L’Auge

La bibliothèque libre.
Chants révolutionnairesAu bureau du Comité Pottier (p. 78-79).


L’AUGE



À J.-B. Clément, membre de la Commune.


L’ordre bourgeois, c’est l’auge immense
Où de gros porcs sont engraissés.
Tous les fumiers de l’opulence
Sous leurs groins sont entassés.
Ils se gavent du populaire,
Ces déterreurs de capitaux.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !

Ils ont tout pris : les champs, la ville,
L’État, la Banque et le Trésor,
Des faux savants la clique vile
Érige un culte au cochon d’or.
Un vin pressuré du salaire,
Les saoule au fond de leurs châteaux…
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !

Affamé, squelette qui navre,
Vois-les digérer, triomphants,
La chair qui manque à ton cadavre,
La cervelle de tes enfants.

Quand leur règne affreux se tolère,
Les peuples y laissent leurs os.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !

Dans leur ordure ensoleillée,
Conciliant l’industrie et l’art,
La haute classe entripaillée
Fait des lois et se fait du lard.
Tout se faisande pour leur plaire,
Il leur faut larbins et châteaux.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !

Abrutis par les folles sommes
Qu’ils volent aux crève-de-faim,
Ces pourceaux ne seront des hommes
Que quand ils gagneront leur pain.
Bientôt leur auge séculaire
Va s’effondrer sous nos marteaux.
Ce n’est pas avec de l’eau claire
Qu’on engraisse les aristos !