L’Amour paillard/11

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Imprimé par ordre des paillards (p. 128-146).
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L’Amour paillard, Bandeau de début de chapitre
L’Amour paillard, Bandeau de début de chapitre


XI


À l’apparition de La Férina, Jacques s’était éclipsé ; elle arrivait par une porte opposée à celle près de laquelle il se dissimulait. Il revint rapidement à la chambre de sa femme, et constata que ni Thérèse, ni Gaston Gressac ne s’y trouvaient. Avaient-ils terminé leurs petites cochonneries ? Il dégringola l’escalier, et sortit dans les jardins. Là, il vit tout son monde. Léa et Pauline avaient quitté les genoux d’Antoine, et cueillaient des fleurs. Thérèse causait avec Arthur des Gossins et Alexandre Brollé, débarqués du train avec La Férina. Apercevant son mari, Thérèse cria :

— Tu étais de retour, Jacques ? Comment se fait-il que je ne t’ai pas vu ?

— Il a traversé le jardin sans s’arrêter, répliqua Antoine, goguenard.

— Vraiment, et il y a longtemps ?

— Ma fois, plus d’un gros quart d’heure.

Thérèse s’approcha de son mari, lui mit une main sur le bras, et lui demanda :

— Où vous cachiez-vous, petit mari ? M’espionnais-tu, par hasard ?

— À savoir…

— Qu’as-tu vu ?

— Je vois La Férina et M. Lagneux qui sortent de la maison. Ils étaient donc ici ? En voilà des visites !

Il venait de rejoindre le groupe de causeurs, et considérait Gaston Gressac, affalé sur un banc, trahissant un très vif essoufflement, résultat certain de l’abus qu’il avait fait des lèvres de la jolie et coquine Thérèse.

Le doute n’en pouvait subsister dans l’esprit d’un homme d’expérience comme Jacques. Sa femme avait arraché le sperme à fortes doses des couilles du brave homme, et elle ne s’était arrêtée que par pitié. Du reste, si elle aimait de sucer, Gressac, de son côté, s’enrageait à ce qu’on le suçât, et nul n’ignorait qu’il recherchait ce plaisir avec une passion à y récolter des troubles physiques et moraux. Était-ce à une suceuse à s’en préoccuper ?

La pine de l’homme bandait dur dès que les lèvres féminines l’aspiraient, et ne demandait grâce qu’après trois ou quatre décharges. Peu lui importait la mort ou la décrépitude. Gaston Gressac, rencontrant une femme aussi jeune, aussi gentille, aussi jolie, aussi complaisante que Thérèse, sachant qu’elle ne refusait pas cette volupté, n’avait pas craint de la solliciter, contrebalançant ainsi les projets de sa femme Annette, visant à la maquereauter pour Arthur des Gossins.

Jacques ne contint pas un frisson de commisération, en le voyant effondré au point de ne pouvoir se lever pour lui serrer la main. Gressac s’excusait, rejetant sa fatigue actuelle sur une maudite quinte de toux qu’il venait de subir, attendant d’en être bien remis pour quitter son siège.

La Férina, aussi à l’aise que chez elle, ayant laissé son chapeau dans la maison, s’avança, sous une toilette claire, rose et blanc, encadrant de façon idéale sa beauté de blonde ; Bertrand la suivait gravement. Elle prit Thérèse par le cou, l’attira dans ses bras, lui donna un chaud baiser sur la bouche, qui permit d’apercevoir leur langues s’unir avec tendresse, et dit :

— Ah, ma jolie petite cocotte, je te croyais dans la maison, et tu en sortais comme j’y pénétrais. Je suis montée jusqu’à ta chambre, et, j’ai découvert mon excellent ami Bertrand, en train de ramasser sa veste auprès de ta cousine. J’espère que cela le corrigera de sa manie de me faire des queues. Je n’aime pas beaucoup cela, Monsieur. Lorsqu’on a l’honneur de compter parmi mes amis sérieux, on l’apprécie et on ne porte pas ailleurs ses hommages. Puisque Arthur est là, je le prierai de cesser pour quelques secondes sa bouderie, et de témoigner que je suffis à contenter et satisfaire un homme qui me conserve sa fidélité.

