L’Amour aux Colonies/VII

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CHAPITRE VI

Artifices de la volupté et aphrodisiaques. — Le hérisson Chinois. — La boule masturbatrice. — Le violon anal. — Artifices pour empêcher la fécondation. — Aphrodisiaques internes. — Influence de la nourriture sur la lasciveté de la race Annamite. — Les nids de salangane. — Confitures de gingembre. — Le genseng. — Le tripang. — Le poivre cubèbe et sa double indication. — Aphrodisiaques externes. — Phallus et emplâtres excitants. — Effet particulier de l’opium sur les organes de la génération.



Le Chinois, non satisfait de la volupté naturelle du coït simple, a cherché à l’accroître par des artifices nombreux et divers.

Le hérisson Chinois. — En première ligne, citons le hérisson Chinois. C’est une couronne de plumes fines et douces insérées solidement par leur queue, avec un fil d’argent, tout autour d’un anneau de même métal, de dimensions variables, suffisamment grand pour laisser passer à travers le gland non en érection et assez petit pour être arrêté par la couronne du gland en érection. Cet engin augmente sensiblement les dimensions du pénis, et l’on comprend que la friction des barbes de plume sur les muqueuses du vagin procure des sensations d’une nature particulière. Elles sont tellement énervantes, que les médecins Chinois interdisent l’emploi du hérisson aux femmes enceintes ; mais elles s’en servent souvent pour avorter.

La boule masturbatrice. — Un autre appareil, pour le plaisir des dames Chinoises, consiste en une boule allongée, ou plutôt une sorte d’œuf en argent ou en ivoire de la grosseur d’un petit œuf de poule, presque aussi large que long. Cet œuf se dévisse pour recevoir une certaine quantité de mercure ; il est revissé après cette opération et soigneusement graissé. La femme se l’introduit dans le vagin et s’allonge dans un de ces fauteuils à bascule, que les Anglais nomment rocking-chair, auquel on imprime un mouvement d’escarpolette d’avant en arrière. Dans ces mouvements, le déplacement alternatif du mercure vers l’un ou l’autre bout de l’œuf le fait glisser dans le vagin et produit une masturbation d’un genre spécial. Ajoutons que le gros bout par lequel on l’introduit est hémisphérique. L’autre bout, plus allongé, favorise la sortie de l’appareil quand la femme se lève. J’ai eu longtemps en ma possession un de ces œufs, qui m’avait été donné par un marchand Chinois de Cho-lon.

Le violon anal. — Dans la maison de prostitution masculine, dont je donne plus loin la description, j’ai vu un appareil spécial dont jusqu’à présent je n’ai rencontré aucune mention. Je ne l’ai pas retrouvé à mon retour en Cochinchine, et je regrette de ne pas en avoir acheté autrefois un échantillon. Je crois que fort peu d’Européens ont été à même de connaître son existence, et j’avoue que j’ai eu quelques difficultés à me le faire montrer.

C’est un engin de forme ovoïdale très allongé, de douze centimètres de long, dont l’avant est terminé par une demi-sphère de sept à huit millimètres de rayon. Le plus grand diamètre est d’un peu moins de quatre centimètres, et le plus petit moitié du premier. L’arrière, cylindrique et d’un diamètre de deux centimètres environ, est ouvert, avec un rebord évasé comme le pavillon d’une trompette d’enfant. Cet engin est creux, en argent, très mince mais suffisamment rigide, et ce n’est pas autre chose qu’un violon. En effet, une corde métallique, analogue à une corde de piano, est fixée dans l’intérieur, à l’avant, et ressort de près d’un mètre à l’extérieur. Elle est terminée par une poignée.

Voici le mode d’emploi de cet instrument bizarre. L’engin, graissé, est introduit délicatement et avec précaution, le grand diamètre en long, dans l’anus du mélomane érotique, jusqu’à ce qu’il soit arrêté par le pavillon. On lui fait ensuite décrire doucement un quart de révolution, et alors le grand diamètre vient se placer en travers de l’orifice anal qui est vertical, et se trouve ainsi fixé. Le mélomane se met à quatre pattes sur un lit, la tête appuyée contre un oreiller. L’exécutant, alors, tend la corde, en la tirant doucement par la poignée, avec la main gauche, et, quand elle est tendue, promène de la main droite un archet métallique sur ce violon extravagant.

