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L’Attente actuelle de l’Église/6me soirée

La bibliothèque libre.


Georges Kauffman, Libraire-éditeur & L. R. Delay, successeur de Risler (p. 98-124).

SIXIÈME SOIRÉE.

Daniel, VII, 16-23.
Les deux caractères du mal :
apostasie ecclésiastique et apostasie civile.

Jusqu’à présent, chers amis, nous n’avons parlé que du bonheur qui appartient à l’Église, et dans notre dernière soirée nous avons retracé les progrès que fera le mal sur la terre jusqu’à la fin. Ce mal présente un double caractère sur lequel je me propose de dire encore ici quelques mots, attendu que les relations qui existent entre la puissance du mal et les jugements qui l’attendent, intéressent spécialement les enfants de Dieu : quand le mal est venu à son comble, Dieu le détruit.

Les versets que j’ai lus en commençant sont l’interprétation que l’ange donne à Daniel de la vision que ce prophète a eue des bêtes ; et, comme il arrive toujours dans l’interprétation des prophéties symboliques, ils renferment plusieurs traits nouveaux. Ici, par exemple, dans l’explication donnée à Daniel, est ajouté tout ce qui arrivera aux saints ; mais enfin, ce que j’ai lu de Dan. VII, 16-28, et le chapitre entier, se rapportent à la bête qui s’exalte et s’élève contre le Dieu tout-puissant.

J’ai dit, chers amis, qu’il y a deux caractères dans le mal qui se développe sur la terre : le premier, c’est l’apostasie ecclésiastique, et le second, l’apostasie de la puissance civile elle-même.

Premièrement. Apostasie de l’Église extérieure ; elle est arrivée. De l’autre côté, la puissance civile s’élèvera contre Celui à qui appartient le gouvernement, contre Christ que Dieu établira roi sur la terre. C’est dans la quatrième bête (empire romain) que cette révolte arrivera.

Avant d’entrer directement dans notre sujet d’aujourd’hui, je désire faire quelques remarques sur Matt. XXV, sur lequel nous reviendrons quand nous parlerons des nations ; car tous les peuples de la terre qui existeront à la fin des temps, seront ou soumis à Christ, et par conséquent sauvés, ou en rébellion, et par conséquent détruits. Mais pour lever des doutes à ce sujet, il faut en dire quelques mots. On croit ordinairement que le jugement dont il s’agit dans ce chapitre est le jugement dernier, le jugement général : on se trompe. C’est le jugement des nations vivantes, sur cette terre, et non pas celui des morts ; aussi n’en ai-je pas parlé quand nous traitions de la résurrection des morts. Dans ce chap. de Matthieu, je le répète, il n’est pas du tout question de la résurrection, il s’agit du jugement des Gentils. On voit dans le XXIVe et le XXVe chap. du même Évangile ce jugement des Juifs, ce qui arrivera aux Juifs ; puis ce qui arrivera aux croyants ; puis ce qui arrivera aux Gentils. C’est le jugement des vivants, et non pas celui des morts.

Je dis que c’est le jugement des vivants. C’est ce qu’on lit : « Il rassemblera tous les Gentils (toutes les nations), et il les séparera comme un berger sépare les brebis et les boucs. » Ce qui a donné lieu de croire que c’est le jugement des morts, c’est qu’il est dit que « les méchants iront dans les peines éternelles, et les justes dans la vie éternelle. » Mais cela veut dire seulement que le jugement des vivants sera final comme celui des morts. Certainement, quand Dieu juge les vivants, son jugement envoie les uns aux peines éternelles, et les autres à la vie éternelle. Le jugement des vivants est aussi certain que celui des morts. Nous pourrons en parler en son lieu.

