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L’Enclos du Rêve/01/Impression d’Automne

La bibliothèque libre.
Alphonse Lemerre (p. 5-7).


IMPRESSION D’AUTOMNE

Dans le jour qui tombe incertain,
Des yeux clignotants du matin,
L’étang semble un miroir d’étain
Sans transparence ;
Et les feuilles tourbillonnant,
Virent, tombent en frissonnant,
L’une après l’une ou s’emmêlant
Pendant la danse.

Comme de tout petits oiseaux,
Elles roulent par les roseaux,
Ou tissent de fauves réseaux
Autour de l’onde ;
Mais instables au moindre vent,
Vite, vite en se poursuivant,
Elles s’élancent en avant
Et font la ronde.


Les jours d’été sont décédés,
Et dans les rameaux dénudés,
Plus de nids tout enguirlandés
Aux vertes frises ;
L’archet faussé des aquilons,
Promène sur ses violons
Les râles et les sanglots longs
Des âpres bises.

C’est l’automne et ses arcs-en-ciel,
Qui mêle au lapis de ses ciels
Les grisailles des vieux pastels
Et les pourpres incarnadines ;
Transi, rouillé par les autans,
Il rit et pleure en même temps,
Puis se fait quelquefois printemps
Pour avoir des grâces divines.

Il effeuille le bois jauni,
Il tait la musique du nid.
Mais quel grand faiseur d’infini
En ses apothéoses brèves,
Quand il jette tous ses trésors,
Ses rubis, ses perles, ses ors,
Et fait d’hallucinants décors
Dans de grands horizons de rêves.


Feuilles qui tournoyez, miroirs
Des lacs ternis, fleurs, encensoirs,
Qui versiez vos parfums les soirs,
Choses d’antan, dont le glas sonne
Les beaux jours partis en exil.
Ah ! ne regrettez pas l’Avril,
Car votre charme est plus subtil
Dans l’adieu triste de l’Automne !