L’Anti-Justine ou les délices de l’Amour (1864)/34

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Vital Puissant ? (p. 28-37).

CHAPITRE XXXIV.

De l’homme à queue.

« Vous aimez les histoires, dis-je, ne voulant pas manger de pâté ; nous aurons demain tout autre chose à faire ; je vais en conter une pendant que vous achèverez de souper. » Un rire d’aise précéda le silence.

» Il y avait à Sens une veuve encore belle, quoique mère de six filles, dont l’aînée atteignait vingt ans et se nommait Adélaïde ; la deuxième, Sophie, n’en comptait pas encore dix-neuf ; la troisième, Julie, en avait près de dix-huit ; Justine dix-sept, Aglaé seize, et enfin, Émilie, la cadette, quinze ans. Quant à la maman, accouchée de son aînée à quatorze, elle avait trente-quatre ans. Madame Linars (c’était son nom) avait en outre deux nièces de quinze et vingt-deux ans, Lucie et Annette Baco[ws 1] ; une jolie femme de chambre de dix-huit ans, outre une cuisinière, grande et belle fille de vingt ans. Le mari avait mal fait ses affaires avant que de mourir ; sa veuve ne soutenait sa nombreuse famille qu’avec le revenu de sa dot, qui rapportait cinq à six mille livres ; on était gêné, car les nièces n’avaient que quinze cents livres de rente entre elles deux ; c’était onze personnes à entretenir avec sept mille cinq cents livres1 Il parut alors à Sens un gros et bel homme dont la physionomie annonçait trente ans, encore qu’il n’en eût que vingt. Il passait pour très riche ; en effet, il l’était. Ses bras et sa poitrine étaient couverts de poils ; il avait le regard dur et presque féroce, mais son sourire l’adoucissait, et il souriait toujours en voyant de jolies femmes. L’aînée des demoiselles Linars était charmante. Fysistère, ravi, en devint éperdument amoureux, quoiqu’il eût alors dans son sérail une femme mariée, enlevée à Paris de l’aveu du mari même, la sœur d’icelle, vendue par son père, et une superbe carmélite, leur cousine, qui s’était livrée elle-même parce qu’elle était hystérique. Mais toutes ses maîtresses étaient alors enceintes, et Fysistère n’en jouissait que pour en avoir des enfants. Il alla chez madame Linars pour lui demander en mariage Adélaïde.

» Le velu, en voyant onze femmes dans une maison, tressaillit d’aise. Il étala sa fortune et proposa d’épouser l’aînée. Trente mille francs de rente qu’il prouva (il en avait bien davantage) le firent accepter sur-le-champ ; il rendit ensuite des visites jusqu’au mariage et fit des présents, tant à sa prétendue qu’à la mère, aux belles-sœurs, à Lucie et Annette, les deux nièces, ainsi qu’à Géoline et Mariette, la femme de chambre et la cuisinière. Ce fut avec ces présents qu’il attaqua leur vertu.

» Mais il faut quelques préliminaires qui fassent mieux connaître ce personnage.

» Fysistère était un de ces hommes poilus qui descendent d’un mélange de notre espèce avec celle d’hommes à queue de l’isthme de Panama et de l’île Bornéo. Il était vigoureux comme dix hommes ordinaires, c’est-à-dire qu’il en aurait battu dix à armes égales, et qu’il lui fallait à lui seul autant de femmes qu’à dix hommes. À Paris, il avait acheté la femme d’un nommé Guac[ws 2], un scélérat qui la lui avait vendue et livrée. Fysistère la tenait exactement enfermée depuis ; il jouissait de cette infortunée, la plus provoquante des femmes et qui avait beaucoup de tempérament, dix à douze fois par jour, ce qui la fatiguait tellement qu’elle lui avait donné le conseil d’acheter de leur père sa sœur cadette, nommée Doucette, qui partagerait le travail. Il le fit, mais ces deux femmes avaient bientôt été sur les dents ; heureusement, un confesseur de nonnes découvrit alors pour le velu la religieuse hystérique, cousine des deux victimes ; il la tira de son couvent sous le prétexte d’aller aux eaux, et la livra au Fysistère, qu’elle occupa seule pendant deux semaines ; ce qui avait reposé ses deux cousines.

