L’Amour aux Colonies/XV

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CHAPITRE II

Les Races de couleur. — Influence du sang noir sur le croisement avec le Blanc. — Mistis, Quarterons, Mulâtres et Capres. — Proportion des enfants naturels. — Facilité de mœurs des femmes de couleur. — La Négresse bon teint. — La nuit du Samedi au Dimanche. — Honnêteté de la population Guyanaise. — La Reine des Poignets dorés, C*** Milady. — La Négresse et son odeur musquée. — Organes génitaux de la race Nègre. — Particularité physiologique de la couleur du gland du pénis du Nègre. — L’organe génital du Capre. — L’organe génital du Mulâtre. — Les beautés de la femme de couleur. — Permanence de la marque du sang noir sur les organes génitaux du mâle.



Influence du sang noir sur le croisement avec le Blanc. — Le croisement du Blanc et du Nègre produit dans l’espèce humaine un phénomène analogue à celui qu’on observe dans les races chevalines. Le pur-sang, en s’alliant avec des juments de race indigène inférieure, donne un produit qui participe aux qualités des procréateurs. Moins beau que le père, le demi-sang est très supérieur à la mère, qui lui donne cependant sa rusticité et sa résistance au climat. C’est ce qui explique la disparition à peu près complète, à la Guyane, de la race blanche pure, tandis qu’au contraire la race de couleur a prospéré. Cependant la Guyane a reçu autant de Français, sous Louis XIV et Louis XV, que les Antilles. Le climat en a eu vite raison, témoin l’expédition de Kourou, où quinze mille Alsaciens furent réduits à quelques centaines en peu d’années.

Mistis, Quarterons, Mulâtres et Capres. — Le Mulâtre est le produit direct (neuf cent quatre-vingt-dix-neuf fois sur mille) du Blanc pur et de la Négresse. Ceux qui sont nés d’Européens établis dans le pays, ou de parents Créoles blancs qui peuvent les élever et leur donner les moyens de prospérer, montent vite dans la catégorie des gens du monde. Il y a déjà bon nombre de familles de ce genre. Mais le fruit des relations de la Négresse avec des Européens peu fortunés, de passage dans la Colonie (surnommés Massogans), ou même de simples soldats, forment une véritable catégorie de déclassés.

Il faut remarquer que le Mulâtre provient presque toujours du Blanc avec la Négresse ; une fois sur mille seulement de la Blanche avec le Noir. C’est une sélection bien nette et bien franche, dans laquelle la femme représente l’élément inférieur et l’homme le pur-sang. Signalons en passant que les naissances féminines l’emportent de beaucoup sur les naissances masculines. Il n’y a pas, comme au Chili, quatre ou cinq femmes pour un homme, mais il y en a certainement plus de deux.

La Négresse qui met au monde un enfant plus blanc qu’elle, s’impose les plus durs sacrifices pour l’élever ; elle fera tous les métiers et s’usera à la peine pour assurer l’existence de sa progéniture et « li gain quéque sous maqués » (sou marqué, monnaie de billon). Mais la vie est si facile, dans un pays où l’on n’a besoin ni de bois ni de charbon pour se chauffer, et où l’on se nourrit de bananes cuites (bacoves), de fruits, de poisson de vase, de cassave et de manioc !

Faire un enfant n’est pas un déshonneur pour une Négresse ou Mulâtresse, surtout si l’enfant vient d’un Blanc. Elle lui donne comme parrain (considéré comme père putatif) celui de tous ses amants dont la position sociale est la plus élevée. Je ne veux pas dire par là qu’elle ne soit pas capable de fidélité à l’amant en titre. Mais cette fidélité n’est que relative. Elle trompera cet amant avec un homme d’une position supérieure, mais jamais au-dessous.

