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L’Enclos du Rêve/07/Chanson d’Été

La bibliothèque libre.
Alphonse Lemerre (p. 117-119).

CHANSON D’ÉTÉ

I

Viens, nous nous en irons dans les bois pleins de mûres,
Nous rougirons nos doigts à chaque haie en fleurs,
En écoutant le chant des loriots siffleurs
Et les rumeurs du silence dans les ramures.

Viens, nous nous aimerons, puisque aimer est le lot
De tous les cœurs en qui la jeunesse fermente ;
Mais nous nous aimerons de tendresse clémente
D’où nous saurons bannir la peine et le sanglot ;

Les chapitres d’amour ont de semblables thèmes.
Lors, nous esquisserons de vieux gestes humains,
Je baiserai tes yeux, puis je prendrai tes mains,
Et nous répéterons des mots, toujours les mêmes.


Et ce sera brûlant et doux, comme les vins
Précieux que l’on sert en des buires ouvrées,
Et des heures d’amour les aiguilles dorées
S’arrêteront pour nous sur ces instants divins.


II

Je voudrais, sur des flots de turquoise pâlie,
Que nous allions au gré des vents aventureux,
En quête d’une rive où nous serions heureux,
Sans la griffe, à nos cœurs, de la mélancolie.

Je voudrais un paysage plein de soleil,
Un ciel très haut avec une lumière blonde,
Des prismes irisant les facettes de l’onde
Et des bandes d’oiseaux fuyant dans l’air vermeil.

Et que nous soyons seuls et ne voir dans l’espace
Que les ors des rayons, les reflets des couleurs,
Les ailes des oiseaux, comme de grandes fleurs
Qui s’ouvriraient au loin sur la brise qui passe.

Et, je le sais, qu’après sonnerait le retour,
Que nous serions bientôt remêlés à la vie ;
Mais nous aurions du moins satisfait notre envie
De boire aux deux flacons du rêve et de l’amour.