» C’est à cette époque que l’homme à queue était venu à Sens et qu’il avait vu la famille Linars. Avant qu’il eût madame Guac, on lui amenait trois filles couturières chaque matin, mais les précautions qu’il était obligé de prendre pour sa santé avec des créatures qu’il laissait libres, le dégoûtèrent de cette jouissance. D’ailleurs, comme il avait formé le projet de multiplier l’espèce des hommes à queue et d’en peupler l’île entière de Bornéo, son pays originaire, il voulait pouvoir surveiller tous les enfants qui lui naîtraient. Ses trois femmes étant grosses, il ne voulut plus les fatiguer. Quand il fut lié avec madame Linars, il aurait bien cherché à déflorer sa future ou à se donner une des nièces, ou la cuisinière, ou la femme de chambre, mais il trouva que tout cela avait ses inconvénients ; il réserva ce supplément de ressources pour après son mariage. La première qu’il attaqua, ce fut sa belle-mère future ; il lui fit un jour un présent de deux mille écus en espèces, et la voyant dans l’extase de la reconnaissance, il lui mit la main sous la jupe en lui disant : « Autant tous les six mois, si je vous le mets, et ne craignez pas que cela fasse du tort à votre fille, elle n’en aura que trop de reste. » Comme il était extrêmement fort, tout en parlant il la remuait et l’enfilait. La dame se trouva prise sans l’avoir prévu ; elle fut rabattelée une dixaine de fois, tant elle était vigoureusement contenue. Enfin, devenue libre, elle lui dit : « Oh ! quel homme !… — Je suis tel, dit-il, que votre fille et vous, quand vous m’aurez toutes deux, vous me donnerez vous-mêmes des maîtresses pour vous reposer. » La dame, qui aimait le jeu d’amour, sourit en rougissant d’espérance et de plaisir. Elle fut exploitée tous les jours en attendant celui du mariage de sa fille. Quand ce jour fut arrivé, effrayée pour une si saine vierge, elle pria l’inépuisable Fysistère de la ménager. « Six fois, dit-il pas plus, si vous me promettez de me recevoir ensuite ou de me donner l’aînée de vos nièces. — Non, mais je vous donnerai Géoline ou Mariette, celle que je pourrai avoir le plus facilement. » Le soir des noces, Fysistère, quoiqu’il eut toutes les nuits fourni madame Linars, était impatient, à trépigner, d’avoir sa mariée. Il l’enleva comme une plume dès qu’on eut soupé, se jeta sur elle et lui fit pousser des cris effrayants. La mère, alarmée, courut avec Géoline au moment où Fysistère, sans trop s’embarrasser des gémissements de la jeune personne, la recommençait. La mère le laissa l’achever, puis, sur l’instante prière de sa fille, elle la retira du lit pour laver le sang et le suc d’homme dont sa conque martyrisée était remplie. Fysistère saisit alors Géoline et la viola malgré ses clameurs. Il la retint sous lui quatre ou cinq fois. Elle profita d’un intervalle pour s’échapper ; mais Fysistère menaça madame Linars, si elle ne remplaçait pas sa fille, de tourmenter celle-ci jusqu’au jour. La dame était fatiguée ; elle alla chercher Mariette, qu’elle enferma dans la chambre nuptiale ; Fysistère la viola et la contint sous lui quatre fois, puis il lui permit de dormir.