— Seulement, répondit Arthur des Gossins, si vous suffisez à contenter et à satisfaire un ami fidèle, comme vous prétendez, vous ignorez absolument pour votre part les mérites et les vertus de la fidélité.

— Vous ne voudriez pas qu’il en fût autrement ? Une femme n’acquiert de la valeur qu’en trompant ses amants.

En prononçant ces mots, elle lançait un regard en dessous à Jacques, qui observait une très grande réserve, et qui lui sourit de suite. En cet instant Lina survint à son tour ; elle avait changé de robe, et se montrait le teint encore animé de la lutte soutenue. Jacques se précipita à sa rencontre, l’embrassa fortement en lui disant tout bas :

— J’allais voler à ton secours, quand La Férina a frappé son amant. J’arrivais.

Elle lui rendit sa caresse, et lui pressa la main très significativement. Thérèse et La Férina se jetèrent en travers, et cette dernière s’écria :

— Ah bien, si on s’effusionne en famille, on ne sera guère aimable pour les visiteurs !

Jacques s’empara des deux mains de La Férina, l’attira à lui, la baisa sur la bouche, et répondit :

— L’exclamation est un défi, je le relève en vous embrassant devant M. Lagneux.

— Eh ! mon cher, toutes ces dames sont assez parfaites de beauté et de caractère pour n’être pas jalouses les unes des autres, et permettre de caresser à tort et à travers. Je vais embrasser votre cousine pour me venger de ce baiser à ma belle Marguerite.

Bertrand ne perdait pas la tête ; il en tenait décidément pour Lina ; Thérèse semblait le favoriser ; elle le poussa vers sa cousine, et Lina dût recevoir la caresse.

On pensa ensuite à se distraire, et on accueillit à l’unanimité la proposition de jouer au tonneau. Toute la société, même Léa et Pauline, courut vers la partie du jardin où l’on avait aménagé un carré assez spacieux pour y installer divers jeux.

D’un hangar, on tira le tonneau et l’attirail nécessaire. On se distribua les rangs, dames et cavaliers entendant prendre part au jeu. Le tonneau placé, on s’apprêtait à commencer, lorsqu’une violente hilarité se communiqua à toute la bande, en voyant Léa et Pauline grimper à une série de gradins en bois, sur lesquels on étageait des vases et qu’Antoine avait enlevés pour les remplacer par de nouveaux. Elles se trouvèrent juchées à une certaine élévation, d’où leurs mollets sollicitèrent bientôt les regards, et aussi les jambes qu’on distinguait à cause des jupes très courtes. Léa continuait son rôle de petite fille, d’autant plus volontiers qu’elle se rendait compte du piment que cela lui donnait. Elle s’appliquait à imiter Pauline, qui la traitait en vraie camarade et ne la jalousait pas, gagnant à cette fréquentation une liberté encore plus excessive que celle dont elle jouissait. Et Dieu sait si on lui en accordait !

Cette enfant n’était pas une vicieuse précoce du seul fait de son tempérament ; l’oncle et la tante la poussaient vers le dévergondage, le premier pour satisfaire surtout ses paillardises, la seconde pour la même raison, et aussi par intérêt d’avenir. Une fille qui est dégrossie, qui est dessalée, peut prétendre à tout.

Les deux fillettes (!) ne tardèrent pas à remarquer l’attention que provoquaient leurs jambes, et loin de s’en émouvoir, elles s’amusèrent à adresser des pieds de nez à celui-ci, à celle-là, tant et si bien que tout-à-coup, le tonneau délaissé avant le début de la partie, on vit Bertrand Lagneux donner le signal de la polissonnerie.

