L’Art de péter/Chapitre septiéme

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Florent-Q., rue Pet-en-Gueule, au Soufflet (p. 59-65).

CHAPITRE SEPTIÉME.

Des Pets muets ou Veſſes.



VEnons à préſent aux Pets muets, vulgairement appellés Veſſes.

Ce ſont des eſpéces de Pets ſans ſon qui ſont engendrés d’une petite quantité de vents très-humides. Joſeph Scaliger dans ſon Catullus le démontre fort élégamment.

Ces ſortes de Pets ſont ſecs ou foireux. Les ſecs ſont ceux qui ſortent ſans bruit, & qui n’entrainent point avec eux de matiére épaiſſe. Les foireux au contraire, ſont compoſés d’un vent taciturne & obſcur, & emportent toujours avec eux un peu de matiére liquide. Ils ont la vélocité d’une flêche ou d’un foudre ; on en jugera aiſément par la chemiſe ou par l’odeur fétide & inſupportable qu’ils rendent ; car ſuivant la regle établie, la liquide eſt toujours certaine, & la muette fait la ſyllabe douteuſe,

témoin Jean Deſpautere qui dit : Cum mutâ liquidam jungens in ſyllabâ eâdem, ancipitem pones vocalem quæ brevis eſto.
MALHEUR
Arrivé à un Diable qui hazarda un Pet dont il ne connoiſſoit point l’eſpéce.

Je vous raconterai à ce ſujet qu’un Diable voulut un jour lâcher un Pet, mais qu’il emberna ſes Culottes en ne faiſant qu’une veſſe foireuſe ; & maudiſſant la trahiſon de ſon derrierre il s’écria avec indignation Nuſquam tuta fides ! Je ne n’y fierai plus de ma vie ! Ceux-là font donc très-bien qui craignant ces ſortes de veſſes, mettent leurs culottes bas, & levent leurs chemiſes avant de les lâcher. Je les appelle gens ſages, prudens & prévoyans.

Diagnoſtic & pronoſtic ſur les Veſſes foireuſes.

Il y a cependant un jugement à porter ſur ces Pets liquides ; c’eſt qu’ils ſont ſalutaires ; & comme ils ſortent ſans faire de bruit ils dénottent qu’il n’y a pas beaucoup de vents. L’excrément liquide qu’ils entraînent donnent auſſi ſujet de croire qu’il n’y a rien à appréhender. Ils indiquent que la matiére eſt en maturité, & qu’il fait bon de ſoulager les reins & le ventre, ſelon cet axiôme

Maturum ſtercus eſt importabile pondus.

C’eſt un lourd fardeau qu’une envie démeſurée d’aller à la ſelle : envie qu’il faut ſatisfaire au plus vîte, ſans quoi on feroit une beſogne du Diable. (voy. plus haut.)

Voilà, quant à la forme les principales diviſions expliquées par la dichotomie, & autant bien qu’il a été poſſible : ſi on n’a point obſervé cette figure dans tous ſes points, cela ne doit pas paroître étonnant, puiſqu’un Philoſophe avance en pluſieurs endroits d’un de ſes ouvrages, qu’il eſt preſqu’impoſſible de l’employer de la ſorte, & que c’eſt ſouvent même une choſe abſurde (1. de part. Animal 6. Top.)


SECTION AUXILIAIRE
OU
RÉDUCTION DES PETS
Pour ne pas tirer la matiére trop en longueur.


Quoiqu’on pourroit par rapport à la matiére des vents, ou par rapport à leur cauſe efficiente, les diviſer en vents engendrés par les Oignons, les Ails, les Raves, les Navet, les Choux, les Ragouts, les Poix, les Féves, les Lentilles, les Haricots &c. & qu’eû égard à d’autres circonſtances, on les diſtingue encore en Pets affectés & en Pets involontaires ; on peut cependant les rapporter tous aux eſpéces précédentes.