L’Encyclopédie/1re édition/AVANT-COEUR

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 1p. 860-861).

Avant-cœur ou Anti-cœur. C’est, en Anatomie, cette partie creuse proche le cœur, communément appellée le creux de l’estomac, & par quelques-uns scrobiculus cordis. Ce dernier mot est composé de ἀντὶ, contra, contre, & de cor, cœur. (L)

Avant-cœur, (Maréch.) Les Maréchaux appellent ainsi une tumeur contre nature, de figure ronde, & grosse à peu-près comme la moitié du poing, qui se forme à la poitrine du cheval vis-à-vis du cœur. Si l’avant-cœur ne vient à suppuration, c’est pour le cheval une maladie mortelle. On dit aussi anti-cœur.

L’avant-cœur se manifeste par la tumeur qui paroît en-dehors ; le cheval devient triste, tient la tête basse, & sent un grand battement de cœur ; il se laisse tomber par terre de tems en tems, comme si le cœur lui manquoit, & qu’il fût prèt à s’évanoüir : il perd totalement le manger, & la fievre devient quelquefois si violente par la douleur aiguë qu’il sent, qu’elle l’emporte en fort peu de tems.

Cette maladie peut avoir deux causes : elle vient ou d’une morfondure qui aura fait arrêter & répandre du sang dans les graisses & dans les attaches du muscle pectoral d’un côté, ou de tous les deux ensemble ; ce sang épanché y forme de la matiere, qui étant répandue & fermentant dans un endroit aussi sensible, doit allumer une fievre très-vive par la douleur violente qu’elle cause.

L’autre cause, qui est bien aussi vraissemblable que la premiere, & à laquelle tous ceux qui ont écrit de ce mal ne l’ont point attribué, que je sache, est un écart ou un effort du cheval, lequel aura forcé les tendons des muscles pectoraux ; ce qui causant une grande douleur au cheval, vû la sensibilité de ces parties, y excite une inflammation avec tumeur par l’irruption des vaisseaux dans le tems de l’écart.

Cette tumeur disparoît quelquefois, ce qui est un très-mauvais prognostic, à moins que la saignée n’en soit la cause : enfin si ce mal arrive à un cheval mal disposé, il court grand risque de n’en pas revenir.

Lorsque l’avant-cœur vient à suppuration, & que la matiere s’y forme promptement, il paroît que le cheval a la force de pousser au-dehors cette tumeur, & c’est un bon signe pour sa guérison.

Il vient aussi au cheval une grosse tumeur douloureuse au haut de la cuisse en-dedans, à l’endroit où elle se joint au bas-ventre, c’est-à-dire à l’aine. Ce mal est aussi dangereux que le précédent ; car il est produit par les mêmes causes, la fievre s’allume avec autant de violence, & le cheval peut en mourir en vingt-quatre heures s’il n’est promptement saigné.

Comme ces maux ont les mêmes symptomes, ils doivent se guérir par les mêmes remedes. Le plus pressé est de diminuer promptement le volume du sang pour appaiser la fievre & la douleur ; il faut donc saigner le cheval quatre ou cinq fois brusquement du flanc ou du train de derriere pour l’avant-cœur, & du cou pour la tumeur à l’aine, lui donner beaucoup de lavemens émolliens, & lui faire garder un régime très-exact : on graissera en même tems la tumeur avec du suppuratif ; & si l’on voit qu’elle vienne à suppuration, on la percera avec un bouton de feu pour en faire écouler la matiere.

Quelques jours après que la fievre aura cessé, il sera bon de faire prendre au cheval un breuvage, composé d’une once de thériaque & d’une once d’assa-fœtida. (V)