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L’Enclos du Rêve/06/Le bon Rêve

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Alphonse Lemerre (p. 94-96).

LE BON RÊVE

Οui, les rêves un jour, oui, les rêves une heure
Peuvent masquer l’effroi des douleurs d’ici-bas ;
Mais les rêves les plus divins ne durent pas,
Et quand ils ont passé, c’est affreux et l’on pleure.
Peuvent masquer l’effroi des douleurs d’ici-bas ;
Puis contre des destins cruels comme la mort
Que nous sont la douceur et l’idéal des roses ?
Au fond des jours il est de si navrantes choses
Que rien ne les éteint, que rien ne les endort.

Et quand on croit pouvoir, pour oublier sa peine,
Délaissant son tourment, s’envoler vers le Beau,
C’est qu’on n’a pas goûté le désir du tombeau
Un soir pour y cacher toute l’angoisse humaine.


Le rêve est décevant pour le cœur tourmenté,
Mais il est une voix douce à notre misère ;
Elle descend des cieux, son nom est la prière.
Elle est grave, elle est pure et parle de bonté ;

Elle est la rive calme et de bonheur enclose,
Où les ports s’ouvrent à l’épave du pécheur ;
Elle est l’arbre puissant, plein d’aube et de fraîcheur,
Où l’âme défaillante un instant se repose

De la terre d’exil où Dieu nous appela ;
À la terre d’amour son lien nous rattache ;
Elle est le rêve aussi, mais le rêve sans tache,
Dont l’ombre est sur la vie et l’extase au delà.