J’ai vu l’appareil, mais je n’ai jamais pu le voir fonctionner. On m’a affirmé, de la manière la plus positive, que cette symphonie Chinoise procurait des sensations physiologiques, et certainement l’érection, chez les vieux débauchés blasés et usés.

Les Chinois font seuls usage des appareils ci-dessus décrits.


Artifices pour empêcher la fécondation. — Les dames Romaines aimaient le coït avec des eunuques sans testicules, mais pourvus d’un pénis, afin de se procurer le plaisir avec la certitude de n’avoir aucun fruit. Pour obtenir le même résultat, les Européennes emploient l’éponge préparée, mise à l’avance au fond du vagin, qui reçoit le sperme et que l’on retire ensuite à l’aide d’un petit cordonnet fixé à l’éponge. Les Chinoises et les Japonaises des maisons, de prostitution emploient plus simplement des rondelles en papier de soie huilé, qu’elles introduisent dans le vagin pour coiffer le museau de tanche. Le préservatif en baudruche ou caoutchouc, si commun en Europe, est absolument inconnu en Orient. Quoique une femme d’esprit[1] l’ait défini « toile d’araignée contre le danger, et cuirasse contre le plaisir », nous croyons que son emploi, généralisé en Cochinchine, aurait préservé bien des Européens du danger de la syphilis, si commune, comme on l’a vu.


Aphrodisiaques internes. — Influence de la nourriture sur la lasciveté des Annamites. — Les Chinois et les Annamites connaissent, comme tous les Orientaux, les propriétés de la cantharide, et s’en servent dans les électuaires, où elle entre en composition avec du miel, du safran et de la cannelle, de la noix muscade, du clou de girofle et du poivre.

Il est à remarquer que, si la race Annamite est aussi lascive, malgré un appareil génital de faible dimension, on peut l’attribuer en partie au mode de nourriture. C’est d’abord un peuple ichthyophage, et qui consomme beaucoup de sel. Les sauces comme le nuoc-mam, contiennent à la fois du phosphore et du sel. On sait que ce sont là deux puissants aphrodisiaques. L’ail et l’oignon, qui sont encore des aphrodisiaques, entrent également pour une grande part dans l’alimentation des indigènes.

Les nids de salangane. — Mais l’aphrodisiaque le plus puissant, c’est le fameux potage aux nids de salangane (hirondelle de mer). Cette soupe se sert fortement épicée, et son goût se rapproche beaucoup de celui du potage à la bisque d’écrevisses. Son effet est indiscutable. Comme j’en ai mangé bien souvent à Cho-lon, j’ai pu en faire l’épreuve.

On sait que le nid de l’hirondelle de mer est fabriqué avec une sorte de fucus comestible dont les feuilles sont agglutinées avec du frai de poisson, et le frai du poisson est éminemment riche en phosphore. Le phosphore possède une action très énergique, car il augmente à la fois les désirs vénériens et les érections. Il n’a qu’un défaut : c’est de provoquer de graves intoxications quand son emploi est exagéré.

Ce danger n’est pas à craindre avec le nid d’hirondelle de mer, qui coûte horriblement cher et qui ne se sert que sur la table des richards. L’Annamite peu fortuné remplace le nid de salangane par le nuoc-mam, essence de poisson pourri, que l’on prépare par un procédé analogue à celui de l’huile de foie de morue, dont il a un peu le goût et qui renferme beaucoup de phosphore. L’ail, le piment surtout, venant à la rescousse, on conçoit que les Annamites soient aussi lascifs et qu’ils aient beaucoup d’enfants.

Confitures de gingembre. — La racine de genseng. — On vend beaucoup, en Cochinchine, une sorte de confiture Chinoise, ou plutôt un fruit confit de gingembre, pour favoriser la digestion tout en excitant aussi le sens génital. On fait également usage de racine de gen-seng, qui est un excitant général.

Le tripang, ou biche de mer. — C’est une holothurie de la grosseur et de la forme d’un boudin noir. On la pêche en Océanie, sur les rochers, à marée basse, et on l’emballe dans des barils, après l’avoir fait sécher au soleil. La tonne du produit bien préparé et de bonne qualité, se vend jusqu’à deux mille cinq cents francs. Il paraît que le tripang possède des vertus aphrodisiaques, mais je n’ai jamais eu le courage d’en goûter.