Dans notre dernière Soirée, j’ai parlé beaucoup plus de l’ivraie, c’est-à-dire de l’apostasie ecclésiastique, des progrès du mal, de ce qui est arrivé dans la sphère de l’Église extérieure. Maintenant nous avons à voir l’apostasie de la puissance civile extérieure, et le jugement qui la frappera de la part de Dieu ; car c’est sur la puissance civile que tomberont les coups. Si le mal ecclésiastique a quelque peu disparu sous le rapport de la puissance séculière et de sa forme extérieure, et si le mal civil s’est exalté, le mal ecclésiastique n’en reste pas moins vivace ; seulement il n’a pas la suprématie ; voilà la différence. En d’autres termes, ce n’est pas que la puissance ecclésiastique s’améliore ; pas du tout ; seulement elle ne s’exerce pas de la même manière, et son influence n’en est que plus pernicieuse. Ce n’est plus une puissance ecclésiastique, disposant du bras séculier, qui est montée sur la bête et qui la domine ; aussi a-t-elle un caractère plus mystérieux, et par conséquent plus dangereux. L’influence occulte de cette puissance continue, mais elle est privée de son éclat extérieur ; car, par leur orgueil, les hommes préparant les voies au fils de perdition, s’élèvent maintenant et se coalisent contre Dieu.

Quoique le mal ecclésiastique soit toujours le pire, cependant, comme nous venons de le dire, l’apostasie civile elle-même aura lieu et se manifestera. Vous savez que toute puissance civile est de Dieu ; or, de même que l’Église perd son caractère par sa révolte contre Dieu, ainsi le gouvernement civil se trouve en état de révolte ou d’apostasie quand, au lieu d’être soumis à Dieu, il s’élève contre Dieu qui lui avait communiqué son autorité.

L’Esprit de Dieu étant la vraie force de l’Église, la révolte de l’Église commence quand, au lieu d’être assujettie à Christ, elle n’obéit qu’à la volonté et à la puissance de l’homme, s’appuie sur l’homme et renonce à la vérité pour suivre le mensonge. Christ est le chef ; le Saint-Esprit est l’unique force par le moyen de laquelle l’Église agit, et quand l’Église n’est pas dirigée par le Saint-Esprit et n’est pas dans ce sens véritablement assujettie à Christ, la chrétienté est apostate. Eh bien ! mes chers amis, la puissance civile se trouvera, à la fin de l’économie actuelle, dans ce même état de révolte, et l’apostasie dans l’ordre civil est quelque chose de beaucoup plus extérieur et de beaucoup plus saillant. Ceci aura lieu au sein de la chrétienté, et, à ce qu’il paraît même, le mal ecclésiastique en sera la source et le principal moteur. C’est ce qui s’est toujours vu. Lorsque Absalom était en révolte contre David, il avait un conseiller, Achitophel (2 Sam. XV) ; la source première de cette rébellion était sans doute Satan, mais c’était toujours Achitophel qui dirigeait la conjuration contre le roi. Lorsque les enfants d’Israël Datan et Abiram, se révoltèrent contre Moïse, on appela cela la révolte du lévite Coré, qui les avait séduits. De même, Dieu accuse les sacrificateurs et les prophètes dans le royaume de Juda de l’iniquité du peuple, parce que c’est leurs mauvais conseils que la puissance civile a suivis. Et voilà ce qui est arrivé dans la chrétienté, c’est-à-dire que ceux qui auraient dû édifier l’Église extérieure, être la sagesse de Dieu, rappeler au gouvernement ses devoirs devant Dieu, étant eux-mêmes en révolte contre Dieu, ont celé la vérité, ont pris une forme qui a séduit le monde, et entraîné la puissance civile dans les mêmes égarements.

Il y aura une révolte de cette dernière, mais la puissance ecclésiastique en sera l’âme.

Que voyons-nous à Armageddon ? Un faux prophète qui tombe avec la bête. Depuis le commencement jusqu’à la fin, toujours il y a une bête, et avec la bête le faux-prophète ; c’est l’un ou l’autre qui dirige le mal ; mais à la fin, la bête prend le dessus, pouvant agir plus librement et plus directement ; aussi est-ce la bête qui se trouve enfin l’objet direct du jugement. C’est là ce que nous dit le VIIe chapitre de Daniel.