Proportion des enfants naturels. — La statistique prouvait qu’en 187., il naissait soixante enfants naturels à Cayenne, contre quarante légitimes. J’ignore si cela a changé. La conséquence de cette large tolérance des mœurs est que les avortements sont très rares. Quant aux infanticides après terme, ils sont à peu près inconnus à la Guyane : une femme qui tuerait son enfant, serait écharpée par les autres femmes. Depuis un demi-siècle ce cas ne s’est présenté qu’une fois, et encore la femme était presque idiote. La réprobation publique fut telle que la coupable, condamnée à mort, dut être exécutée, de crainte d’une émeute des femmes du peuple. Le médecin philosophe ne peut que s’applaudir d’un tel résultat et déplorer le contraire en France, où, dans les grandes villes (Paris notamment), l’infanticide est loin d’être une rareté.

Facilité de mœurs des femmes de couleur. — La Mulâtresse avec le Blanc fait le Quarteron. C’est dans cette classe de Quarteronnes (dont l’alliance avec le Blanc donne le Misti) que l’on trouve les plus belles hétaïres. Mais, comme les courtisanes de la Grèce, elles n’accordent pas leurs faveurs au premier venu. Toutes bonnes filles qu’elles soient, elles exigent un brin de cour, et il faut faire certains frais pour leur plaire. La peu honorable institution des maisons de tolérance n’existe pas dans ce bon pays de la Guyane (pas plus d’ailleurs qu’aux Antilles). L’amour y est libre, mais je me hâte de dire que, malgré cela, les maladies syphilitiques sont assez rares.

L’amateur a un choix varié de fleurs exotiques, depuis la Négresse jusqu’à la Misti, presque Blanche. Prenons-les toutes successivement l’une après l’autre.

La Négresse bon teint. — Voyons d’abord celle-ci, qui forme la grande masse de la population féminine, ainsi que la Capresse, produit de la Négresse avec le Mulâtre. Pour lui plaire et devenir son amant, les procédés ne sont ni longs ni compliqués. Il suffit (du moins c’était ainsi il y a vingt ans) de se promener sur la Place des Palmistes après le repas du soir. On se rencontre, on fait un brin de causette, et après quelques phrases banales, si le visage entrevu à la rapide lueur d’une allumette vous plaît, on lance la phrase sacramentelle : « Ché doudou, ou qua oulè coqué avé mo ? » Le mot coqué est la corruption du vieux Français cocher, c’est-à-dire exprime l’action du coq qui grimpe sur la poule. Vous n’avez qu’à suivre la donzelle dans une chambre d’une maison voisine. Au besoin, les bancs de la Place des Palmistes vous prêteront leur hospitalité gratuite.

La nuit du samedi au dimanche. — Cette facilité de la Négresse ou Capresse permet de jouer un tour assez plaisant aux nouveaux débarqués, peu au courant des mœurs. Ici nous entrons en plein dans l’influence de la religion sur les mœurs. Je dois reconnaître qu’à la Guyane l’autorité du prêtre est prépondérante. La classe de couleur a des sentiments de réelle piété, même les hommes. Les enfants, élevés par les Frères, sont croyants, tout au rebours de nos jeunes ouvriers de France. La Négresse a une foi naïve et sincère. Seulement, elle est dévote à sa manière. Elle se confesse, communie presque chaque dimanche, et, dans la semaine, transgresse avec la plus aimable facilité le précepte du Décalogue :

Œuvre de chair désireras
En mariage seulement.

Le prêtre se contente d’endiguer le courant, car il sait

que défendre l’amour physique à ces créatures ardentes serait peine perdue.

Le samedi soir est un jour d’absolution pour la messe du dimanche. C’est le jour choisi pour mystifier les nouveaux venus. On les envoie chercher bonne fortune sur la Place des Palmistes. À la demande sacramentelle, une, deux, trois, cinq, vingt femmes répondent : « Mon ché, mo pas pouvé, mo gain asolution mon pè guyodo » (le curé), « mais dimain, fini la messe, mo que vini ton case. » Bonnes natures ! après avoir rempli leur devoir envers leur Créateur, elles veulent le rendre à la créature. Enfin, on finit par en rencontrer une qui accepte la proposition. On ne peut s’empêcher alors de lui demander : « To, pas gaini asolution, alo ? » — No, » répond-elle toute triste, « pè qu’a pas voulu baillé mo. »

La Reine des Poignets dorés ; Milady. — J’ai dit que la femme de couleur conserve une fidélité relative. Lorsque la personne qui la recherche flatte sa vanité ou ses intérêts, elle n’hésite pas à donner un coup de canif dans le contrat, si elle croit que le secret lui en sera bien gardé.

