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L’Encyclopédie/1re édition/AQUEDUC

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AQUEDUC, s. m. bâtiment de pierre, fait dans un terrein inégal, pour conserver le niveau de l’eau, & la conduire d’un lieu dans un autre. Ce mot est formé d’aqua, eau, & de ductus, conduit.

On en distingue de deux sortes ; d’apparens, & de soûterrains : les apparens sont construits à travers les vallées & les fondrieres, & composés de tremeaux & d’arcades ; tels sont ceux d’Arcueil, de Marly & de Bucq près Versailles. Les soûterrains sont percés à travers les montagnes, conduits au-dessous de la superficie de la terre, bâtis de pierre de taille & de moilons, & couverts en-dessus de voûtes ou de pierres plattes, qu’on appelle dalles ; ces dalles mettent l’eau à l’abri du soleil ; tels sont ceux de Roquencourt, de Belleville, & du Pré S. Gervais.

On distribue encore les aqueducs en doubles ou triples, c’est-à-dire, portés sur deux ou trois rangs d’arcades ; tel est celui du Pont-du-Gard en Languedoc, & celui qui fournit de l’eau à Constantinople ; auxquels on peut ajoûter l’aqueduc que Procope dit avoir été construit par Cosroës roi de Perse, pour la ville de Petra en Mingrelie ; il avoit trois conduits sur une même ligne, les uns élevés au-dessus des autres.

Souvent les aqueducs sont pavés ; quelquefois l’eau roule sur un lit de ciment fait avec art, ou sur un lit naturel de glaise. Ordinairement elle passe dans des cuvettes de plomb, ou des auges de pierre de taille, auxquelles on donne une pente imperceptible pour faciliter son mouvement : aux côtés de ces cuvettes sont ménagés deux petits sentiers où l’on peut marcher au besoin. Les aqueducs, les pierriers, les tranchées, &c. amenent les eaux dans un réservoir ; mais ne les élevent point. Pour devenir jaillissantes, il faut qu’elles soient resserrées dans des tuyaux. (K)

* Les aqueducs de toute espece étoient jadis une des merveilles de Rome : la grande quantité qu’il y en avoit ; les frais immenses employés faire venir des eaux d’endroits éloignés de trente, quarante, soixante, & même cent milles sur des arcades, ou continuées ou suppléées par d’autres travaux, comme des montagnes coupées & des roches percées ; tout cela doit surprendre : on n’entreprend rien de semblable aujourd’hui : on n’oseroit même penser à acheter si cherement la commodité publique. On voit encore en divers endroits de la campagne de Rome de grands restes de ces aqueducs, des arcs continués dans un long espace, au-dessus desquels étoient les canaux qui portoient l’eau à la ville : ces arcs sont quelquefois bas, quelquefois d’une grande hauteur, selon les inégalités du terrein. Il y en a à deux arcades l’une sur l’autre ; & cela de crainte que la trop grande hauteur d’une seule arcade ne rendît la structure moins solide : ils sont communément de briques si bien cimentées, qu’on a peine à en détacher des morceaux. Quand l’élevation du terrein étoit énorme, on recouroit aux aqueducs soûterrains ; ces aqueducs portoient les eaux à ceux qu’on avoit élevés sur terre, dans les fonds & les pentes des montagnes. Si l’eau ne pouvoit avoir de la pente qu’en passant au-travers d’une roche, on la perçoit à la hauteur de l’aqueduc supérieur : on en voit un semblable au-dessus de Tivoli, & au lieu nommé Vicovaro. Le canal qui formoit la suite de l’aqueduc, est coupé dans la roche vive l’espace de plus d’un mille, sur environ cinq piés de haut & quatre de large.

Une chose digne de remarque, c’est que ces aqueducs qu’on pouvoit conduire en droite ligne à la ville, n’y parvenoient que par des sinuosités fréquentes. Les uns on dit qu’on avoit suivi ces obliquités pour éviter les frais d’arcades d’une hauteur extraordinaire : d’autres, qu’on s’étoit proposé de rompre la trop grande impétuosité de l’eau qui, coulant en ligne droite par un espace immense, auroit toûjours augmenté de vîtesse, endommagé les canaux, & donné une boisson peu nette & mal-saine. Mais on demande pourquoi y ayant une si grande pente de la cascade de Tivoli à Rome, on est allé prendre l’eau de la même riviere à vingt milles & davantage plus haut ; que dis-je vingt milles, à plus de trente, en y comptant les détours d’un pays plein de montagnes. On répond que la raison d’avoir des eaux meilleures & plus pures suffisoit aux Romains pour croire leurs travaux nécessaires & leurs dépenses justifiées ; & si l’on considere d’ailleurs que l’eau du Teveron est chargée de parties minérales, & n’est pas saine, on sera content de cette réponse.

Si l’on jette les yeux sur la planche 128 du IV. volume des Antiquités du P. Montfaucon, on verra avec quels soins ces immenses ouvrages étoient construits. On y laissoit d’espace en espace des soûpiraux, afin que si l’eau venoit à être arrêtée par quelque accident, elle pût se dégorger jusqu’à ce qu’on eût dégagé son passage. Il y avoit encore dans le canal même de l’aqueduc des puits où l’eau se jettoit, se reposoit & déchargeoit son limon, & des piscines où elle s’étendoit & se purifioit.