Dès le moment que la bête ou la puissance civile de la quatrième monarchie se mettra en révolte contre Dieu, cette monarchie se trouvera en relation avec les Juifs, et c’est ce qui nous introduira à l’histoire de ce peuple. Vous savez, chers amis, que lorsque la quatrième bête parut sur la scène de ce monde, il y avait des Juifs à Jérusalem ; vous savez que Christ a été présenté comme Roi des Juifs à la quatrième bête devant Ponce-Pilate ; qu’il a été rejeté dans ce caractère de Roi des Juifs qu’il ne perdra jamais. À la fin des temps, le même fait se reproduira : les Juifs rétablis dans leur terre, sans être convertis, se trouveront en relation avec la quatrième bête ; il y aura des saints parmi eux, et cette quatrième bête s’exaltant contre Dieu, se mettra en opposition directe aux droits de Christ comme Roi des Juifs. Elle s’élèvera, il est vrai, beaucoup plus haut qu’autrefois, c’est-à-dire contre Christ ; car elle s’arrogera les droits de Christ comme Roi des Juifs, et c’est alors que Christ venant du ciel la détruira avec l’Antechrist qui en est le chef, prendra le résidu des Juifs comme son peuple terrestre, et mettra toutes les nations sous ses pieds.

Ce que j’ai dit vous fait comprendre qu’il y a beaucoup de choses qui s’appliquent aux saints, c’est-à-dire au résidu fidèle d’entre les Juifs, et non pas à l’Église. Par exemple, nous savons que pendant que l’apostasie ecclésiastique a régné, il y a eu bien des persécutions contre les fidèles ; mais dans les derniers temps, quand il sera question de la persécution des saints, elle s’exercera contre le résidu des Juifs, « dont le sang sera répandu comme de l’eau. »

Si l’on prend l’histoire de la bête d’une manière très-générale, même dès l’époque de Tibère-Auguste et des autres empereurs ; si l’on prend la bête même non sous son caractère païen, mais comme étant sous l’influence du christianisme corrompu dans le moyen-âge, on voit qu’il y a eu, à cette époque aussi, des persécutions contre les saints, et l’on peut dire qu’alors aussi « les saints ont été mis à mort. » Mais quand on vient au moment où la puissance civile lèvera ouvertement l’étendard de la révolte, au moment où ces faits prophétiques se réaliseront pleinement, c’est sur les Juifs que tomberont les persécutions. Dès qu’il s’agit des droits de Christ comme Roi des Juifs, ce sont les Juifs qui apparaissent sur la scène, parce que les Juifs sont le peuple terrestre de Dieu. Mais s’agit-il de l’Église ? elle sera entièrement hors de la scène lors de ces dernières persécutions.

Avant que nous citions les chapitres de l’Écriture qui traitent du Méchant, c’est-à-dire de la puissance civile apostate substituée à la puissance ecclésiastique apostate, insistons encore sur ce principe, c’est qu’il n’est point vrai que la révolte de la puissance ecclésiastique soit moins fâcheuse parce qu’elle n’a pas la suprématie. Comme nous l’avons déjà remarqué, c’est cette puissance, au contraire, qui est le conseiller secret de tout le mal. Le seul changement qu’il y ait, c’est que la puissance ecclésiastique cesse d’avoir, extérieurement, la prépondérance ; et c’est ce qui a induit en erreur. Parce qu’on ne l’a regardée que des yeux de la chair, et qu’on a vu qu’elle ne pouvait pas déposer des rois, on a cru que toute cette puissance ecclésiastique avait absolument disparu. On n’a pas fait attention à ce que les enfants de Dieu doivent voir dans la Parole de Dieu, c’est à-dire que son existence morale survivrait à la destruction de son influence politique et que c’était précisément elle qui conduirait la puissance proprement dite politique à la révolte contre Dieu, et enfin à sa destruction. Je ne veux pas dire que ce ne soit pas la volonté de l’homme qui, de sa propre force, conduit la bête à sa perte, je le crois moi-même ; mais en attendant, c’est l’apostasie ecclésiastique qui s’est arrogé la puissance de Dieu, ou qui a fermé la porte à la manifestation de la volonté de Dieu, et entraîné par ses machinations les habitants de la terre à reconnaître et adorer la bête.

