L’Arme invisible/Chapitre 13

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L’Arme invisible ou le Secret des Habits noirs (1re  partie) (1869)
E. Dentu (p. 195-209).
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XIII

L’arrestation.


C’était une chambre de belle étendue, ornée suivant le style des premières années du règne de Louis XVI.

On sentait là le château encore plus que la maison parisienne : les meubles étaient du temps et n’avaient point été changés depuis la création de l’hôtel.

Les boiseries sculptées ménageaient de larges panneaux, remplis par des tapisseries des Gobelins, représentant des sujets de chasses traités dans le goût mythologique et qui se rapportaient aux motifs de la frise, où des chiens et des cerfs couraient tout autour du plafond.

Les sièges, également en gobelins, avaient des médaillons empruntés à la vénerie moderne.

C’avait été l’appartement du fils unique de la marquise d’Ornans, qui était mort justement, disait-on, d’un accident de chasse.

Les deux fenêtres, maintenant fermées, donnaient sur le jardin, dont la lune éclairait les magnifiques bosquets.

Il y avait un grand cabinet, fermé seulement par une draperie, et dont la croisée ouverte laissait passer le bruit des feuillages doucement agités par le vent.

Mlle de Villanove était assise auprès d’un meuble de Boule, formant bureau : celui-là même dont elle avait rabattu la tablette lors de l’arrivée du colonel.

On voyait à l’autre bout de la chambre, entre les rideaux relevés de l’alcôve, le lit, dont la couverture était faite.

Valentine elle-même avait sa toilette de nuit sous le peignoir brodé qui recouvrait ses épaules, et ses admirables cheveux noirs dénoués tombaient en désordre autour d’elle.

Le colonel Bozzo venait de partir ; Valentine avait le coude appuyé sur un cahier de papier à lettre dont la première page était aux trois quarts couverte d’écriture, et sa main soutenait son front.

La lumière de la lampe éclairait vivement son visage très pâle, mais marqué, vers les pommettes, de deux taches de vermillon.

Un cercle de bistre entourait ses beaux yeux, qui avaient la fièvre.

Un peintre aurait cherché longtemps avant de trouver un modèle plus exquis pour reproduire les gracieuses et délicates splendeurs de la dix-huitième année, mais un poète eût hésité, ne sachant s’il devait dire en parlant d’elle : jeune fille charmante ou adorable jeune femme.

Elle resta quelque temps ainsi, pensive ou plutôt absorbée.

C’est l’heure où Paris se tait.

On entendait encore dans le lointain ce bruit vague et profond qui ressemble à la voix de la mer, mais cette voix allait s’éteignant et mourait par intervalles.

Quelquefois un souffle de brise agitait brusquement les feuilles, que septembre faisait déjà sonores.

D’autres fois, Valentine écoutait les sons mystérieux de la nuit et un frémissement léger agitait son beau corps sous la mousseline de son peignoir.

Au bout de quelques minutes, ses lèvres s’entrouvrirent.

— Remy d’Arx ! murmura-t-elle sans savoir peut-être qu’elle parlait ; Maurice…

Elle releva la tête ; ses traits exprimaient une souffrance indéfinissable.

Elle voulut relire le commencement de sa lettre, mais avant d’avoir achevé la première ligne, elle saisit sa plume d’un mouvement violent et la trempa dans l’encre.

Elle écrivit :

« Je suis seule. Il y a en moi quelque chose qui me dit : Tu es perdue. Pourquoi suis-je seule à l’heure du danger ? Pourquoi n’es-tu pas là ? J’aurais dû te rappeler plus vite. J’ai eu peur du monde ; on m’a appris les lois, les convenances du monde ; il m’a semblé un instant que je devais leur obéir.

« Que m’importe tout cela ! tu serais venu, j’en suis bien sûre, et tu me dirais : Courage !

« Courage ! contre qui ? de quoi suis-je menacée ? ils m’entourent et ils m’aiment ; je n’ai pas le temps de concevoir un désir.

« Mais je me souviens, il y a des choses que je n’ai pas dites, même à toi ; j’essaye souvent de me persuader que j’ai fait un rêve terrible quand j’étais tout enfant… oh ! terrible !

