L’Encyclopédie/1re édition/AMENTHES

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 355-356).
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* AMENTHES, ce terme signifioit chez les Égyptiens la même chose qu’ἁδης chez les Grecs ; un lieu soûterrain où toutes les ames vont au sortir des corps ; un lieu qui reçoit & qui rend : on supposoit qu’à la mort d’un animal, l’ame descendoit dans ce lieu soûterrain, & qu’elle en remontoit ensuite pour habiter un nouveau corps. Presque tous les Législateurs ont préparé aux méchans & aux bons, après cette vie, un séjour dans une autre, où les uns seront punis & les autres récompensés. Ils n’ont imaginé que ce moyen ou la métempsycose, pour accorder la Providence avec la distribution inégale des biens & des maux dans ce monde. La Philosophie les avoit suggérés l’un & l’autre aux sages, & la révélation nous a appris quel est celui des deux que nous devions regarder comme le vrai. Nous ne pouvons donc plus avoir d’incertitude sur notre existence future, ni sur la nature des biens ou des maux qui nous attendent après la mort. La parole de Dieu qui s’est expliqué positivement sur ces objets importans, ne laisse aucun lieu aux hypothéses. Mais je suis bien étonné que parmi les anciens Philosophes que cette lumiere n’eclairoit pas, il ne s’en soit trouvé aucun, du moins que je connoisse, qui ait songé à ajoûter aux tourmens du Tartare & aux plaisirs de l’Élisée, la seule broderie qui leur manquât ; c’est que les méchans entendroient dans le Tartare, & les bons dans l’Élisée, ceux-ci tout le bien, & ceux-là tout le mal qu’on diroit ou qu’on penseroit d’eux, quand ils ne seroient plus. Cette idée m’est venue plusieurs fois à la vûe de la statue équestre de Henri IV. J’étois fâché que ce grand Monarque n’entendît pas où il étoit, l’éloge que je faisois de lui dans mon cœur. Cet éloge eût été si doux pour lui ! car je n’étois plus son sujet.