J’en viens aux passages qui se rapportent à ce que nous venons de dire.

D’abord, la fin du chap. VII de Daniel, où est la quatrième bête ; ensuite, Apoc. XVI, et spécialement XVII, où se trouvent deux choses tout à fait différentes, la grande prostituée, ou Babylone, et la bête. Dans le XVII, c’est la femme vêtue de pourpre (puissance dont l’élément principal est ecclésiastique), elle était montée sur la bête (puissance civile). Après cela « les dix cornes sont ceux qui haïront la prostituée (puissance ecclésiastique), qui la désoleront, la dépouilleront, mangeront sa chair et la brûleront au feu ; car Dieu a mis dans leur cœur de donner leur royaume à la bête. »

Examinons maintenant les passages qui concernent les sources du mal, et plus particulièrement de celui de cette puissance qui est en révolte contre Dieu, de la quatrième monarchie, et la forme que doit revêtir la révolte.

Le ch. XII de l’Apoc. montre la source de cette puissance : le grand dragon. Nous y sommes comme admis dans les coulisses de la scène, et nous voyons aussi la puissance de Satan désirant détruire Celui qui doit gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer, Christ ; et, en Christ et avec Christ, l’Église. C’est proprement la puissance de Satan, le grand combat. La Parole de Dieu met en contraste le Père et le monde, la chair et l’Esprit, Satan et le Fils de Dieu ; ici c’est le grand dragon ou Satan qui veut dévorer Celui qui doit gouverner les nations avec un sceptre de fer ; mais c’est dans le ciel que nous le voyons. Ensuite, vers. 9, il en est chassé, événement qui n’est pas encore réalisé.

Ici naît pour quelques esprits une difficulté. Parce que Satan est chassé de la conscience, ce qui est vrai, on s’imagine qu’il est chassé du ciel. Il est parfaitement vrai que Satan n’a pas de pouvoir sur notre conscience, si nous avons compris la valeur du sang de Christ ; mais c’est aussi pour cela que Christ intercède dans le ciel, où Satan accuse les enfants de Dieu. Nous voyons, Éph. VI, 12, que les malices spirituelles sont dans les lieux célestes, par conséquent il y aura une bataille dans le ciel, bataille qui sera l’effet non d’un acte d’intercession ou de sacrificature, mais de puissance ; qui se livrera peut-être par le moyen des anges, mais qui sera toujours une œuvre de puissance. En même temps, bien que Satan doive être précipité du ciel, il le sera sur la terre ; mais il ne sera pas encore lié dans l’abîme, et les fruits de sa malice ne seront pas encore à leur terme ; aussi « descendra-t-il en grande fureur, sachant qu’il a peu de temps. »

Satan précipité du ciel sur la terre, y agira sous la forme de l’empire romain. Vous verrez dans Apoc. XIII ce qui apparaîtra sur la scène quant aux moyens providentiels, pour qu’il accomplisse sa puissance sur la terre. « Je vis monter de la mer une bête qui avait sept têtes et dix cornes.[1] » Voilà les instruments terrestres. Cette bête réunira les caractères des trois autres bêtes.

Nous voyons ici la puissance du dragon s’établir dans l’empire romain, dans la bête à sept têtes et dix cornes.

« Je vis l’une de ces têtes comme blessée à mort, » c’est-à-dire une des formes gouvernementales de l’empire romain ruinée. Mais enfin la plaie mortelle est guérie, et la forme détruite, rétablie. De plus, si nous comparons les caractères et les actes de la petite corne de la même bête de Daniel, nous verrons que la petite corne, c’est-à-dire cette petite corne de Daniel « qui proférait de grandes choses et qui détruisait trois des dix cornes, » nous verrons qu’elle devient la bête même ; c’est-à-dire que la bête se trouvera sous la puissance de cette petite corne ; comme nous pouvons dire, par exemple, que Napoléon était l’empire français, parce qu’il représentait toute la force de l’empire. Cette bête sera la puissance civile, l’empire romain apostat, ou en révolte ouverte contre Dieu.