« Ceux qui s’intéressent à une jeune fille la surveillent, n’est-ce pas ? Il me surveille, il en a le droit, il veut me donner une partie de sa fortune ; il est le meilleur ami de celle qui me tient lieu de mère.

« Il vient de venir à l’improviste, comme il fait toutes choses. Il voit à travers les murailles, on ne peut lui cacher aucun secret. Il m’a parlé avec bonté, avec tendresse, et je reste brisée comme si j’avais lutté contre un implacable ennemi !

« Peut-on respecter ainsi un homme presque à l’égal d’un père, et le craindre plus qu’un démon ?…

« Vois, ma main tremble ; pourras-tu me lire ?… J’ai froid jusque dans mon sang, et pourtant il me faut cette croisée ouverte, ce vent de la nuit qui rafraîchit la brûlure de mon front.

« Sous la fenêtre, c’est un beau jardin, tout plein de fleurs, et dont mon jeune cousin, Albert d’Ornans, qui est mort, franchissait, dit-on, les murailles pour aller à ses amours et à ses plaisirs.

« Je ne l’ai pas connu, mais j’habite sa chambre et quelque chose de lui est autour de moi. Son portrait est dans le salon ; c’était un beau jeune homme, hardi et rieur comme toi.

« Une fois, de son château de Sologne, il écrivit à sa mère une lettre qui disait à peu près ceci : Es-tu bien sûre de ceux qui t’entourent ? Je sais des choses graves que je ne veux point confier au papier. Invite à dîner Remy d’Arx pour le jour de mon arrivée

« Remy d’Arx est un juge. Maurice, tu me rendrais heureuse si tu devenais son ami.

« Mais à quel propos te dis-je cela ? oh ! ma pauvre tête !

« Il ne se leva jamais, le jour de l’arrivée, pour le jeune marquis d’Ornans, mon cousin. Quelques jours après on reçut la nouvelle de sa mort. Un coup de fusil tiré sous bois. On ne lui connaissait pas d’ennemis et ces accidents surviennent si souvent à la chasse…

« Mais qu’aurait-il dit à sa mère et à Remy d’Arx, s’il était revenu ?

« Tu dois me croire folle, je ne t’ai pas encore parlé de toi. J’ai peur. Il y a de grands terrains déserts au-delà du jardin, dont les murs sont fort élevés, mais puisque mon cousin les franchissait, d’autres pourraient faire comme lui.

« Moi aussi je me crois folle, il me semble à chaque instant que j’entends des pas. Tiens ! en ce moment même je jurerais… c’est que, toute la soirée, au salon, ils ont parlé de voleurs et d’assassins.… des Habits-Noirs. Ce nom seul me fait frissonner, et si tu savais pourquoi ! J’ai peur comme les enfants qui se mettent au lit, l’esprit plein de brigands et de fantômes.

« Moi qui étais si brave autrefois, te souviens-tu ? Mais ce sont des idées de fièvre, car j’ai la fièvre. Je voudrais n’avoir pas d’autres frayeurs que celle-là. Le vrai danger n’est pas sous mes fenêtres.

« Maurice, il faut venir à mon secours. Maurice, Maurice chéri, j’ai besoin de toi et je t’aime. Oh ! ne doute jamais de mon cœur, quoi qu’il arrive : je t’aime ; je suis sûre de t’aimer !

« Aujourd’hui même on m’a demandée en mariage, et c’est lui… Écoute ! je te le jure devant Dieu, je n’aime que toi. Remy d’Arx est mon ami, mon allié naturel, il me faut son aide, il lui faut aussi la mienne. Comment t’expliquer cela dans une lettre ? Si tu étais là, tu verrais mon âme dans mes yeux, je te dirais la différence qu’il y a entre l’ardente tendresse que j’ai pour toi et l’affection tranquille qui m’attire vers M. d’Arx. Toi, tu es mon cœur tout entier, tu es mon mari, je veux que tu sois mon mari ; lui, j’ai refusé sa main sans hésitation, sans regret… »

Sa plume s’arrêta après avoir tracé ce mot et resta un moment suspendue.

