L’Encyclopédie/1re édition/ABSINTHE
ABSINTHE, s. f. herbe qui porte une fleur à fleurons. Cette fleur est petite, & composée de fleurons découpés, portés chacun sur un embrion de graine, & renfermés dans un calice écailleux : lorsque la fleur est passée, chaque embrion devient une semence qui n’a point d’aigrette. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)
Absinthe ou Aluyne. Il y a quatre sortes d’absinthe : la romaine ou grande, la petite appellée pontique, l’absinthe ou l’aluyne de mer, & celle des Alpes appellée génepi.
Cette plante se met en bordure à deux ou trois piés de distance, & se peut tondre. Elle donne de la graine difficile à vanner ; c’est pourquoi on la renouvelle tous les deux ans en sevrant les vieux piés. (K)
* La grande absinthe a donné dans l’analyse chimique, n’étant pas encore fleurie, du phlegme liquide, de l’odeur & du goût de la plante, sans aucune marque d’acide ni d’alkali : il étoit mêlé avec l’huile essentielle, ensuite une liqueur limpide, odorante, qui a donné des marques d’un acide foible & d’un alkali très-fort : enfin une liqueur purement alkaline & mêlée de sel volatil, de sel volatil urineux concret, & de l’huile, soit subtile, soit grossiere.
La masse noire restée dans la cornue calcinée au feu de reverbere, on a tiré de ses cendres par la lixiviation du sel fixe purement alkali.
Les feuilles & les sommités chargées de fleurs & de graines, ont donné un phlegme limpide de l’odeur & du goût de la plante, avec des marques d’un peu d’acidité d’abord, puis d’un acide violent, enfin d’un acide & d’un alkali urineux avec beaucoup d’huile essentielle ; une liqueur roussâtre empireumateuse, alkaline, & pleine de sel urineux ; du sel volatil concret ; de l’huile, soit essentielle & subtile, soit puante & grossiere.
De la masse noire restée dans la cornue & calcinée au feu de reverbere, on a tiré des cendres qui ont donné par la lixiviation du sel fixe purement alkali. La comparaison des élémens obtenus & de leur quantité, a démontré que les feuilles ont plus de parties subtiles & volatiles que les fleurs & les graines ; qu’elles ont beaucoup moins de sel acide & d’huile que les sommités ; d’où il s’ensuit que les feuilles contiennent un sel ammoniacal & beaucoup d’huile subtile, & que l’on rencontre dans les sommités un sel tartareux uni avec un sel ammoniacal : mais il est vraissemblable que son efficacité dépend principalement de son huile essentielle, amere & aromatique ; & que quoiqu’elle paroisse la même dans les feuilles & les sommités, cependant elle est plus subtile, plus développée & plus volatile dans les feuilles à cause de son union intime avec les sels volatils.
On l’ordonne dans la jaunisse, la cachexie & les pâles couleurs : elle tue les vers, raffermit l’estomac ; mais elle est ennemie des nerfs comme la plûpart des amers. On en tire plusieurs compositions médicinales. Voyez celles qui suivent.
Absinthe (vin d’) Prenez des sommités de deux absinthes fleuries & récentes, mondées, hachées ou rompues, de chacune quatre livres ; de la canelle concassée trois gros ; mettez le tout dans un baril de cent pintes ; remplissez le baril de moust récemment exprimé de raisins blancs : placez le baril à la cave, laissez fermenter le vin ; & la fermentation finie, remplissez le tonneau de vin blanc, bouchez-le, & gardez le vin pour votre usage.
Vin d’absinthe qui peut se préparer en tout tems. Prenez feuilles de deux absinthes séchées, de chacune six gros ; versez dessus vin blanc quatre livres ; faites-les macérer à froid dans un matras pendant vingt-quatre heures ; passez la liqueur avec expression, & filtrez ; vous aurez le vin d’absinthe que vous garderez pour votre usage. (N)