L’Encyclopédie/1re édition/ALOES

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ALOES (Bot.) en Latin aloe, plante à fleur liliacée, monopétale, en forme de tuyau, & découpée en six parties : il y a des especes dont le calice devient le fruit, & d’autres où c’est le pistil qui se change en un fruit oblong, & pour l’ordinaire cylindrique, divisé en trois loges remplies de semences applaties, & presque demi-circulaires. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Aloé ou Aloès, s. m. (Mat. Med.) est le suc épaissi de plusieurs plantes du même genre & portant le même nom, qui croissent à différentes hauteurs, suivant le terrain & le climat. Il vient d’Espagne & de plusieurs autres pays chauds.

L’espece la plus ordinaire de ces plantes est celle qu’on nomme aloe, J. B. Pit. Tourn. aloe vulg. C. B.

Cette plante a un goût extrèmement amer ; elle croît en Perse, en Egypte, en Arabie, en Italie & en Espagne.

On divise l’aloès en trois especes ; en aloès succotrin, en aloès hépatique & en aloès caballin : ils se tirent tous les trois de différentes especes d’aloès.

Le premier est appellé en Latin aloès socotrina vel succotrina, parce qu’on en tiroit beaucoup de l’île de Succotra ; c’est le plus beau & le meilleur de tous ; il est net, de couleur noire ou brune, luisante en-dehors, citrine en-dedans ; friable, résineux, assez léger, fort amer au goût, d’une odeur désagréable, & il devient jaune en le pulvérisant.

Le second est appellé en Latin aloès hepatica, parce qu’étant rompu il a la couleur du foie ; il ne differe du succotrin qu’en ce que sa couleur est plus obscure : mais on confond assez ces deux especes, & l’on prend l’une pour l’autre.

Le troisieme est appellé caballina, parce qu’on ne s’en sert que pour les maladies des chevaux ; c’est le plus grossier, le plus terrestre & le moins bon de tous. Pour le tirer on pile la plante, & l’on en exprime le suc à la presse ; on fait ensuite épaissir ce suc au soleil ou sur le feu, jusqu’à une consistence solide ; il est fort noir, compact & pesant.

L’aloès en calebasse ou aloès des Barbades, est semblable à cette derniere sorte, lorsqu’il est nouveau ; en vieillissant il devient hépatique, & étant gardé il devient cassant, lucide & transparent.

L’aloès contient beaucoup d’huile & de sel essentiel, d’où vient son amertume.

Les aloès hépatique & succotrin sont de sort bons purgatifs : mais ils causent des hémorrhagies en raréfiant le sang, & d’autres évacuations fâcheuses ; ils sont emménagogues, apéritifs, stomachiques, pourvû qu’on les prenne en mangeant ; car si on les met dans un estomac vuide, ils y causent beaucoup de tranchées & purgent peu ; ils tuent les vers & les chassent ; employés à l’extérieur en teinture, ils desséchent, détergent & consolident les plaies.

C’est un grand atténuant, cordial & restaurant que l’aloès ; il brise & dissout les humeurs pituiteuses & gypseuses. Comme il purge violemment, il faut se donner de garde d’en ordonner l’usage en substance aux femmes enceintes & hystériques, il faut corriger sa vertu purgative avec la casse ; on l’ordonne depuis quatre grains jusqu’à une demi-dragme ; sa partie résineuse, extraite par l’esprit-de-vin, purgera violemment ; la partie gommeuse extraite par l’eau, sera un bon vulnéraire, sur-tout dans les ulceres de la vessie & des reins. La teinture de myrrhe & d’aloès sert à prévenir la mortification dans les plaies.

Si l’on veut donc employer ce remede sans craindre d’augmenter la raréfaction des humeurs, il est à propos de le débarrasser de son principe sulphureux & résineux, ou plûtôt de diviser ses soufres & sa résine. Les pilules de Becher remplissent fort bien ces vûes. Si ces principes ne sont pas divisés, ce remede agite beaucoup le sang & produit d’étranges effets.

M. Boulduc, parlant des purgatifs, dit que l’aloès est un des modérés, & selon l’analyse chimique qu’il en donne, l’aloès succotrin contient à peine la moitié autant de résine ou de matiere sulphureuse que l’aloès hépatique, mais un tiers de plus de substance saline ; c’est pour cela que le succotrin est préféré pour l’usage intérieur parce qu’il a moins de résine. L’hépatique s’emploie avec les baumes naturels, lorsqu’il est question de nettoyer une plaie ou de refermer une coupure récente ; c’est l’effet des particules résineuses & balsamiques dont il est composé.

Quoiqu’il soit besoin de corriger la résine d’aloès en la bridant avec des tempérans, il ne faut pas la séparer entierement des sels ; ceux-ci étant très-actifs rongent les veines & les extrémités déliées des fibres, s’ils ne sont tempérés & enchaînés par la partie résineuse. Les préparations du suc d’aloès demandent à être faites par d’habiles mains. Afin donc qu’elles soient moins nuisibles, loin de séparer la partie saline de la résineuse, M. Boulduc exige qu’on travaille à les unir par un sel alkali, comme le sel de tartre, &c. Il faut, ajoûte ce célebre Artiste, non-seulement aider la nature par des remedes, mais encore lui donner du secours dans la façon d’administrer les remedes mêmes. Hist. de l’Acad. R. des Scienc. 1708.

Les différentes préparations d’aloès se trouvent dans toutes les Pharmacopées ; telles sont l’aloès rosat, les pilules d’aloès lavé, la teinture d’aloès ; il entre dans différentes pilules, telles que celles de Bécher, les pilules de Rufus, les aléophangines, les marocostines. L’élixir de propriété doit ses vertus à la teinture tirée de cette résine, &c.

Aloès rosat le plus simple & le seul d’usage. Prenez de l’aloès succotrin luisant en poudre, quatre onces ; du suc dépuré de roses de Damas, une pinte : mettez le tout en digestion sur un feu modéré, jusqu’à ce que le phlegme superflu soit évaporé, & qu’il se fasse une consistence de pilules secundum artem.

Pilules d’aloès lavé. Prenez de l’aloès dissous dans du suc de roses & épaissi, une once ; de trochisques d’agaric, trois dragmes ; de mastic, deux dragmes ; du sirop de roses de Damas, quantité suffisante pour faire des pilules s. a.

Nota que, selon quelques Auteurs, les trois especes d’aloés ci-dessus, le succotrin, l’hépatique & le caballin, peuvent se tirer de la même plante par la seule différence de l’évaporation. (N)

Aloès. Voyez Aires.