Avant qu’on ne songeât à l’en empêcher, il montait sur le gradin au-dessous de celui où se tenaient les deux espiègles gamines, s’y asseyait, et, envoyant la tête en arrière, juste sous les jupes de Léa, qui ne bougeait pas, criait :

— Ohé ! les enfants, un superbe effet de lune, que ça vous jette des frissons dans tout le corps !

Thérèse s’élança à sa suite, aperçut le gonflement de sa queue derrière sa culotte, se laissa choir sur le gradin au-dessous de celui qu’il occupait, renversa crânement la tête sur ses cuisses, comme si elle voulait aussi contempler sous le ballonnement des jupes que sa sœur, experte en matière paillarde, agitait, et sentant la queue en érection, elle se tourna sur les genoux, disant à Bertrand de la sortir pour qu’elle la suçât ; elle se retroussa en même temps sur le dos, en face de la société ébahie, et s’exclama :

— S’il admire la lune au-dessus de sa tête, en voici une autre que je vous montre, afin que vous ne lui disputiez pas celle qu’il a découverte.

C’était la licence affichée. Jusqu’ici, si on se fréquentait, et cela depuis si peu de temps, on observait des limites ; on soupçonnait bien qu’il s’établissait des relations de luxure, on ne les accusait pas ouvertement, surtout pour les gens du monde que représentaient Bertrand Lagneux, Arthur des Gossins, Alexandre Brollé, et aussi Gaston Gressac, malgré ses louches entreprises, dirigées principalement par sa femme, qu’il avait épousée contre le gré de sa famille.

Thérèse se moquait donc du tiers et du quart en agissant avec un tel sans-gêne. Et contre ses fesses une main venait s’égarer, celle d’Alexandre Brollé, avec qui elle fit l’amour lors de sa fugue du foyer conjugal. Arthur des Gossins n’osait trop se risquer ; il n’avait cependant rien à redouter.

La famille Phoncinot acceptait des cachets pour figurer chez des particuliers les scènes érotiques de la volupté. Il l’avait payée pour une représentation chez sa maîtresse d’alors, La Férina : il en fut mal récompensé ; mais il se liait avec les femmes de cette famille, il se rencontrait dans leur maison d’Asnières avec des personnes de son monde, il serait un sot de ne pas profiter de la luxure qui couvait autour de lui et agissait sur ses sens. Il se trouvait tout près de Pauline Turlu, debout à l’extrémité du gradin, devant un petit espace vide, et d’où on pouvait facilement glisser sous sa jupe. Elle le devina hésitant, elle lui adressa un geste d’encouragement des yeux, et lui dit à haute voix :

— Venez voir la lune, moi aussi j’en ai une.

Allait-il franchir ce pas redoutable, qui le mettrait en contact avec une très jeune mineure ? Il oscillait sur ses jambes ; ses regards dévoraient les mollets de l’enfant, qui s’approchait à l’extrême limite du gradin pour achever de le tenter ; il succomba. Son front arrivait à la hauteur de ces mollets qui le fascinaient, quoique ne pouvant encore rivaliser avec ceux de Léa, de Thérèse. Il ne leva pas de suite la tête sous les jupes, il appuya les lèvres sur les fines chevilles, il les prit dans la main, il eut peur de voir Pauline trébucher, il ne sut comment cela se produisit, elle s’affaissait sur les pieds ; il tenait pressé sur son visage le jeune cul qui se trémoussait gentiment. La fillette avait glissé sur lui pour qu’il l’emportât loin du gradin.

Gaston Gressac avait secoué son apathie, il rejoignait la société, il assistait à l’ascension des gradins, s’esclaffant.

— Ah, les mâtines, elles ont plus de toupet que leurs aînées !

Entre La Férina et Lina, Jacques paraissait indécis. La Férina le poussa du coude, et dit :

— Je ne montre pas la lune en public, moi ! Si on veut la voir, on n’a qu’à me courir après.