Mais il y a aussi une autre bête (qui n’est pas l’empire romain), qui exerçait la puissance de la première devant elle.

Versets 11-14 : « Puis je vis … et elle séduisit les habitants de la terre. » Voici quelque chose qui a les formes du christianisme ; mais, entendu par l’oreille intelligente de l’Apôtre, c’est Satan.

C’est donc la seconde bête qui séduira les habitants de la terre, et qui fera qu’ils suivront la première, c’est-à-dire la puissance civile, l’empire romain.

« Et la bête avait reçu un coup mortel. » C’est ce qui est arrivé à la forme impériale de l’empire romain ; mais la plaie doit être entièrement guérie. Nous voyons ici que la bête perd son caractère impérial pendant un temps, et que sa plaie est ensuite guérie, et c’est quand elle est ainsi rétablie que dans toute la terre étonnée on va après elle.

On reverra donc encore sur la terre la bête impériale, et dans toute la terre on sera dans l’admiration. Mais nous avons aussi vu que la seconde bête, par les grands prodiges qu’elle fait, séduit les habitants de la terre. Eh bien ! cette seconde bête paraîtra à la fin sous le caractère, non d’une bête, mais d’un faux prophète, c’est-à-dire que toute sa puissance séculière sera perdue ; ce ne sera plus une bête ravissante et dévorante ; ce caractère sera entièrement effacé, et l’on verra le faux prophète[2], que l’on reconnaîtra pour l’ancienne seconde bête, à une parfaite ressemblance de caractère, lequel est même celle du personnage qui a fait les choses que la seconde bête a faites, mais qui paraît sous cette nouvelle forme. Comparez Apoc. XIII, 14 avec XIX, 20.

Nous savons qui a exercé toute la puissance en présence de la puissance civile ; il y en a une qui fera des prodiges de toute espèce, et qui séduira les habitants de la terre.

Nous verrons plus tard la suite de tout cela.

Pour résumer ce que nous avons dit, le XIIe chapitre nous présente le dragon dans le ciel comme l’origine, la cause première de toute cette révolte ; le XIIIe nous montre comme agent providentiel visible l’empire romain sous la forme impériale ; cette bête est blessée à mort, mais sa plaie mortelle est guérie, aussi y a-t-il en sa présence une autre puissance qui séduit les habitants de la terre, et c’est quand la plaie de la première bête est guérie que tout le monde est dans l’admiration et va après elle. Ajoutez ici la circonstance du XIXe chap., c’est que la seconde bête cesse d’en être une, et apparaît à la fin comme faux prophète.

Dans le chap. XVII il y a une description de cette bête, qui nous fournit d’autres particularités qui la concernent. Vers. 7 et 8 : « Et l’ange me dit : Pourquoi t’étonner ? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, et qui a sept têtes et dix cornes. La bête que tu as vue était, et n’est plus ; elle s’élèvera de l’abîme, et sera précipitée dans la perdition ; et les habitants de la terre, dont les noms ne sont pas écrits au livre de vie dès la formation du monde, seront dans l’étonnement lorsqu’ils verront la bête qui était, et qui n’est plus, et qui toutefois est. »

« Elle monte de l’abîme, » c’est-à-dire devient positivement la puissance de Satan à la fin ; et c’est précisément ce qui arrivera quand Satan étant chassé du ciel, événement qui aura lieu à l’occasion de l’élévation de l’Église dans le ciel, sera en grande fureur sur la terre. Et, sous son influence, « la bête (l’empire romain) qui a été, et n’est plus, et qui toutefois est, » reprend sa force et sa forme, c’est-à-dire que la puissance civile, au lieu d’être soumise à Dieu, prend entièrement le caractère de Satan, et se signale après lui et à son instigation par une révolte ouverte contre la puissance de Dieu.

