L’Encyclopédie/1re édition/ANTHROPOPHAGES

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 498).

ANTHROPOPHAGES, s. f. (Hist. anc. & mod.) d’ἄνθρωπος, homme, & φαγω, manger.

Les anthropophages sont des peuples qui vivent de chair humaine. Voyez Anthropophagie.

Les cyclopes, les lestrygons & Scylla sont traités par Homere d’anthropophages ou mangeurs d’hommes. Ce Poëte dit aussi que les monstres féminins, Circé & les Syrenes, attiroient les hommes par l’image du plaisir, & les faisoient périr. Ces endroits de ses ouvrages, ainsi qu’un grand nombre d’autres, sont fondés sur les mœurs des tems antérieurs au sien. Orphée fait en plusieurs occasions la même peinture des mêmes siecles. C’est dans ces tems, dit-il, que les hommes se dévoroient les uns les autres comme des bêtes féroces, & qu’ils se gorgeoient de leur propre chair.

On apperçoit, long-tems après ces siecles, chez les nations les plus policées, des vestiges de cette barbarie, à laquelle il est vraissemblable qu’il faut rapporter l’origine des sacrifices humains. Voyez Sacrifice.

Les payens accusoient les premiers Chrétiens d’anthropophagie ; ils permettent, disoient-ils, le crime d’Œdipe, & ils renouvellent la scene de Thyeste. Il paroît par les ouvrages de Tatien, par le chapitre huitieme de l’apologie des Chrétiens de Tertullien, & par le IVe livre de la Providence, par Salvien, que ce fut la célébration secrete de nos mysteres qui donna lieu à ces calomnies. Ils tuent, ajoûtoient les payens, un enfant, & ils en mangent la chair ; accusations qui n’étoient fondées que sur les notions vagues qu’ils avoient prises de l’eucharistie & de la communion, sur les discours de gens mal instruits. Voyez Eucharistie, Communion, Autel, &c. (G)