Le plus sûr moyen de l’obtenir n’est pas de courir ostensiblement après elle et de l’afficher : on y arrive plus aisément par l’aide d’une entremetteuse. La plus intelligente et la plus achalandée de tout Cayenne était la fameuse Mulâtresse C***, dite Milady, qui tenait par la main gauche à une des meilleures familles du pays. Elle était la Reine des Poignets Dorés, faction des filles de couleur, rivale des Impériales. Les luttes de ces deux factions rappelaient en petit les luttes des cochers verts et bleus de l’antique Byzance, mais ces compétitions, plus pacifiques, n’ont jamais fait couler le sang. C’est dans les danses que ces dames luttaient de grâce et de brio. Ces danses ressemblent beaucoup à certaines du Sénégal, aussi je ne m’amuserai pas à les décrire.

Quand on était un des clients assidus de Milady, et qu’on n’avait pas fait de choix particulier, il suffisait de lui demander une boîte de cigares, blonds, colorés, brun clair ou brun foncé. Elle comprenait, et, à l’heure dite, vous envoyait la boîte apportée par une Quarteronne, Mulâtresse, Capresse ou Négresse. Ah ! les bonnes filles de couleur de la Guyane, et comme on pense à elles avec plaisir ! Il est temps maintenant de les étudier un peu plus intimement.

La Négresse et son odeur musquée. — Débutons par la Négresse. Dans toutes les races humaines, il y a évidemment des différences individuelles pour la passion génitale. Mais on peut affirmer que la Négresse de la Guyane a le sang chaud et qu’elle désire le mâle. Elle l’accepte avec le plus vif plaisir, fait tout au monde pour lui plaire (surtout si elle a affaire à un Massogan (Blanc de France), mais elle n’a pas d’habitudes vicieuses ou dépravées. Elle accomplit l’acte naturel sans aucun des raffinements de nos prostituées des grandes villes, ou de la congaï Annamite. Elle repousse surtout avec horreur l’acte Sodomitique. Elle est propre, on peut dire moralement et physiquement. Elle prend sinon des bains, tout au moins de fréquentes ablutions. La pauvre fille a pour cela d’excellentes raisons. C’est que toute la race Noire, et ceci je le dis une bonne fois pour ne plus avoir à le répéter, a une peau très fine qui transpire abondamment, mais qui répand un fumet sui generis, indéfinissable, rappelant un peu l’odeur de musc du crocodile. Cette odeur se dégage également sous l’influence de l’excitation du coït, ce qui gêne les débutants peu familiarisés. Mais on finit par s’y faire : aussi la Négresse use-t-elle abondamment des plus violents parfums d’Europe pour masquer sa propre odeur, et se tient toujours très propre. Dans tous les cas, cette odeur n’est pas répugnante comme celle de la Congaï.

Organes génitaux de la race Nègre. — L’odeur n’est que le péché mignon de la Négresse. Son grand défaut, c’est l’ampleur de sa vulve et de son vagin. Dans toutes les races humaines, il y a une relation étroite et intime entre l’organe génital mâle et l’organe femelle. J’ai déjà eu occasion de le rappeler à propos de la Cochinchinoise : or, de toutes les races humaines, la race Nègre Africaine est celle qui a les organes mâles le plus développés. Je parle du pénis seul, et non des testicules qui sont souvent plus petits que chez la plupart des Européens. Il résulte de cette conformation qu’une Négresse, convenablement embouchée pour un Nègre, est trop vaste pour un Blanc, surtout quand ce dernier est médiocrement envitaillé, comme disait Rabelais. Aussi la Négresse, très désireuse par vanité de conserver la faveur d’un Blanc, fait usage de préparations astringentes pour tonifier les muqueuses et resserrer l’entrée de la vulve. La préparation qui m’a paru le plus à la mode, est une macération de noix d’acajou (astringent), de racine de tormentille et de gousses de vanille (comme parfum), dans du tafia blanc. Quelques cuillerées de ce liquide, mélangé avec de l’eau fraîche, forment une lotion à l’aide de laquelle, en la renouvelant fréquemment, elles obtiennent à peu près le résultat désiré.