Son sein battait ; une larme perla sous ses belles paupières baissées.

— Mon Dieu, murmura-t-elle, je vous prends à témoin, c’est la vérité que je dis : je n’aime que Maurice !

Elle déposa la plume pour échauffer sa main glacée contre l’ardeur de son front.

— Et pourtant, reprit-elle avec une sorte de désolation, la pensée de M. d’Arx est aussi en moi tenace, obstinée… mais ce n’est pas la même chose et je peux dire la main sur ma conscience : M. d’Arx et le reste du monde fussent-ils d’un côté et Maurice tout seul de l’autre, c’est Maurice qui emporterait la balance !

Deux heures venaient de sonner à l’horloge de l’hôtel.

Dans le silence de la nuit, devenu plus complet, un bruit s’était fait vers la partie orientale du jardin, du côté de la rue de l’Oratoire, mais Valentine était dominée si fortement par sa rêverie qu’elle ne l’avait point entendu.

Sa plume courait de nouveau sur le papier :

« … Mon Maurice bien-aimé, je suis descendue en moi-même, j’ai regardé jusqu’au fond de mon âme, je ne veux que toi, je suis toute à toi.

« Écoute bien, quand tu vas revenir, notre première entrevue aura lieu chez la bonne Léocadie, mais nous n’aurons qu’une entrevue de cette sorte. Ma détermination est bien prise, rien ne pourrait la changer, je te ramènerai avec moi à l’hôtel, ouvertement, en triomphe, devrais-je dire, car je suis fière de toi, je suis fière de t’aimer. Je te prendrai par la main, nous monterons ensemble chez Mme la marquise ; tant mieux si le colonel Bozzo est là ! elle et lui sont les deux seules personnes qui aient des droits sur moi.

« Avec toute autre jeune fille, ce qui va suivre aurait l’air d’un enfantillage ou d’un roman, mais ma position n’est pas celle des autres jeunes filles : crois-moi sur parole, j’ai beaucoup réfléchi et je te parle sérieusement.

« Je dirai à Mme la marquise et au colonel que tu peux regarder l’une comme ma mère d’adoption, l’autre comme mon tuteur ; je leur dirai : « Voici Maurice ; il n’est ni riche ni noble, mais je l’aime et je veux être sa femme. » S’ils acceptent, que Dieu soit béni ! nous serons leurs enfants et ne t’inquiète pas du monde : le monde nous applaudira puisque nous serons riches ; s’ils refusent, je redeviens Fleurette. C’est Fleurette que tu aimais et non pas Mlle de Villanove ; nous sommes jeunes tous les deux et nous pouvons faire d’autres métiers que celui de saltimbanque, nous travaillerons, nous serons heureux. N’aie pas peur qu’avec toi je regrette jamais le somptueux hôtel où j’ai passé deux années ; ce sera dans mon souvenir comme un rêve brillant, il est vrai, mais trop souvent douloureux.… »

Elle s’interrompit tout à coup et prêta l’oreille.

On eût dit que la petite porte du jardin qui donnait sur les terrains de l’ancienne villa Beaujon venait de s’ouvrir et de se refermer.

Elle regarda sa pendule, qui marquait dix minutes au-delà de deux heures.

— Il est temps de reposer, se dit-elle, cette lettre ne partira que demain. Elle sera en route pour l’Algérie quand je verrai M. d’Arx.

Elle écrivit encore :

« Au revoir donc, cher, bien cher Maurice. Désormais je vais compter les jours. Peut-être es-tu déjà en route, puisque tu as dû recevoir la lettre de Léocadie, mais j’ai craint que tu n’eusses pas confiance et j’ai voulu t’envoyer ma propre parole, signée de mon vrai nom. Je t’attends, je t’aime, et quelque chose me dit que nous aurons du bonheur. »

Elle signa et rejeta sa plume avec une sorte de colère.

— Est-ce bien vrai cela, pensa-t-elle, du bonheur ? Non, mes pressentiments sont douloureux, mais pourquoi lui faire partager ces craintes que rien ne justifie ?

