir à côté du nom des voyageurs le titre de rittergulsbezitzer et même celui de rittergutsbesitserin (femme de propriétaire de bien noble).
  9. La gravité de la situation de l’Angleterre sous ce rapport a été très bien indiquée par M. Ciffe Leslie dans un récent travail publié par le Fraser’s Magazine. — Voyez aussi la Crise de l’Angleterre à propos de la réforme dans la Revue du 15 avril 1867.