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L’Encyclopédie/1re édition/AMORTISSEMENT

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AMORTISSEMENT, s. m. (Jurisprud.) est une aliénation d’immeubles faite au profit de gens de main-morte, comme de couvens, confréries, corps de métier ou autres communautés. Voyez . Ce mot à la lettre signifie la même chose qu’extinction.

Amortissement, (Lettres d’) sont des patentes royales contenant permission en faveur d’une communauté d’acquérir un fonds ; ce qu’elle ne pourroit faire sans cela. Cette concession se fait moyennant une somme qui est payée au Roi & au Seigneur, pour dédommager l’un & l’autre des profits qui leur reviendroient lors des mutations, lesquels ne peuvent plus avoir lieu lorsque le bien est possédé par une communauté, qui ne meurt pas.

Ce reglement a été fait à l’imitation de la loi Papiria, par laquelle il étoit défendu de consacrer aucun fonds à des usages religieux, sans le consentement du peuple.

Ce fut S. Louis qui imagina cet expédient, sur les plaintes que les Ecclésiastiques de son tems porterent au Pape contre les Seigneurs qui prétendoient les troubler dans leurs acquisitions, en conséquence des lois du royaume qui défendoient aux gens d’église de posséder des fonds. Il leur conserva ceux qu’ils possédoient pour lors : mais pour réprimer leur avidité, il leur imposa pour les acquisitions qu’ils feroient à l’avenir, l’obligation de payer au Domaine les droits d’amortissement, & aux Seigneurs une indemnité. V. Indemnité. (H)

Amortissement s’entend, en Architecture, de tout ouvrage de sculpture isolé, qui termine quelques avant-corps, comme celui du château de Versailles du côté de la cour de Marbre, & celui du palais Bourbon à Paris du côté de l’entrée ; ou bien composé d’architecture & sculpture, comme celui qui couronne l’avant-corps du milieu du manege découvert du château de Chantilly. Ces amortissemens tiennent souvent lieu de fronton dans la décoration extérieure de nos bâtimens : mais il n’en faut pas user trop fréquemment, & craindre sur-tout d’abuser de la licence de les trop tourmenter, dans l’intention, disent la plûpart de nos Sculpteurs, de leur donner un air pittoresque : la sagesse des formes y doit présider ; l’on doit rejetter absolument dans leur composition tous ornemens frivoles, qui ne forment que de petites parties, corrompent les masses ; & qui vûes d’en-bas, ou d’une certaine distance, ne laissent appercevoir qu’un tout mal entendu, sans choix, & souvent sans convenance pour le sujet. Il faut observer aussi que ces amortissemens soient en proportion avec l’architecture qui les reçoit, que leur forme générale soit pyramidale avec l’édifice, & éviter les idées capricieuses ; car il semble depuis quelques années qu’on n’ose plus placer d’écussons qu’ils ne soient inclinés ; abus qui fait peu d’honneur à la plûpart des Architectes de nos jours ; par paresse ou par ignorance ils abandonnent le soin de leur composition à des Sculpteurs peu entendus, qui ne connoissant pas les principes de l’architecture naturelle, croyent avoir imaginé un chef-d’œuvre quand ils ont entassé des coquilles, des palmettes, des génies, des supports, &c. qui ne forment qu’un tout monstrueux, sans grace, sans art, & souvent sans beauté d’exécution.

Je ne crois pas pouvoir me dispenser de parler de ces abus, ni de recommander aux Sculpteurs d’acquérir les principes de l’Architecture, & aux jeunes Architectes l’art du dessein, comme l’ame du goût ; toutes ces frivolités n’ont pris le dessus que par l’ignorance de l’un & de l’autre. Le Sculpteur se contente de sa main-d’œuvre ; quelques Architectes, d’un vain titre dont ils abusent. S’ils étoient instruits réciproquement de leur art, l’exécution en auroit plus de succès ; car il ne faut pas douter que c’est dans cette partie principalement qu’il faut réunir la théorie & l’expérience. La sculpture dans un édifice étant étrangere à la solidité & à la commodité, elle ne peut trouver raisonnablement sa place que dans les édifices sacrés, dans les palais des rois, & dans les maisons des grands ; alors il faut qu’elle soit traitée avec noblesse, avec prudence, & qu’elle paroisse si bien liée à l’architecture qui la reçoit, que l’une & l’autre concourre à donner un air de dignité aux monumens qu’il s’agit d’ériger. Voyez ce que j’en ai dit, & les exemples que j’en ai donnés dans le II. volume de ma Décoration des édifices, à Paris, chez Jombert.

On peut user de moins de sévérité pour les amortissemens destinés à la décoration des fêtes publiques, comme arcs de triomphe, décorations théatrales, feux d’artifices, &c. dont l’aspect est momentanée, & s’exécute en peinture à fresque sur de la toile ou de la volige, où l’on peut préférer les formes ingénieuses, quoiqu’hasardées, le brillant & l’éclat, à la gravité des formes qu’exige un monument de pierre : aussi ai-je usé de ces licences dans l’arc de triomphe de la porte S. Martin, que je fis exécuter à Paris en 1745. à l’occasion du retour du Roi de l’armée de Flandre, & à la décoration du théatre du college de Louis le grand, exécutée en 1748. (P)