« Dans le jour, il assoupit les plaintes des jeunes filles domestiques et même il les gagna, en leur constituant douze cents livres de rente à chacune, mais elles demandèrent du repos pour la nuit suivante. Le soir, Fysistère réenconna six fois sa nouvelle épouse, qui prit un peu de goût à la chose, puis sa mère, reposée, fut à son tour fourgonnée six autres fois, ce qui suffit à l’homme à queue. Le soir du troisième jour, il ne réenconna sa femme qu’une fois, car elle demanda grâce ; il eut ensuite Géoline six fois, puis Mariette cinq fois, ce qui fit la dose à laquelle il se régla. Il eut le quatrième soir sa femme une fois, sa belle-mère quatre, Géoline trois, Mariette quatre, douze en tout. Il en agit ainsi pendant deux mois. « Mais, lui dit madame Linars, vous vous épuisez ! À quoi bon nous le mettre tant de fois ?… — Mon but est de faire des enfants pour en peupler une île des Indes dont les hommes de mon espèce sont originaires. Dès que vous serez grosses, je ne vous le mettrai plus, vous m’en donnerez d’autres, mais surtout vos filles et vos nièces, parce que vous êtes toutes d’un beau sang. Je leur ferai à chacune six milles livres de revenu et douze cents seulement aux étrangères que vous me procurerez. Madame Linars fut très étonnée de cette proposition, mais les six mille livres de revenu pour ses filles et ses nièces la tentèrent. Au bout de deux mois et six semaines de mariage, madame Linars, la nouvelle mariée, Géoline et Mariette se trouvèrent enceintes ; Fysistère leur déclara qu’il ne les verrait plus qu’après leurs couches, et il pressa madame Linars de lui donner ses nièces et deux de ses filles. Elle fut obligée d’y consentir. Elle les conduisit elle-même après les avoir instruites, et assista à leur défloration, calmant leurs cris par ses discours et ses caresses. « Ma raisonnable enfant, disait-elle à Lucie renversée sur le dos et qu’on troussait, il est doux d’avoir six milles livres de rente… cinq cents par mois, ajouta-t-elle en la pommadant, ma chère nièce ! » dirigeant le gros membre dans sa fente ; aussi la belle Lucie, quoique vierge encore, ne cria-t-elle pas. Vint ensuite Annette, la deuxième ; sa tante l’exhorta, la pommada, insérant son index au con, le plus profondément possible, pour frayer la route. Elle introduisit le membre dans la fente ainsi préparée. Cependant Annette, perforée, jeta les hauts cris, mais ils n’arrêtèrent pas Fysistère, dont madame Linars caressait la queue poilue, qui frétillait vivement. « Ah ! maman, lui dit-il, mets-toi sur moi et te l’enfonces dans la conque, tu auras bien du plaisir. » Elle le fit, et fut si ravie qu’elle appela sa fille aînée et les deux chambrières pour leur procurer les mêmes délices.

» Annette suffisamment renconnée et demandant grâce, Géoline la ramena pour laver le sang et le sperme dont son bijou était barbouillé, et madame Linars alla chercher Sophie, sa seconde fille. Géoline s’enfila avec la queue poilue, au refus d’Adélaïde, l’épouse. Sophie ne poussa que quelques gémissements au premier assaut ; elle riposta aux deux autres et fut cependant ensanglantée. Géoline se fourgonna la queue à poil pendant toute la séance. Fysistère n’avait joui que neuf fois ; il lui en fallait trois encore. On alla lui quérir Julie, la troisième sœur, âgée de dix-sept ans. Sa mère la pommada, ce qui ne l’empêcha pas de crier, parce qu’elle était fort étroite. Julie et sa cousine furent les deux qui ne jouirent pas dans le coït, les quinze premiers jours. Lucie fut prise tout de suite et Sophie trois jours après, mais elles n’en dirent rien, aimant le plaisir. Quant à Julie et Annette, il s’écoula trois mois sans qu’elles fussent enceintes, Annette se farfouillant avec la queue poilue pendant les assauts de Julie.