Elle s’élança dans le jardin, Jacques bondit à sa suite, malgré le regard de Lina le suppliant de rester. Mais ce n’était pas encore l’heure de son triomphe sur la courtisane. Léa, qui venait de voir enlever Pauline par Arthur des Gossins et qui, debout au-dessus de la tête de Bertrand Lagneux, constatait avec ennui que non seulement il ne la pelotait pas, mais encore frémissait sous le suçage de Thérèse, descendit rapidement les gradins, et cria :

— Et le jeu du tonneau, on n’y pense plus ?

Antoine profita de l’exclamation pour jouer un mauvais tour à son cousin Jacques, en l’interpellant de ces mots :

— Hé, là-bas, reviens donc par ici, toi, on veut jouer au tonneau, et il me semble que tu laisses trop s’émanciper ta femme !

Thérèse, toute rouge, lâcha la queue de Bertrand, sauta à bas des gradins, se précipita sur Antoine, et le pinçant au bras, lui dit :

— De quoi te mêles-tu ?

— D’empêcher les bêtises.

Arthur des Gossins, qui tenait sur ses épaules la petite Pauline, laquelle se tortillait comme une anguille, pour mieux le favoriser dans ses hardiesses sur ses parties sexuelles, remit la fillette à terre, et rappelant sa raison, donna son appui au rappel du jeu de tonneau.

Bon gré, mal gré, Jacques et La Férina, qui s’étaient arrêtés à l’apostrophe d’Antoine, revinrent sur leurs pas, et on prit son rang pour lancer les plaques dans la bouche du crapaud. Le numéro 1 appartenait justement à La Férina ; elle les jeta avec une maladresse voulue, à tort et à travers, tout en ayant cependant l’air de viser.

— Ah ! lui dit Arthur, qui avait le numéro 2 et qui se trouvait à son côté, vous eussiez mieux fait de passer votre tour.

— Sûr, répondit-elle, chacun devrait être libre de prendre son plaisir comme il l’entend, et il y a des choses qui seraient plus agréables à lancer et à recevoir.

— Margot, si vous vouliez, on se raccommoderait ! Je crains bien que votre amoureux actuel ne soit un coureur enragé, tandis que tous les deux on s’entendait si bien. Puis, le passé nous unissait. Ah, je vous regrette, et je maudis la pensée que j’ai eue de vous amener ce monde. Qui sait où cela peut nous conduire ?

Elle fut touchée de ce que lui murmurait son ancien amant, et répliqua :

— Est-ce moi qui me suis fâchée, et n’est-ce pas plutôt vous qui avez rompu ?

— Je me repens, Margot, oublions notre brouille.

— Je ne dis pas non. Le Lagneux m’embête. Tiens, grosse bête, jette vite tes plaques et viens causer sur ce banc.

— Et… Jacques Phoncinot ?

— Ça, ce n’est pas le sérieux comme entre nous.

Envoyait-elle Jacques par dessus bord, dans son désir de renouer avec l’amant qui lui donnait tout ce qu’elle désirait, l’aimant vraiment et lui accordant beaucoup de libertés ? Les femmes sont volages… autant que les hommes. Antoine, qui succédait à Arthur des Gossins pour le tonneau, entendait ou n’entendait pas la conversation ; il les regardait d’un œil paterne ; ses préférences se marquaient pour Pauline et Thérèse. Léa, qui était derrière, lui allongea une forte claque sur les fesses, et dit :

— Que si on le voulait, on commettrait bien des farces avec le monde qui nous visite.