L’Annamite pauvre se contente, après le repas, d’avaler trois ou quatre grains de poivre blanc de Poulo-Condore.

Le poivre cubèbe et sa double indication. — L’infusion de feuilles de poivre cubèbe est également très usitée. Elle remplit la double indication d’exciter le sens génital et de le rafraîchir après un coït prolongé, traitement préventif contre la gonorrhée. On emploie également un électuaire de poudre de cubèbe mélangé avec du miel.

L’effet excitant du cubèbe sur les organes génitaux n’est pas signalé par les thérapeutistes Européens. Je n’en ai trouvé mention que dans Mantegazza, qui assigne au poivre cubèbe le deuxième rang dans la nomenclature des substances aphrodisiaques. D’après une expérience personnelle, le cubèbe mérite bien le rang qui lui est assigné.


Aphrodisiaques externes. — Les Chinois connaissant parfaitement le remède employé par la vieille Œnothée, quand elle essaye de guérir l’impuissance d’Encolpe par l’emploi d’un phallus en cuir, enduit d’un mélange de poivre et d’orties pilés délayés dans de l’huile. Les phallus Chinois, au lieu d’être en cuir, sont en gomme résine élastique, et ils sont enduits d’une huile renfermant une substance qui m’a paru être un mélange de poivre, de cuxcuma et de safran. Le phallus complète généralement l’action commencée par le potage aux nids de salangane ou le tripang.

Les Annamites font bouillir du piment, du poivre avec une sorte de malvacée, qui donne une décoction mucilagineuse pareille à celle de la graine de lin, et ils en mouillent des emplâtres de farine de riz. Ces emplâtres, appliqués sur les parties génitales des impuissants, produisent un effet analogue à celui du sinapisme de moutarde.


Effet particulier de l’opium sur les organes de la génération. — Terminons ce chapitre par une remarque sur l’effet aphrodisiaque de l’opium.

Dans tous les traités de thérapeutique, l’opium est signalé comme déprimant le sens génital. Delfau, dans son Manuel des maladies des voies urinaires, est le seul qui signale l’effet contraire. « C’est à doses relativement élevées et continues que l’action stupéfiante de l’opium atteint les organes génitaux ; à petite dose, au contraire, il agit à titre d’excitant. » Voici, d’après mon expérience personnelle, et d’après les aveux de beaucoup de femmes tant Européennes qu’Asiatiques, les effets produits par l’opium à doses modérées, dix à vingt pipes. Sous l’influence des excitations érotiques directes ou simplement mentales, l’érection se produit vite, si l’on veut se livrer au coït. Mais, et ceci n’a encore été signalé par aucun auteur, tandis que le pénis est dans une érection très rigide, ses nerfs et en particulier ceux du gland sont anesthésiés par l’effet de l’opium, et si l’érection est vive, l’éjaculation est au contraire fort retardée et n’a lieu qu’après un long coït. Cet effet anesthésique se produit également sur les nerfs de la vulve, du vagin et du rectum chez la femme, dont la sensation physiologique est retardée. Les muscles constricteurs du vagin, et surtout ceux du rectum, éprouvent une sorte de relâchement. Les manœuvres Sodomitiques s’opèrent plus facilement, et sans douleur, même lorsqu’il existe une forte disproportion des organes. À ce point de vue, j’ai les aveux les plus positifs de beaucoup d’Annamites se livrant à la Sodomie passive. D’ailleurs, Rabuteau a signalé cet état de résolution et d’insensibilité des organes provoqué par l’opium. Si, de son côté, celui qui joue le rôle actif a pris une dose suffisante d’opium, la prolongation du coït favorise la lubricité du passif.

Les effets excitants de l’opium cessent, quand on dépasse quinze à vingt pipes. Dès que l’on atteint vingt-cinq ou trente, les érections sont incomplètes ; elles sont nulles au delà de quarante, malgré les excitations directes les plus énergiques ; aussi les vieux fumeurs d’opium deviennent-ils généralement impuissants. Chez eux, le pénis est grêle, le gland rapetissé et comme racorni, les muqueuses très pâles ; le scrotum est ratatiné, et les testicules finissent par s’atrophier à la longue. Sous ce rapport, l’usage continu et à haute dose de l’opium produit absolument les mêmes effets que l’alcool et le tabac.

  1. Madame de Staël, dit-on.