Pour chercher toutes les marques aux quelles on peut reconnaître cette dernière puissance de la bête, il faut attendre que la tête impériale de l’empire romain (l’Antechrist, ou fils de perdition, 8e roi) fasse son apparition dans le monde, et c’est ce qui doit arriver pour sa ruine.

Quand l’empire romain existait autre fois sous sa forme païenne, il n’y avait pas dix rois ; mais quand cette bête existera (souvenons-nous toujours que c’est l’empire romain), dix rois donneront leur puissance à la bête ; ce ne sont pas dix rois qui la remplacent. De plus, c’est après avoir été détruite qu’elle existera de nouveau, c’est-à-dire que ce n’est pas la bête païenne, ce n’est pas l’histoire du moyen âge, où certains rois barbares (si même on en peut trouver dix) ont remplacé l’empire. « Mais qui toutefois est. » C’est-à-dire que la plaie mortelle sera guérie, et que la bête impériale reparaîtra.

« Les dix rois donnent leur puissance à la bête, » c’est-à-dire qu’il y aura un chef impérial, ou empereur, et dix rois qui lui donneront leur puissance ; les royaumes continueront d’exister, mais ce sera une confédération des royaumes, comme nous avons vu sous Napoléon les royaumes d’Espagne, de Hollande, de Vestphalie, etc. Ce n’est que pour m’expliquer que j’y fais allusion.

Il y a eu la bête, il y a eu peut-être dix rois, mais jamais dix rois donnant leur puissance à la bête qui n’était pas, et qui existait de nouveau.

« Les sept têtes sont sept montagnes. » C’est toujours l’empire romain. « Ce sont aussi sept rois ; cinq sont tombés ; l’un est, » savoir, la tête impériale qui existait du temps de saint Jean ; « l’autre n’est pas encore venu, et quand il sera venu, il faut qu’il demeure peu de temps ; et la bête qui était et qui n’est plus, c’est aussi un huitième roi, » (parce que les sept sont passés) ; « et elle est des sept, et s’en va en perdition, » c’est-à-dire qu’il y aura une huitième tête, une tête particulière, qui réunira toute la puissance de la bête, qui sera la bête même, et qui, tout en étant une tête à part, est une des sept. C’est la tête impériale, mais sous une forme nouvelle ; car il y a dix rois qui donneront leur puissance à cette huitième bête, et c’est dans cette forme qu’elle ira à sa ruine. C’est justement ici que l’avénement de Christ et de l’Église se lie avec le sujet que nous traitons (Apoc. XIX, et 2 Thess. II).

Je dois encore vous citer Dan. XI, 36-45 : « Le roi fera selon sa volonté… » Compar. avec 2 Thess. II, 3, 4 et suiv. Nous voyons dans Dan. XI, que ce n’est pas du tout une puissance ecclésiastique ; ce sont des guerres entre puissances civiles ; c’est l’histoire de l’Antechrist, du roi qui fera selon sa volonté, comme nous avons vu la petite corne faire également sa volonté, et qui enfin, après divers incidents, va à Jérusalem et y trouve sa fin. C’est un roi comme un autre, un roi de la terre. Il n’est pas question de la forme du christianisme, elle avait précédé l’apparition du méchant dans les Thessaloniciens ; encore une fois, il n’est pas question des choses ecclésiastiques ; c’est un roi de cette terre qui vient à sa fin.

