L’Arc d’Ulysse/Olivier Basselin

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L’Arc d’UlysseÉditions Georges Crès et Co (p. 123-124).

OLIVIER BASSELIN

Entre voisins, dans l’arrière saison,
Sur un feu doux, l’on brasille des poires.
Joyeux devis et santés à foison !
Le bon vieux temps l’on remet en mémoire…
— « Maître Le Houx, une chanson à boire ! »
Il tousse, et dit : — « Elle est de Basselin,
Qui l’eau n’aima, si ce n’est au moulin. »
Les bouches béent ! Oh ! la belle groseille
Mûre et grenue au grand nez aquilin !
C’est le bon vin qui fait lever l’oreille.

La chanson dit : — « Sied-il, déjà grison,
« S’embéguiner de rousse ou bien de noire,
« Qui toujours tance, et fait dans la maison
« Querelle aux brocs et moue à l’écritoire ?
« Passe ma gorge avant mes génitoires !
« Mais si ma soif n’y perd un fifrelin,
« Et que je doive, heureux sans chapelain,
« Époux d’une heure, au lit faire merveille,
« Le gosier sec laisse mol le poulain,
« C’est le bon vin qui fait lever l’oreille. »

Cher Basselin ! occis par trahison,
Gai rossignol, on redit ton histoire.
Voici le rû, le moulin, l’horizon,
Où vibre encore un écho de ta gloire.
Mais chut ! Des Vaux une voix monte… Voire ?
Reviendrais-tu dans l’air crépusculin
D’un chant virois plaire au val orphelin ?…
C’est un roulier qu’échauffe une bouteille.
L’ivresse fume, et, de beaux rêves plein,
C’est le bon vin qui fait lever l’oreille.

Envoi

Prince altéré, je suis au cidre enclin,
Ma muse n’est que de cidre vermeille.
Quand il aura constaté son déclin
Lui vienne dire un Français né malin :
« C’est le bon vin qui fait lever l’oreille ! »