L’aqueduc de l’Aqua-Marcia a l’arc de seize piés d’ouverture : le tout est composé de trois différentes sortes de pierres ; l’une rougeâtre, l’autre brune, & l’autre de couleur de terre. On voit en haut deux canaux dont le plus élevé étoit de l’eau nouvelle du Teveron, & celui de dessous étoit de l’eau appellée Claudienne ; l’édifice entier a soixante & dix piés romains de hauteur.

A côté de cet aqueduc, on a dans le P. Montfaucon la coupe d’un autre à trois canaux ; le supérieur est d’eau Julia, celui du milieu d’eau Tepula, & l’inférieur d’eau Marcia.

L’arc de l’aqueduc d’eau Claudienne est de très-belle pierre de taille ; celui de l’aqueduc d’eau Néronnienne est de brique ; ils ont l’un & l’autre soixante-douze piés romains de hauteur.

Le canal de l’aqueduc qu’on appelloit Aqua-Appia mérite bien que nous en fassions mention par une singularité qu’on y remarque ; c’est de n’être pas uni comme les autres, d’aller comme par degrés, ensorte qu’il est beaucoup plus étroit en-bas qu’en-haut.

Le consul Frontin, qui avoit la direction des aqueducs sous l’empereur Nerva, parle de neuf aqueducs qui avoient 13594 tuyaux d’un pouce de diametre. Vigerus observe que dans l’espace de 24 heures, Rome recevoit 500000 muids d’eau.

Nous pourrions encore faire mention de l’aqueduc de Drusus & de celui de Rimini : mais nous nous contenterons d’observer ici qu’Auguste fit réparer tous les aqueducs ; & nous passerons ensuite à d’autres monumens dans le même genre, & plus importans encore, de la magnificence romaine.

Un de ces monumens est l’aqueduc de Metz, dont il reste encore aujourd’hui un grand nombre d’arcades ; ces arcades traversoient la Moselle, riviere grande & large en cet endroit. Les sources abondantes de Gorze fournissoient l’eau à la Naumachie ; ces eaux s’assembloient dans un réservoir ; de-là elles étoient conduites par des canaux soûterrains faits de pierre de taille, & si spacieux qu’un homme y pouvoit marcher droit : elles passoient la Moselle sur ces hautes & superbes arcades qu’on voit encore à deux lieues de Metz, si bien maçonnées & si bien cimentées, qu’excepté la partie du milieu, que les glaces ont emportées, elles ont résisté & résistent aux injures les plus violentes des saisons. De ces arcades, d’autres aqueducs conduisoient les eaux aux bains & au lieu de la Naumachie.

Si l’on en croit Colmenarès, l’aqueduc de Ségovie peut être comparé aux plus beaux ouvrages de l’antiquité. Il en reste cent-cinquante-neuf arcades toutes de grandes pierres sans ciment. Ces arcades avec le reste de l’édifice ont cent deux piés de haut ; il y a deux rangs d’arcades l’un sur l’autre ; l’aqueduc traverse la ville & passe par-dessus la plus grande partie des maisons qui sont dans le fond.

Après ces énormes édifices, on peut parler de l’aqueduc que Louis XIV a fait bâtir proche Maintenon, pour porter les eaux de la riviere de Bucq à Versailles ; c’est peut-être le plus grand aqueduc qui soit à présent dans l’univers ; il est de 7000 brasses de long sur 2560 de haut, & a 242 arcades.

Les cloaques de Rome, ou ses aqueducs soûterrains, étoient aussi comptés parmi ses merveilles ; ils s’étendoient sous toute la ville, & se subdivisoient en plusieurs branches qui se déchargeoient dans la riviere : c’étoient de grandes & hautes voûtes bâties solidement, sous lesquelles on alloit en bateau ; ce qui faisoit dire à Pline que la ville étoit suspendue en l’air, & qu’on navigeoit sous les maisons ; c’est ce qu’il appelle le plus grand ouvrage qu’on ait jamais entrepris. Il y avoit sous ces voûtes des endroits où des charrettes chargées de foin pouvoient passer ; ces voûtes soûtenoient le pavé des rues. Il y avoit d’espace en espace des trous où les immondices de la ville étoient précipitées dans les cloaques. La quantité incroyable d’eau que les aqueducs apportoient à Rome y étoit aussi déchargée. On y avoit encore détourné des ruisseaux, d’où il arrivoit que la ville étoit toûjours nette, & que les ordures ne séjournoient point dans les cloaques, & étoient promptement rejettées dans la riviere.

Ces édifices sont capables de frapper de l’admiration la plus forte : mais ce seroit avoir la vûe bien courte que de ne pas la porter au-delà, & que de n’être pas tenté de remonter aux causes de la grandeur & de la décadence du peuple qui les a construits. Cela n’est point de notre objet. Mais le lecteur peut consulter là-dessus les Considérations de M. le président de Montesquieu, & celles de M. l’abbé de Mably ; il verra dans ces ouvrages, que les édifices ont toûjours été & seront toûjours comme les hommes, excepté peut-être à Sparte, où l’on trouvoit de grands hommes dans des maisons petites & chétives : mais cet exemple est trop singulier pour tirer à conséquence.

Aqueduc, s. m. les Anatomistes s’en servent pour désigner certains conduits qu’ils ont trouvé avoir du rapport avec les aqueducs.

L’aqueduc de Fallope est un trou situé entre les apophyses styloïde & mastoïde ; on a aussi nommé ce trou stylo-mastoïdien. Voyez Styloide & Mastoide.

L’aqueduc de Sylvius est un petit canal du cerveau dont l’anus est l’orifice postérieur, & la fente qui va à l’infundibulum, est l’intérieur. Voyez Cerveau, Anus, & Infundibulum.