L’Encyclopédie/1re édition/ACROSTICHE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 114-115).

ACROSTICHE, s. f. (Belles-Lettres.) sorte de poësie dont les vers sont disposés de maniere que chacun commence par une des lettres du nom d’une personne, d’une devise ou tout autre mot arbitraire. Voyez Poeme, Poesie. Ce mot vient du Grec ἄκρος, summus, extremus, qui est à une des extrémités, & στίχος, vers.

Nos premiers Poëtes François avoient tellement pris goût pour les Acrostiches, qu’ils avoient tenté tous les moyens imaginables d’en multiplier les difficultés. On en trouve dont les vers, non-seulement commencent, mais encore finissent par la lettre donnée ; d’autres où l’Acrostiche est marquée au commencement des vers, & à l’hémistiche. Quelques-uns vont à rebours, commençant par la premiere lettre du dernier vers, & remontant ainsi de suite jusqu’au premier. On a même eu des sonnets Pentacrostiches, c’est-à-dire, où le même acrostiche répeté jusqu’à cinq fois formoit comme cinq différentes colonnes. Voyez Pentacrostiche.

Acrostiche, est aussi le nom que donnent quelques Auteurs à deux épigrammes de l’Anthologie, dont l’une est en l’honneur de Bacchus, & l’autre en l’honneur d’Apollon : chacune consiste en vingt-cinq vers, dont le premier est le précis de toute la piece ; & les vingt-quatre autres sont remplis d’épithetes commençant toutes dans chaque vers par la même lettre de l’alphabet, c’est-à-dire par a dans le second vers, par b dans le troisieme, & ainsi de suite jusqu’à Ω ; ce qui fait pour chaque Dieu quatre-vingt-seize épithetes. Voyez Anthologie.

Il y a beaucoup d’apparence qu’à la renaissance des Lettres sous François I. nos Poëtes, qui se piquoient beaucoup d’imiter les Grecs, prirent de cette forme de poésie le dessein des Acrostiches, qu’on trouve si répandus dans leurs écrits, & dans ceux des rimeurs qui les ont suivis jusqu’au regne de Louis XIV. C’étoit affecter d’imposer de nouvelles entraves à l’imagination déja suffisamment resserrée par la contrainte du vers, & chercher un mérite imaginaire dans des difficultés qu’on regarde aujourd’hui, & avec raison, comme puériles.

On se servoit aussi dans la cabale des lettres d’un mot pour en faire les initiales d’autant de mots différens ; & Saint Jerome dit que David employa contre Semeï, un terme dont chaque lettre signifioit un nouveau terme injurieux, ce qui revient à nos acrostiches. Mém. de l’Acad. t. IX. (G)

Acrostiche, s. f. en Droit, s’est dit pour cens. Voyez Cens.