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L’Encyclopédie/1re édition/ANNATE

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 478-479).
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ANNATE, s. f. (Hist. mod. Théol.) revenu d’un an, ou taxe sur le revenu de la premiere année d’un bénéfice vacant. Il y a eu dès le XIIe siecle des évêques & des abbés, qui, par un privilége ou par une coûtume particuliere, recevoient les annates des bénéfices vacans dépendans de leur diocese ou de leur abbaye. Etienne, abbé de Sainte-Genevieve, & depuis évêque de Tournai, se plaint dans une lettre adressée à l’archevêque de Rheims, que l’évêque de Soissons s’étoit réservé l’annate d’un bénéfice, dont le titulaire n’avoit pas de quoi vivre. Par ce fait & par plusieurs autres semblables, il paroît que les Papes avoient accordé le droit d’annate à différens collateurs, avant que de se l’attribuer à eux-mêmes. L’époque de son origine n’est pas bien certaine. Quelques-uns la rapportent à Boniface IX. d’autres à Jean XXII. & d’autres à Clement V. mais M. de Marca, lib. V. de concord. c. 10 & 11. observe que du tems d’Alexandre IV. il s’étoit élevé de grandes disputes au sujet des annates, & par conséquent qu’elles étoient dès-lors en usage.

Clement V. les établit en Angleterre. Jean XXII. se réserva les annates de tous les bénéfices qui vaqueroient durant trois ans dans toute l’étendue de l’Eglise Catholique, à la réserve des évêchés & des abbayes. Ses successeurs établirent ce droit pour toûjours, & y obligerent les évêques & les abbés. Platine dit que ce fut Boniface IX. qui pendant le schisme d’Avignon, introduisit cette coûtume, mais qu’il n’imposa pour annate que la moitié de la premiere année du revenu. Thiery de Niem dit que c’étoit un moyen de cacher la simonie, dont Boniface IX. ne se faisoit pas grand scrupule. Le jurisconsulte Dumoulin & le docteur de Launoy, ont soûtenu en conséquence que les annates étoient simoniaques. Cependant Gerson & le Cardinal d’Ailly, qu’on n’accusera pas d’être favorables aux Papes, ont prouvé qu’il étoit permis de payer les annates, par l’exemple des réserves, des pensions, des décimes, ou autres impositions sur les fruits des bénéfices, qu’on ne regarde point comme des conventions simoniaques. Ce qu’il y a de plus important à remarquer pour la justification des annates, c’est qu’on ne les paye point pour les provisions, qui s’expédient toûjours gratis, mais à titre de subvention, ou, comme parlent les Canonistes, de subsidium charitativum, pour l’entretien du Pape & des Cardinaux. On peut consulter sur cette matiere Fagnan, qui l’a traitée fort au long.

Il faut avoüer cependant que les François ne se sont soûmis qu’avec peine à cette charge. Le Roi Charles VI. en condamnant le prétendu droit de dépouilles, par son édit de 1406, défendit de payer les annates, & les taxes qu’on appelloit de menus services, minuta servitia. Dans le même tems, ce Prince fit condamner par Arrêt du Parlement, les exactions de l’antipape Benoît de Lune, surtout par rapport aux annates.