Par la fenêtre ouverte du cabinet, un cri faible et lointain se fit entendre, suivi d’un bruit dont Valentine n’aurait point su expliquer la nature.

Elle était brave, elle nous l’a dit elle-même, et les faiblesses qui la tourmentaient, cette nuit, n’appartenaient point à son caractère.

Elle passa dans le cabinet pour interroger le dehors.

C’était une belle nuit, la brise agitait doucement les arbres, et la lune, à travers les feuillages, glissait de blanches échappées de lumière.

Le bruit ne venait pas du jardin, qui était solitaire et tranquille.

Mais il y avait un mouvement inusité dans la maison située à droite des bosquets, en retour sur la rue de l’Oratoire.

Valentine vit des lumières courir au troisième étage de cette maison, etc, dans l’escalier, au second, il y avait une fenêtre éclairée.

En même temps un murmure de voix parvint jusqu’à elle.

— Quelque pauvre malade, pensa-t-elle en gagnant son lit.

Elle s’agenouilla pour faire sa prière, car elle n’y manquait jamais, et le premier mot de Léocadie, lorsque le colonel était venu à la baraque pour réclamer Fleurette, avait été celui-ci : « J’avais toujours eu l’idée que l’enfant n’était pas née sous un chou ; ça n’accepte jamais un verre de n’importe quoi et c’est pieux comme une petite demoiselle. »

Mais, ce soir, la prière de Valentine était distraite.

À peine fut-elle agenouillée que sa frayeur vague la reprit.

Elle regretta de n’avoir pas fermé la fenêtre.

Les bruits qui, tout à l’heure, lui semblaient naturels et dont elle avait trouvé elle-même l’explication probable lui semblaient maintenant tout autres.

La peur est faite ainsi et Valentine avait peur.

Elle voulut s’obstiner, cherchant les paroles de sa prière, mais tendant l’oreille et retenant son souffle.

Des voix venaient, non plus de la rue de l’Oratoire, mais des terrains de Beaujon, et il lui sembla distinguer un mot qui mit de la glace dans ses veines : « Assassin. »

Le fait assuré, c’est que le bruit augmentait.

Il y avait un haut treillage qui soutenait des plantes grimpantes destinées à cacher le mur du numéro 6 de la rue de l’Oratoire.

Illusion ou réalité, les lattes de ce treillage craquèrent.

Ceci était distinct et le craquement se renouvela plusieurs fois.

Or, le treillage touchait à un grand tilleul dont le sommet dépassait de beaucoup la toiture de l’hôtel et dont les branches venaient caresser la première croisée de la chambre de Valentine.

De cette croisée à celle du cabinet un balcon régnait, reliant ainsi les trois fenêtres.

Valentine n’essaya plus de prier ; elle se mit sur ses pieds toute tremblante, étonnée et irritée de la terreur sans nom qui paralysait ses mouvements, car sa volonté était de courir au cabinet pour barricader la fenêtre, et ses jambes chancelantes refusaient de faire un pas.

Il n’y avait plus à douter, quelque chose d’extraordinaire se passait auprès d’elle ; les craquements du treillage avaient cessé, mais les branches du tilleul remuaient, secouées par un effort qui n’était pas celui du vent.

Et les voix éclataient de tous côtés, et la petite porte du jardin s’ouvrait avec fracas, et l’on marchait, et l’on courait dans les allées.

— Il doit être là, disait-on, le brigand, l’assassin ! il a dû grimper dans l’arbre.

— Il est capable de passer par-dessus la terrasse et de gagner les Champs-Élysées…

— Dressez l’échelle ! nous l’aurons si on peut atteindre ce balcon.

À ce moment, des coups redoublés retentirent frappés à la porte cochère, et bientôt un grand mouvement se fit à l’intérieur de l’hôtel.

Valentine écoutait, haletante.

Tout cela était clair comme une histoire racontée de point en point.

Un meurtrier essayait de fuir ; il était là, dans l’arbre, et c’était son poids qui secouait les branches.

À l’instant où le bout de l’échelle dressée sonnait contre la rampe du balcon, les branches cessèrent de se mouvoir et le bruit d’une chute eut lieu sur le balcon même, à côté de la première croisée.

