L’Arc d’Ulysse/À une belle Muse qui de Rome m’envoie une branche de laurier

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À UNE BELLE MUSE

Qui de Rome m’envoie
Une branche de laurier


Elle cueille à pleines mains
Tant de lauriers qu’elle en donne !
Elle a pris aux champs romains
Ce rameau pour ma couronne.

Mais quels lemnisques noueront
En cercle ces feuilles vaines,
Si les refuse à mon front
La fierté des Sœurs Neuvaines ?

Las ! quand j’aligne au cordeau
Des sonnets ? Non, mais des chiffres,
Au bois tombe sur le dos
La Nymphe, et sautent les fifres.

J’en ris en pleurs. Floréal
Met, par vos mains consolantes,
Cette feuille sur mon mal
Pour me guérir par les plantes.

Or au feuillage latin
Mon front n’a plus que prétendre,
Gris comme un foyer éteint,
Dont le vent lappe les cendres.

Un bouquet, même annuel,
Me blesse un peu de ses hampes :
Ma fête est l’avis cruel
Que l’huile baisse en ma lampe.

Mais je sais un crin doré
Pour qui le laurier verdoie :
C’est le poète Fleuret,
Prenez une longue soie ;

Coupez des roses. Coupons
De remuantes cerises ;
(Mais nous dirons « des pompons »,
Que Ronsard nous favorise !)

Fermez sur la rose chef
La couronne qui l’encense.
Et je signerai d’une F
« Fidélité » sur la ganse.


Floréal 1914.