» Lorsqu’il fut bien décidé que les quatre belles avaient le sac rempli, madame Linars fut requise de donner ses trois dernières filles et une cousine du côté gauche, fille hors mariage, nommée Naturelle Linars. Elles lui furent livrées, et Justine et Aglaé, Émilie même, qui n’avait pas quatorze ans accomplis, se virent enfilées dans une seule nuit, malgré leurs cris et la déchirure de leurs jeunes appas. Naturelle avait vingt-un ans. Ce fut une délicieuse jouissance que l’homme à queue s’était réservée pour la dernière. Celle-ci fut engrossée sur-le-champ, et les trois autres, malgré leur jeunesse, ne l’échappèrent pas dans le cours du mois. Elles étaient régulièrement fourgonnées trois fois chacune par nuit, mais soit qu’elles eussent moins de tempérament, soit qu’étant plus étroites, elles souffrissent toujours, elles furent ravies lorsqu’elles furent déclarées enceintes.

» L’homme à queue, ravi, avait en ce moment fécondé quatorze femelles, qui lui promettaient au moins quatorze enfants. À cette époque madame Linars accoucha d’une fille ; un mois après Adélaïde, ou madame à queue, mit également une fille au monde, puis Géoline et Mariette, qui eurent chacune un garçon, Annette et Lucie chacune une fille. Toutes six voulurent nourrir, ce qui fut exécuté dans une terre écartée, du côté de Seignelai, éloignée des routes communes de l’Yonne, mais sur la petite rivière de Serin.

» Cependant comme les unes nourrissaient et que les autres étaient enceintes, il fallait d’autres femmes à Fysistère. Il demanda la permission à madame Linars de féconder ses trois premières concubines, madame Guac, sa sœur Doucette et la carmélite, qui n’était plus hystère depuis ses couches La belle-mère y consentit avec la plus grande joie, car elle était fort embarrassée pour trouver à son gendre des sujets fécondables. Elle avait déjà bien remarqué les quatre pucelles les moins laides du village, et même une cinquième, la plus jolie, femme mariée, stérile avec son mari. Elle les avait déjà presque gagnées au moyen des douze cents livres par année, mais elle n’était pas encore sûre de leur discrétion.

» Les trois concubines étaient mandées ; elles arrivèrent dès le même soir ; elles furent mises toutes trois dans un grand lit propre à cinq personnes Fysistère s’y coucha au milieu ; il les palpa toutes, puis il prit madame Guac, la plus voluptueuse, qu’il fourgonna trois fois avec fureur. Il saisit ensuite Doucette, que ses tendres gémissements lui firent ramoner en enragé. En la quittant, il sauta sur Victoire, qu’il exploita six fois sans désarçonner, mais elle l’assura qu’elle était guérie de sa maladie, et elle le pria de se partager également entre elles trois, ce qui fut arrêté.

» Le lendemain, madame Linars, qui avait tout écouté pendant la nuit, demanda aux trois parentes comment elles appartenaient à Fysistère. Madame Guac répondit : « Nous allons vous faire notre histoire, qui vous paraîtra singulière, en même temps qu’elle vous donnera une idée juste de notre mari à toutes qui est d’une nature particulière. » Madame Linars ne demanda pas mieux que de l’entendre, mais elle fit observer à Madame Guac que ce récit ne serait pas moins agréable aux douze autres femmes de Fysistère. Madame Guac en convint, et Adélaïde, Sophie, Julie, Justine, Aglaé, Émilie, Lucile, Annette, Géoline, Naturelle et Mariette, appelées par madame Linars, vinrent avec elle assister à la narration que fit la belle madame Guac, en présence de Doucette, sa saur, et de Victoire, la carmélite, leur cousine. »




  1. Note de Wikisource ; Annète-Bar, dans l’édition originale de 1798.
  2. Note de Wikisource : Guæ, dans l’édition originale de 1798.