Une remarque sur 2 Thess. II, pour notre consolation au milieu de ce triste concours d’évènements. « Or, mes frères, dit l’Apôtre, nous vous prions, par la venue de notre Seigneur Jésus-Christ et par notre réunion à lui, que vous ne soyez pas troublés… » Ceux qui aiment la vérité échapperont entièrement à cette efficace de mensonge, à laquelle, au contraire, seront livrés par le jugement de Dieu, ceux qui n’ont pas reçu l’amour de la vérité, et qui ont pris plaisir à l’iniquité. Voilà le mal qui vient, et il importe que le monde en soit averti, parce que quelques-uns peuvent en être salutairement effrayés, et conduits à penser à la vérité de Dieu. Et pourquoi cela est-il annoncé aux enfants de Dieu ? C’est afin qu’ils en retirent la plus grande consolation et qu’ils soient détachés de tout ce qui entraîne à cette fin même. Je dis que nous ne nous trouverons pas compris dans cette catastrophe, mais que par la manifestation des jugements qui auront lieu à ce dénouement terrible, nous sommes conduits à nous détacher dès maintenant des causes qui l’attirent par leur nature et par la justice de Dieu.

L’Apôtre, dans l’Église des Thessaloniciens, avait beaucoup parlé de ces choses, et leur avait enseigné à attendre la venue du Sauveur. Or, qu’est-ce que Satan avait fait ? Il avait tâché d’épouvanter les fidèles, en leur disant que le jour du Seigneur était là. Non, dit l’Apôtre, je vous conjure par la présence du Seigneur et par notre réunion avec lui, qui doit précéder ce jour-là, je vous conjure de ne pas vous laisser troubler comme si nous y étions déjà. Ce jour viendra sur le méchant et non pas sur vous, puisque vous serez déjà montés vers lui et que vous l’accompagnerez personnellement dans ce grand jour où il reviendra.

Le jour est là, disaient les séducteurs, c’est-à-dire : le jour est arrivé. Non, ce jour ne viendra pas que vous, fidèles, n’ayez été d’abord enlevés dans les airs, et que le Méchant n’ait été révélé.

Ces consolations sont confirmées dans le second passage cité : « Cet homme qui viendra en toute séduction à l’égard de ceux qui périront, parce qu’ils n’ont pas reçu l’amour de la vérité. »

J’ajouterai seulement sur ce chapitre que c’est la description du caractère moral, de l’iniquité du méchant sans frein et de l’efficace de Satan. Dans le XI de Daniel nous avons le tableau du caractère extérieur.

Ce soir, chers amis, j’ai cherché à vous exposer quelque chose qui est probablement un peu en dehors de votre manière de considérer ces sujets ; j’ai tâché de faire ressortir la distinction et l’union à la fois de la puissance civile et de la puissance ecclésiastique, ainsi que la distinction et l’union à la fois de la révolte ecclésiastique et de la révolte civile. Les deux choses sont étroitement liées, puisque nous voyons que la seconde bête exerce toute la puissance de la première bête devant elle, et que le faux prophète, qui est cette seconde bête, se trouve jeté dans l’étang ardent avec la première.

Nous remarquons aussi que ce fait se lie avec celui de la présence des Juifs à Jérusalem, où la bête trouvera sa fin, événement qui terminera la présente économie, en manifestant la puissance de Christ sur la terre, et qui nous amènera à voir l’union de Christ avec le résidu des Juifs, et, à la suite de cela, toutes les nations sous son sceptre.

Nous n’avons parlé que de la quatrième bête.