Dans le Concile de Constance en 1414, il y eut de vives contestations au sujet des annates ; les François demandoient qu’on les abolît, & s’assemblerent pour ce sujet en particulier. Jean de Scribani, Procureur fiscal de la Chambre Apostolique, appella au Pape futur de tout ce qui pourroit être décidé dans cette Congrégation particuliere ; les Cardinaux se joignirent à lui, & l’affaire demeura indecise ; car Martin V. qui fut élu, ne statua rien sur cet article. Cependant en 1417, Charles VI. renouvella son édit contre les annates : mais les Anglois s’étant rendus maîtres de la France, le duc de Bedfort, Régent du Royaume pour eux, les fit rétablir. En 1433 le Concile de Bâle décida par le decret de la session 12, que le Pape ne devoit rien recevoir pour les bulles, les sceaux, les annates, & autres droits qu’on avoit coûtume d’exiger pour la collation & la confirmation des bénéfices. Il ajoûta que les Evêques assemblés pourvoiroient d’ailleurs à l’entretien du Pape, des Officiers, & des Cardinaux, à condition que si cette proposition n’étoit point exécutée, on continueroit de payer la moitié de la taxe ordinaire pour les bénéfices qui étoient sujets au droit d’annates, non point avant la concession des bulles, mais après la premiere année de la joüissance. Dans le decret de la session 21, qui est relatif à celui de la douzieme, le même Concile semble abolir les annates : mais il approuve qu’on donne au Pape un secours raisonnable pour soûtenir les charges du Gouvernement ecclésiastique, sans toutefois fixer sur quels fonds il le prendra. L’assemblée de Bourges en 1438, à laquelle assista le Roi Charles VII. reçut le decret du Concile de Bâle contre les annates, & accorda seulement au Pape une taxe modérée sur les bénéfices vacans pendant sa vie, & à cause des besoins pressans de la Cour de Rome, mais sans tirer à conséquence. Charles VII. avoit confirmé dès 1422 les édits de son prédécesseur. Louis XI. avoit rendu de pareils édits en 1463 & 1464. Les Etats assemblés à Tours en 1493, présenterent à Charles VIII. une requête pour l’abolition des annates ; & il est sûr qu’on ne les paya point en France, tant que la Pragmatique-Sanction y fut observée. Mais elles furent rétablies par le Concordat pour les évêchés & les abbayes, comme le remarque M. de Marca, lib. VI. de concord. cap. xj. n°. 12. car les autres bénéfices sont tous censés au-dessous de la valeur de vingt-quatre ducats, & par conséquent ne sont pas sujets à l’annate. Malgré cette derniere disposition, qui a aujourd’hui force de loi dans le Royaume, François I. fit remontrer au Pape l’injustice de ces exactions, par les Cardinaux de Tournon & de Grammont, ses Ambassadeurs extraordinaires en 1532. Henri II. dans les instructions données à ses Ambassadeurs envoyés au Concile de Trente en 1547, demandoit qu’on supprimât ces impositions ; & enfin Charles IX. en 1561, donna ordre à son Ambassadeur auprès du Pape, de poursuivre l’abolition des annates, que la Faculté de Théologie de Paris avoit déclarées simoniaques. Ce decret de la Faculté ne condamnoit comme tel que les annates exigées pour les provisions sans le consentement du Roi & du Clergé, & non pas celles qui se payent maintenant sous le titre de subvention, suivant la disposition du Concile de Bâle.

En Angleterre, l’archevêque de Cantorbery joüissoit autrefois des annates de tous les bénéfices de son diocese, par un privilége du Pape, comme rapporte Matthieu Paris dans son histoire d’Angleterre sur l’année 746. Clement V. en 1305, se fit payer les annates de tous les bénéfices quelconques vacans en Angleterre pendant deux ans, comme écrit Matthieu de Westminster, ou pendant trois ans, selon Walsingham. Les annates furent depuis établies dans tout ce Royaume, jusqu’à Henri VIII. qui les abolit.

Par le Concordat fait entre la Nation Germanique & le pape Nicolas V en 1448, on régla que tous les évêchés & les abbayes d’hommes payeroient l’annate ; que les autres bénéfices n’y seroient sujets, que quand le revenu seroit de vingt-quatre florins d’or. Charles V. fit des efforts inutiles pour abolir les annates en Allemagne ; & l’article de l’Ordonnance d’Orléans, qui les abrogeoit en France, fut révoqué par l’édit de Chartres en 1562.

Paul II. fit une bulle en 1469, pour ordonner qu’on payeroit les annates de quinze ans en quinze ans pour les bénéfices sujets à ce droit, qui seroient unis à quelque Communauté. Ses successeurs confirmerent ce réglement. Fagnan remarque que quand il arrive plusieurs vacances du même bénéfice dans la même année, on ne paye qu’une seule annate : ce qui prouve, ajoûte-t-il, que ce n’est point pour la collation des bénéfices, mais pour l’entretien du Pape & du sacré Collége. V. ce Canoniste, Fevret, le P. Alexandre, M. de Marca, &c. Thomassin, discipline de l’Eglise, Part. IV. liv. IV. chap. xxxv. & xxxvj. Fleury, Instit. au Droit ectl. tom. I. part. 17. chap. xxiv. pag. 424. (G)