L’Encyclopédie/1re édition/ALLELUIA, ou ALLELUIAH, ou HALLELUIAH

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ALLELUIA, ou ALLELUIAH, ou HALLELUIAH, expression de joie que l’on chante ou que l’on récite dans l’Eglise à la fin de certaines parties de l’office divin. Ce mot est Hébreu, ou plûtôt composé de deux mots Hébreux ; savoir, הללו, hallelu, & יה, Ja, qui est une abbréviation du nom de Dieu יהוה, Jehova, qui tous deux signifient laudate Dominum ; en sorte qu’en notre langue, alleluia veut dire proprement loüez le Seigneur.

S. Jérôme prétend que le dernier mot dont est composé alleluia, n’est point une abbréviation du nom de Dieu, mais un de ses noms ineffables ; ce qu’il prouve par divers passages de l’Ecriture, où à la place de laudate Dominum, comme nous lisons dans la version Latine, les Hébreux lisent alleluia ; remarque qui n’infirme pas le sens que nous avons donné à ce mot.

Le même Pere est le premier qui ait introduit le mot alleluia dans le service de l’Eglise : pendant long-tems on ne l’employoit qu’une seule fois l’année dans l’Eglise Latine ; savoir, le jour de Pâques : mais il étoit plus en usage dans l’Eglise Greque, où on le chantoit dans la pompe funebre des SS. comme S. Jérome le témoigne expressément en parlant de celle de sainte Fabiole : cette coûtume s’est conservée dans cette Eglise, où l’on chante même l’alleluia quelquefois pendant le Carême.

S. Grégoire le grand ordonna qu’on le chanteroit de même toute l’année dans l’Eglise Latine ; ce qui donna lieu à quelques personnes de lui reprocher qu’il étoit trop attaché aux rits des Grecs, & qu’il introduisoit dans l’Eglise de Rome les cérémonies de celle de Constantinople : mais il répondit que tel avoit été autrefois l’usage à Rome, même lorsque le Pape Damase, qui mourut en 384. introduisit la coûtume de chanter l’alleluia dans tous les offices de l’année. Ce decret de S. Grégoire fut tellement reçu dans toute l’Eglise d’Occident, qu’on y chantoit l’alleluia même dans l’office des Morts, comme l’a remarqué Baronius dans la description qu’il fait de l’enterrement de sainte Radegonde. On voit encore dans la Messe Mosarabique, attribuée à S. Isidore de Séville, cet introït de la Messe des défunts : Tu es portio mea, Domine, alleluia, in terrâ viventium, alleluia.

Dans la suite l’Eglise Romaine supprima le chant de l’alleluia dans l’office & dans la Messe des Morts, aussi-bien que depuis la Septuagésime jusqu’au graduel de la Messe du Samedi-saint, & elle y substitua ces paroles, laus tibi, Domine, rex æternæ gloriæ ; comme on le pratique encore aujourd’hui. Et le quatrieme Concile de Tolede dans l’onzieme de ses canons, en fit une loi expresse, qui a été adoptée par les autres Eglises d’Occident.

S. Augustin dans son Epitre 119. ad Januar. remarque qu’on ne chantoit l’alleluia que le jour de Pâques & les cinquante jours suivans, en signe de joie de la résurrection de Jesus-Christ : & Sozomene dit que dans l’Eglise de Rome on ne le chantoit que le jour de Pâques. Baronius, & le Cardinal Bona, se sont déchaînés contre cet Historien pour avoir avancé ce fait : mais M. de Valois dans ses Notes sur cet Auteur, montre qu’il n’avoit fait que rapporter l’usage de son siecle. Dans la Messe Mosarabique on le chantoit après l’évangile, mais non pas en tout tems ; au lieu que dans les autres Eglises on le chantoit, comme on le fait encore, entre l’épître & l’évangile, c’est-à-dire, au graduel. Sidoine Appollinaire remarque que les forçats ou rameurs chantoient à haute voix l’alleluia, comme un signal pour s’exciter & s’encourager à leur manœuvre.

Curvorum hinc chorus helciariorum
Responsantibus Alleluia ripis,
Ad Christum levat amnicum celeusma :
Sic, sic psallite, nauta vel viator.

C’étoit en effet la coûtume des premiers Chrétiens que de sanctifier leur travail par le chant des hymnes & des pseaumes. Bingham, orig. ecclesiast. tom. VI. Lib. XIV. c. xj. §. 4. (G)

Alleluia, s. m. (Hist. nat.) en Latin oxis, herbe à fleur d’une seule feuille en forme de cloche, ouverte & découpée. Il sort du calice un pistil qui est attaché au fond de la fleur comme un clou, & qui devient dans la suite un fruit membraneux, oblong, & divisé le plus souvent en cinq loges qui s’ouvrent chacune en dehors par une fente qui s’étend depuis la base du fruit jusqu’à la pointe. Chaque loge contient quelques semences enveloppées chacune d’une membrane élastique, qui la pousse ordinairement assez loin lorsqu’elle est mûre. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Alleluia, (Jardin.) oxytriphillon. Cette plante ne graine point, & ne se multiplie que par de grandes trainasses ou rejettons qui sortent de son pié, de même qu’il en sort des violettes & des marguerites. On replante ces rejettons en Mars & Avril, & on leur donne un peu d’eau. Cette plante croît naturellement dans les bois, & aime l’ombre. (K)

l’Alleluia, (Medecine.) est d’une odeur agréable, & d’un goût aigrelet : il est bon pour désaltérer, pour calmer les ardeurs de la fievre, pour rafraichir, pour purifier les humeurs : il fortifie le cœur, résiste aux venins. On s’en sert en décoction, ou bien on en fait boire le suc dépuré.