Il y a deux choses que nous voyons dans l’histoire d’Israël : premièrement, les nations qui se trouvaient liguées contre Israël, quand ce peuple était reconnu de Dieu, et secondement, les nations qui l’emmenaient en captivité. Jusqu’ici, ce n’est que des temps des Gentils que nous avons parlé, de cette période pendant laquelle le royaume s’est trouvé transféré des Juifs aux Gentils, c’est-à-dire aux quatre bêtes, période dite des Gentils. Daniel parle seulement de ces quatre bêtes, Ézéchiel parle des nations avant les quatre bêtes et après, mais jamais des temps des Gentils mêmes. C’est pendant la période qui embrasse l’histoire de ces quatre bêtes, que se trouve la chrétienté et qu’a lieu la révolte morale ; mais nous avons vu que la puissance ecclésiastique qui a servi d’instrument pour amener un tel résultat, en se mettant à la la place de Dieu, ôtant la foi et en même temps dégoûtant la raison, ayant mis de côté la religion naturelle, en prétextant les droits de la révélation ; pour corrompre et perdre cette révélation même, de sorte que les hommes n’eussent point d’autre objet qu’eux-mêmes. Cette puissance, dis-je, ayant joué un tel rôle dans le drame d’iniquité perpétré par l’ennemi de nos âmes et de notre Seigneur, succombera elle-même à la malice et à la violence de la volonté humaine qu’elle a émancipée ; et, aussi incapable, par ses prétentions à la religion, de servir ouvertement Satan qu’elle le sera de servir Dieu avec sincérité ; incapable, en un mot, de vérité, elle deviendra le lâche conseiller d’une iniquité dont elle ne peut pas se constituer l’acteur. Elle provoquera des crimes qu’elle n’ose pas consommer. C’est la puissance civile qui en deviendra le chef et l’exécuteur. Chers amis, quand la conscience naturelle est plus droite que ce qui présente la religion, c’en est fait de l’Église, elle est près de sa chute, et le chandelier sera ôté là où elle aura été l’instrument de plus d’iniquité que le monde n’en saurait imaginer ; car, comme il a été dit : La corruption de ce qu’il y a de plus excellent est la pire des corruptions. Quant à l’Antechrist proprement dit, il niera que Jésus est le Christ, il reniera le Père et le Fils (1 Jean, II, 22) ; il ne confessera pas Jésus-Christ venu en chair (2 Jean, VII), il reniera tout, le Père et le Fils, Jésus le Messie, Jésus venu comme vrai homme. Voilà son caractère, ses actes, sa forme, la source de sa puissance. Voilà qui lui conférera le trône. Nous l’avons déjà vu, ce sera une espèce d’imitation satanique de ce que Dieu a fait : le Père a donné le trône au Fils, et l’Esprit agit selon la puissance du Fils dans l’Église devant lui ; de même le dragon (Satan) donnera son trône à la bête et une grande autorité, et la seconde bête (puissance ecclésiastique, ou faux prophète) exercera toute la puissance de cette dernière (puissance civile) devant elle.

Le jugement décidera, chers amis, dans un tel état de choses. Que Dieu nous rende attentifs au vrai caractère et à la fin de l’orgueil de l’homme. La force de sa volonté peut employer et mettre en usage tous les moyens que Dieu lui a départis, et ils sont grands ; et les résultats, aussi longtemps que Dieu le laisse agir dans sa patience, seront grands aussi ; mais c’est l’homme qui en sera le centre ; le sentiment de sa responsabilité envers Dieu n’y entre pour rien ; Dieu est en réalité déshonoré et dégradé ; le but le plus haut, le plus digne de l’homme, Dieu lui-même, manque à tout cela. Au reste, chers amis, c’est le même principe et la même source de péché depuis le commencement jusqu’à la fin. L’homme agissant par sa propre volonté pour satisfaire ses convoitises, avide de connaissances pour lui-même, s’exaltant jusqu’à Dieu, désobéissant et par conséquent agissant sous l’influence et par l’énergie de Satan, tel est le caractère de l’Antechrist, telle est l’histoire d’Adam dans sa première chute, son premier péché. C’est le commencement et la consommation du même mal, dont l’évidence et le contraste ont paru dans la mort de notre bien-aimé et parfait Sauveur, qui en a pour nous fait l’expiation. Que son nom de grâce et de gloire soit éternellement béni, et qu’il grave ces choses dans vos cœurs ! Il préservera son Église assurément de tous ces malheurs qui menacent le monde, car son Église est unie à lui.

Séparateur

  1. Il est à remarquer que le dragon a ses couronnes sur ses têtes ; la bête du XIIIe chap. les a sur les cornes. Il n’en est pas question sur la bête dans sa toute dernière forme.
  2. Le faux prophète n’est pas Mahomet, c’est la seconde bête qui a exercé toute la puissance de la première bête devant elle. Or Mahomet ne l’a pas exercée.