L’Encyclopédie/1re édition/ACOEMETES

La bibliothèque libre.
Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 109).
◄  ACOCATS
ACOLALAN  ►

ACŒMETES, du Latin acœmetæ ou acœmeti, pour insomnii, s. m. pl. (Théolog.) nom de certains Religieux fort célebres dans les 1rs siecles de l’Eglise, sur-tout dans l’Orient ; appellés ainsi, non qu’ils eussent les yeux toûjours ouverts sans dormir un seul moment, comme quelques Auteurs l’ont écrit, mais parce qu’ils observoient dans leurs Eglises une psalmodie perpétuelle, sans l’interrompre ni jour ni nuit. Ce mot est Grec, ἀκοίμητος, composé d’ά privatif, & κοιμάω, dormir.

Les Acœmetes étoient partagés en trois bandes, dont chacune psalmodioit à son tour, & relevoit les autres ; de sorte que cet exercice duroit sans interruption pendant toutes les heures du jour & de la nuit. Suivant ce partage, chaque Acœmete consacroit religieusement tous les jours huit heures entieres au chant des Pseaumes, à quoi ils joignoient la vie la plus exemplaire & la plus édifiante : aussi ont-ils illustré l’Eglise Orientale par un grand nombre de Saints, d’Evêques, & de Patriarches.

Nicéphore donne pour fondateur aux Acœmetes un nommé Marcellus, que quelques Ecrivains modernes appellent Marcellus d’Apamée : mais Bollandus nous apprend que ce fut Alexandre, Moine de Syrie, antérieur de plusieurs années à Marcellus. Suivant Bollandus, celui-là mourut vers l’an 430. Il fut remplacé dans le gouvernement des Acœmetes par Jean Calybe, & celui-ci par Marcellus.

On lit dans Saint Grégoire de Tours, & plusieurs autres Ecrivains, que Sigismond, Roi de Bourgogne, inconsolable d’avoir, à l’instigation d’une méchante Princesse qu’il avoit épousée en secondes nôces, & qui étoit fille de Théodoric, Roi d’Italie, fait périr Géseric son fils, Prince qu’il avoit eu de sa premiere femme, se retira dans le Monastere de S. Maurice, connu autrefois sous le nom d’Agaune, & y établit les Acœmetes pour laisser dans l’Eglise un monument durable de sa douleur & de sa pénitence.

Il n’en fallut pas davantage pour que le nom d’Acœmetes & la psalmodie perpétuelle fût mise en vogue dans l’Occident, & sur-tout dans la France, dont plusieurs Monasteres, entr’autres celui de Saint Denys, suivirent presqu’en même tems l’exemple de celui de Saint Maurice : quelques Monasteres de filles se conformerent à la même regle. Il paroît par l’abregé des actes de Sainte Saleberge recueillis dans un manuscrit de Compiegne, cité par le P. Ménard, que cette Sainte, après avoir fait bâtir un vaste Monastere, & y avoir rassemblé trois cens Religieuses, les partagea en plusieurs chœurs différens, de maniere qu’elles pussent faire retentir nuit & jour leur Eglise du chant des Pfeaumes.

On pourroit encore donner aujourd’hui le nom d’Acœmetes à quelques Maisons religieuses où l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement fait partie de la regle, ensorte qu’il y a jour & nuit quelques personnes de la Communauté occupées de ce pieux exercice. Voyez Sacrement & Adoration.

On a quelquefois appellé les Stylites Acœmetes, & les Acœmetes, Studites. V. Stylite & Studite. (G)