— Mon avis, petite, est qu’il vaudrait mieux garder ça pour soi. Ces messieurs ont trop de chic pour notre genre, ils se payent votre cul, et ils se foutent de nous. Examine-moi l’Arthur ; il ne perd pas du nez la jupe de son ex-maîtresse, et s’il pouvait la faire filer il ne mettrait pas souvent les pieds dans notre cambuse. J’ai bien remarqué qu’il vient les jours où il sait la rencontrer, et ça m’étonne qu’il ait marché avec la gosse. Vois-tu, ça ne me dit rien de bon que Jacques soit aussi attaché après cette cocotte.

— Et Thérèse, est-ce qu’elle n’y court pas après ?

— Vous n’avez pas fini de jaboter tout bas ? dit Lina, prenant le tour après Léa.

Mais le jeu ne trahissait aucun entrain, des impatiences se manifestaient, et des mauvaises humeurs s’affichaient. Jacques ne voulut pas jouer lorsque ce fût à lui. Il considérait avec ennui La Férina et Arthur, installés sur un banc et causant très intimement. D’un autre côté, Bertrand Lagneux paraissait se désintéresser de plus en plus de sa maîtresse, et accablait Lina de prévenances et de taquineries polissonnes. Jacques s’en irritait, parce qu’en dehors de La Férina, ses yeux ne cessaient de caresser ceux de sa cousine ; Thérèse se dépitait de se voir négligée par les deux principaux de ses visiteurs, et cependant Alexandre Brollé et Gaston Gressac ne la quittaient pas d’une semelle. Pour Pauline, elle trottinait autour d’Antoine et de Jacques.

On abandonna le tonneau, c’était le moment d’offrir à se rafraîchir. Léa et sa sœur Thérèse s’en occupèrent, et portèrent ce qu’il fallait sous une tonnelle qu’ombrageaient de beaux arbres. L’intimité allait-elle se rétablir ou bien les vraies licences s’autoriser ?

Les tendances à batifoler reparaissaient et ce joli cadre de jardin, animé par les membres de cette famille exceptionnelle faisant un art de la paillardise, disposait aux folichonneries de la chair des êtres bien créés pour les comprendre et les pratiquer. Les intérêts privés intervenaient néanmoins pour entraver les élans.

La Férina, lasse de Bertrand Lagneux, ne se cachait plus pour afficher la future reprise de ses relations avec Arthur. Les deux hommes auraient échangé des mots désagréables, s’ils se fussent trouvés dans un tout autre milieu. Malgré son dépit de voir La Férina si accaparée par son ancien amant, Jacques, craignant de perdre l’appui moral que lui valaient les visites de ces gens riches fréquentant sa maison, se préoccupant aussi du succès de son entreprise de tableaux vivants, s’appliquait à favoriser les petites audaces de luxure.

Sous la tonnelle, autour de la table rustique, étaient rangés des fauteuils en osier, et sur un des côtés un banc, d’où l’on montait sur deux hamacs installés aux arbres. Léa et Pauline, comme elles avaient grimpé sur les gradins, ne cessaient de se planter sur le banc, d’où elles apostrophaient dames et cavaliers avec beaucoup d’esprit libre et goguenard. Thérèse, ennuyée de l’effet hallucinant qu’exerçaient leurs jambes sous leurs jupes courtes, y monta, et retroussant ses robes à hauteur des genoux, cria :

— Abusent-elles de leur toilette de petites filles ! Ces petites cochonnes ne permettent pas à ces messieurs de s’apercevoir que nos mollets, pour ne pas être visibles, n’en sont pas moins tout aussi attrayants que les leurs. Là ! qui palpe les miens, pour juger de la différence ?

Gaston Gressac s’assit bravement sur le bord du banc, près de sa jambe, s’empara des deux mollets, et dit :

— Pristi ! que ça ravigote un homme de toucher si gentils mollets ; mais moi, quand je touche là, il faut que je touche les cuisses, et si je touche les cuisses, je ne sais plus ce que je fais.

Ses mains prenaient de plus en plus possession des sexualités de la jeune femme ; Thérèse se prêtait de son mieux à son pelotage, et il la patouillait au cul et au con. Levant les yeux, il murmura :

— Dis, ma belle enfant, si on retournait là-bas ? On y recommencerait à berlingoter.