Tout de suite après, une ombre glissa derrière les carreaux.

Valentine, éperdue, s’élança dans le cabinet et saisit les deux battants de la croisée pour la fermer ; mais il était trop tard, l’ombre se dressa devant elle et fit obstacle à son effort.

— Au nom de Dieu, dit une voix suppliante, je suis innocent, ayez pitié de moi !

Valentine n’entendit pas, peut-être ; elle était folle.

Valentine ne vit rien, sinon ce que son imagination en délire lui montra : un être hideux, souillé du sang de son semblable ; un assassin.

Elle poussa un cri terrible qui fit croire aux gens du dehors qu’un second meurtre avait été commis, et marcha à reculons jusqu’à la porte du corridor, que son dos heurta violemment.

Mue par son instinct, car elle n’avait plus de pensée, elle ouvrit cette porte en criant :

— Au secours ! au secours ! il est là !

Le corridor était vivement éclairé. Mlle de Villanove se trouva en présence de tous les gens de l’hôtel, qui arrivaient précédés par le colonel Bozzo, lequel tenait un flambeau à la main.

Auprès du colonel il y avait un personnage portant l’écharpe tricolore et dont la mine froide contrastait avec l’émotion générale.

C’était le commissaire de police.

Ce fut lui qui entra le premier, au moment où les gens du jardin qui avaient grimpé au moyen de l’échelle sautaient en tumulte sur le balcon.

— Où est-il ? demanda le commissaire.

Le doigt convulsivement tendu de Valentine montra le cabinet.

Il n’était pas besoin de cela.

Dans le cabinet, il y avait déjà lutte, et au bout de quelques secondes un groupe confus, formé par l’assassin et ceux qui l’assaillaient, fut poussé dans la chambre à coucher.

C’était l’assassin lui-même qui entraînait ses adversaires.

Aussitôt qu’il eut passé le seuil, il fit un effort puissant et se dégagea de leur étreinte.

On le vit seul un instant, quoique entouré de tous côtés.

Il n’essaya point de fuir ; il croisa ses bras sur sa poitrine, éclairé qu’il était par la lueur de dix flambeaux.

— Lieutenant Maurice Pagès, dit le commissaire en faisant un pas vers lui, je vous arrête au nom de la loi.

On n’entendit pas la fin de la formule ; elle fut coupée par un cri déchirant.

Mlle de Villanove, qui avait appuyé sa tête contre le sein du colonel, venait de rouvrir les yeux et son regard s’était fixé sur le pâle jeune homme debout au milieu de la chambre.

— Maurice ! prononça-t-elle en se traînant vers lui la face livide et les yeux égarés.

Sa voix s’étranglait dans sa gorge.

La tête du jeune lieutenant, tout à l’heure si haute, s’inclina sur sa poitrine tandis qu’il murmurait :

— Fleurette !

Elle arriva jusqu’à lui et se pendit à son cou, disant :

— Tu es innocent ! oh ! tu es innocent !

— Oui, je te le jure, répondit Maurice dans un baiser : je suis innocent.

Le commissaire appela :

M. Mégaigne, M. Badoît !

Deux hommes, de ceux qui avaient escaladé le balcon, s’avancèrent, démasquant ainsi la figure de M. Lecoq, qui se replongea précipitamment dans l’ombre du cabinet.

Les bras de Valentine lâchèrent prise, elle tomba agenouillée.

— Entendez-vous, fit-elle en se tordant les mains, il est innocent ! Il l’a juré, je le jure aussi !

Les deux agents s’emparaient déjà de Maurice.

— Et c’est moi, dit Valentine dans le paroxysme de son désespoir, c’est moi qui l’ai trahi… qui l’ai livré… qui l’ai tué !

Maurice détourna la tête parce que les larmes l’aveuglaient.

Valentine voulut se relever, pour le défendre peut-être, car les agents l’entraînaient.

Elle étendit vers lui ses pauvres bras tremblants, puis elle s’affaissa sur elle-même et sa tête rebondit contre le plancher, où elle resta comme morte.