L’Avenir (Angers)

La bibliothèque libre.
Le répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, Texte établi par Huston, James (1820-1852)De l'Imprimerie de Lovell et GibsonI (p. 348-350).
1836.

L’AVENIR.


Canada, terre d’espérance,
Un jour songe à t’émanciper ;
Prépare-toi dès ton enfance,
Au rang que tu dois occuper ;
Grandi sous l’aile maternelle,
Un peuple cesse d’être enfant :
Il rompt le joug de sa tutelle,
Puis il se fait indépendant.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Rougi du sang de tant de braves,
Ce sol, jadis peuplé de preux,
Serait-il fait pour des esclaves,
Des lâches ou des malheureux ?
Nos pères, vaincus avec gloire,
N’ont point cédé leur liberté :
Montcalm a vendu la victoire,
Son ombre dicta le traité.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.


Vieux enfants de la Normandie,
Et vous, jeune fils d’Albion,
Réunissez votre énergie,
Et formez une nation :
Un jour notre mère commune
S’applaudira de nos progrès,
Et guide, au char de la fortune,
Sera le garant du succès.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Si quelque ligue osait suspendre
Du sort le décret éternel !
Jeunes guerriers, sachez défendre
Vos femmes, vos champs et l’autel.
Que l’arme au bras chacun s’écrie :
« Mort à vous, lâches renégats ;
Vous immolez votre patrie :
Vos crimes nous ont fait soldats. »
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Sur cette terre encor sauvage
Les vieux titres sont inconnus :
La noblesse est dans le courage,
Dans les talents, dans les vertus.
Le service de la patrie
Peut seul ennoblir des héros ;
Plus de noblesse abâtardie,
Repue aux greniers des vassaux.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.

Mais je vois des mains inhumaines
Agiter un sceptre odieux !
De fureur bouillonne en nos veines,
Ce noble sang de nos aïeux ;

Dans ces forêts, sur ces montagnes
Le batailon s'apprête, et sort :
La faulx qui rasait nos campagnes
Soudain se change en faulx de mort.
Ô terre américaine,
Sois l’égale des rois :
Tout te fait souveraine,
La nature et tes lois.


F. R. Anger.[1]
  1. s2###

LE VINGT-UN MAI. QUATRIÈME ANNIVERSAIRE. Quel est ce chant funèbre et ce drap mortuaire Etalant à nos yeux des marques de douleur ? Le peuple, le regard fixé sur une bière, Fait lire sur son front la vengeance et l’horreur ! Le sourd gémissement d’une ombre qui voltige Sur les rives du Styx vient nous glacer d’effroi, Et de l’Etre Divin cette ombre qui s’afflige Contre les vils tyrans semble implorer la loi. Silence... O dieux vengeurs ! c’est la voix des victimes Qui du fond du cercueil fait entendre ces mots : " C’est d’ici que je veille au châtiment des crimes. "Frappez, concitoyens, immolez nos bourreaux !" Ils sont là, sous ces mausolées ! Fléchissez le genou, ils étaient Canadiens ; Et leur âme en repos, dans les champs élysées, Nous promet la faveur des célestes destins. A toi Chauvin, salut ! accepte cet hommage, Que j’offre à ta mémoire au nom de mon pays : Mort pour la liberté, tu vivras d’âge en âge, Et ton sang coule encor sur des fronts ennemis. (’ )

  1. M. Anger est avocat au barreau de Québec. Ce monsieur est l’auteur d’un Traité de Sténographie, et d’un pamphlet historique portant le titre de Révélations du Crime.