Particularité physiologique de la couleur du gland chez le Nègre. — Le pénis du Nègre présente une particularité physiologique, ainsi que la muqueuse des lèvres et de la vulve chez la Négresse. La couleur en est aussi noire que le reste de la peau. Il n’en est pas de même chez le Nègre d’Océanie, comme on le verra. Cette particularité est absolument spéciale au Nègre d’Afrique et à ses descendants importés par l’esclavage en Amérique. La muqueuse du gland et du prépuce, chez l’Européen, varie du rose pâle au rouge vif : aussi n’est-ce pas sans un certain sentiment de curiosité que l’on examine pour la première fois l’organe génital d’un Nègre et que l’on constate cette couleur noire uniforme de la peau et de la muqueuse. La vulve de la Négresse est noire à l’entrée, mais devient d’un rouge vif dans le vagin. Il en est de même des lèvres et de la bouche dans les deux sexes. Le pubis est couvert d’un poil peu fourni, court et dur comme des crins de brosse. Quant à la tête, tout le monde sait qu’elle est recouverte d’une toison laineuse. La Négresse de Cayenne se coiffe toujours d’un grand mouchoir de soie bariolée, et le galant serait mal venu s’il le lui enlevait pour lui passer la main dans les cheveux.

L’organe génital du Capre. — Le Capre est le produit de la Négresse avec le Mulâtre. Quoiqu’ils aient un quart de sang blanc, le Capre et la Capresse diffèrent très peu de leurs ascendants noirs. Le Capre surtout est presque un Nègre pour l’organe génital. La peau de la verge et du scrotum est couleur sépia foncée, quand la peau du corps est sépia colorée. La muqueuse du gland est sépia roussâtre. Le pubis a les poils du Nègre.

L’organe génital du Mulâtre. — Le Mulâtre commence à se rapprocher du Blanc. La peau du corps varie du jaune brun-clair à la même teinte plus foncée. Cette teinte se forme avec la sépia, gomme-gutte et vermillon. La peau du scrotum et de la verge est plus foncée que le reste du corps, mais la muqueuse du gland est d’une couleur brun-rouge sale. Le pubis est plus fourni, se rapprochant davantage de l’Européen, mais le poil en est toujours raide et très noir en général ; il y a quelques exceptions. Signalons-en une. J’ai donné des soins médicaux à un jeune Mulâtre et à sa sœur, engendrés par un père roux-carotte. La fille avait les cheveux roux et lisses, la peau assez claire, parsemée de taches de rousseur, et le poil du pubis roux foncé, avec les muqueuses des lèvres et de la vulve rouge sombre. Chez le frère, au contraire, la peau était moins claire, les cheveux et le poil du pubis noirs ; mais la verge, très développée, avait un gland de couleur brun foncé avec le scrotum sépia colorée.

Quant à la grosseur, les organes génitaux sont, chez le Mulâtre, moins développés pour le pénis que chez le Nègre. Par contre, les testicules sont un peu plus gros. Il en résulte, comme conséquence logique, que la Mulâtresse est moins largement ouverte de la vulve et du vagin que la Négresse, tout en l’étant plus que l’Européenne.

Il y a souvent, dans une même famille, de grandes différences entre les enfants du même père blanc avec la Négresse. Les filles sont, en général, plus claires de peau que les garçons, plus rouges des muqueuses, et leurs cheveux sont moins laineux. Le sang blanc prédomine. C’est le contraire chez le garçon. Ceci est une règle qui comporte de nombreuses exceptions ; quelquefois, par un singulier phénomène d’atavisme, on trouve des Mistis plus foncés que leur mère, et qui sont presque des Mulâtres. Mais unissez la Capresse au Blanc, ou le Mulâtre à la Quarteronne, et du mélange, résulteront des croisements irréguliers dont les caractères physiques se rapprocheront ou s’éloigneront de la race blanche. Le premier produit a cinq parties de blanc contre trois de noir ; le second a les mêmes proportions, et cependant on aura deux types dissemblables.