Il poussa tout à coup un cri. Pauline, descendue du banc, s’était approchée tout doucement derrière Thérèse, avait glissé la tête sous ses jupes, et, trouvant la main de son oncle posée en plein sur les fesses, venait de la mordre. Puis elle se sauva, pour éviter la claque qu’il s’apprêtait à lui allonger. À demi furieux de l’incartade de sa nièce, il s’élança à sa poursuite pour la châtier. Thérèse, riant comme une folle, sauta à terre, courut après à son tour pour protéger la fillette, et aussi pour se rendre à la demande de berlingoter, qui lui souriait toujours. Lina, pour esquiver Bertrand Lagneux, monta sur le banc à la place de Pauline, et comme Jacques était tout près, elle l’attira à elle, et lui dit :

— Je veux que, pour ta part, tu compares mes mollets à ceux de Léa.

Celle-ci se mit bien vis-à-vis, dans l’intention de se prêter à la comparaison, tout en cherchant à taquiner Arthur des Gossins qui, avant de revenir à La Férina, la courtisait assez ouvertement. Jacques patouilla avec complaisance les mollets de Lina, qu’il connaissait cependant aussi bien que ceux de sa belle-sœur ; celle-ci se pencha, lui souffla tout bas dans l’oreille :

— Prépare-toi bien : je vais sauter sur les genoux de M. des Gossins, et tâche de suivre La Férina. Elle se dirige du côté de la maison, je le parierais, pour prendre son chapeau et s’en aller.

L’occasion se présentait-elle sérieuse ? La Férina s’éloignait en effet d’Arthur des Gossins. Leur accord était conclu ; elle lui avait annoncé qu’elle partait et qu’elle l’attendrait à la gare. Il la laissait aller à l’habitation, et elle ne fût pas plus tôt à mi-chemin que Léa, bravement, s’installa sur ses genoux, et lui dit :

— Petit monsieur, vous n’êtes pas du tout gentil pour les petites filles ! Vous ne leur offrez pas des bonbons, et vous ne les caressez pas !

Elle imitait à merveille une enfant mignarde ; elle sentit qu’il bandait à son contact, elle tortilla habilement les fesses, et continua :

— Savez-vous ce qui serait bien aimable ? Ce serait de me porter dans vos bras comme une gamine, jusqu’au jeu de tonneau, et nous y jouerions rien que tous les deux. On s’amuserait mieux que lorsqu’on était tous.

En même temps, elle lui passait les bras autour du cou, elle le câlinait des yeux. La Férina échappait à son attention ; il pensa qu’il serait bien sot de ne pas polissonner quelques secondes avec cette délicieuse tourterelle.

Il consentit à sa demande, se leva, et la tenant dans ses bras comme on tient une enfant, il se dirigea du côté du tonneau.

Lina n’osa intervenir devant la fièvre qui s’emparait de son cousin ; elle le vit partir de la tonnelle, s’engager dans l’allée que suivait La Férina. Elle ne défendit plus ses jambes aux entreprises de Bertrand, maître enfin de la situation. Elle était seule en sa présence. Alexandre Brollé accompagnait Antoine lui expliquant des modifications qu’il comptait faire dans le jardin. Comme Bertrand Lagneux glissait la tête sous sa robe, pour la manger de minettes, elle lui dit :

— Soit, léchez-moi, puisque vous êtes si tenace ; mais je vous préviens que vous ne m’aurez pas encore aujourd’hui. S’il vous faut baiser une femme, vous agiriez plus sagement en courant après votre maîtresse, La Férina, qui me semble vous lâcher pour reprendre son ancien amant.

— Je m’en fous, je ne veux que toi, et je te donnerais tout ce que tu voudrais pour t’entretenir, si tu consentais à m’aimer.