L’Encyclopédie/1re édition/BARON

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 87-88).
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BARON, s. m. (Hist. mod.) nom de dignité, homme qui a une baronie. Voyez Baronie. Baron est un terme dont l’origine & la premiere signification est fort contestée. Quelques-uns veulent qu’il signifie originairement ἀνὴρ, homme ; d’autres un héros, un homme brave : ceux-ci libertinus, un affranchi ; ceux-là, un grand homme, un homme riche ; d’autres, un vassal. Menage le fait venir de baro, que nous trouvons employé dans le tems de la pureté de la langue Latine pour vir, homme brave, vaillant homme. De là vint, suivant cet auteur, que ceux qui avoient leur place auprès du Roi dans les batailles, furent appellés barones, ou les plus braves de l’armée. Comme les princes récompensent ordinairement la bravoure & la fidélité de ceux qui les environnent, par quelques fiefs, ce mot fut ensuite employé pour désigner quelques hommes nobles, qui tenoient un fief immédiatement du Roi. Isidore, & après lui Cambden, regardent ce terme comme un mot qui a signifié dans son origine, un soldat mercenaire. MM. de P. R. le font venir de βάρος, poids ou autorité. Cicéron employe le mot de baro pour marquer un homme stupide, brutal. Les anciens Allemands parlent d’un baron comme nous d’un vilain ; & les Italiens momment barone, un gueux, un mendiant. M. de Marca fait venir baron du mot Allemand bar, homme, ou homme libre : d’autres en vont chercher l’étymologie dans les langues Hébraïque, Gauloise, Celtique : mais l’opinion la plus probable est qu’il vient de l’Espagnol varo, homme brave, noble. C’est de là que les femmes appellent barons leurs maris ; de même que les princes, leurs fermiers. Dans les lois Saliques, comme elles viennent des Lombards, le mot baron signifie un homme en général ; & l’ancien glossaire de Philomenes traduit baron par ἀνὴρ, homme.

Baron, est employé en Angleterre dans une signification plus particuliere, pour signifier un seigneur, un lord ou pair de la derniere classe, c’est-à-dire du degré de noblesse qui est immédiatement au-dessous des vicomtes, & au-dessus des chevaliers & des baronets. Voyez Noblesse, Pair, &c.

Les barons sont seigneurs du parlement, pairs du royaume, & joüissent de leurs priviléges ; ils ne sont pas ceints de l’épée à leur création, & n’ont eu de couronne à leurs armes que sous le regne de Charles II. qui leur accorda un cercle d’or avec six perles placées au bord.

Dans les anciennes archives, le terme de baron comprenoit toute la noblesse d’Angleterre ; tous les nobles s’appelloient barons, de quelqu’autre dignité qu’ils fussent revêtus : c’est pour cette raison que la charte du roi Edouard I. qui est une exposition de tout ce qui a rapport aux barons de la grande charte, finit par ces mots : Testibus archiepiscopis, episcopis, baronibus, &c. La grande assemblée même de la noblesse, qui est composée des ducs, des marquis, & en outre des comtes & des barons, est comprise sous le nom de l’assemblée du baronage.

On distingue les barons par leurs anciens titres, qui possédoient un territoire du roi, qui s’en réservoit toûjours le titre en chef ; & les barons par leur titre temporel, qui tenoient les seigneuries, les châteaux & places, comme chefs de leur baronie, c’est-à-dire, par la grande sergenterie : en vertu de ces titres, ils étoient anciennement convoqués au parlement : mais à présent ils ne sont seigneurs lords du parlement, que quand on les y appelle par écrit.

Après la conquête, les barons furent distingués en grands barons & en petits barons, majores & minores, & il leur fut accordé d’être convoqués au parlement ; les grands par une lettre immédiate du roi, les petits par une lettre générale du grand sherif ou échevin, sur le commandement du roi.

Les anciens distinguoient les grands barons des petits, en accordant aux premiers haute & même souveraine jurisdiction, & aux seconds une jurisdiction inférieure, & sur des matieres de peu d’importance.

Les barons de l’échiquier, sont des juges au nombre de quatre, auxquels est commise l’administration de la justice dans les causes d’entre le roi & ses sujets, sur les matieres qui concernent l’échiquier & les revenus du roi. Ils sont appellés barons, parce que les barons du royaume étoient employés dans cet office.

Leur fonction est aussi de voir les comptes royaux ; ils ont pour cette fin des auditeurs sous eux, de même que pour décider des causes qui regardent les revenus du roi, ces causes appartenant en quelque façon à l’échiquier.

Les barons de l’échiquier ont été jusque dans ces derniers tems des gens savans ès lois, des anciens maires, des personnages importans & éclairés ou censés tels, soit dans le clergé, soit à la cour ; majores & discretiores in regno, sive de clero essent, sive de curiâ.

Les barons des cinq ports sont maîtres de la chambre des communes, élûs par les cinq ports, deux pour chacun. Voyez Cinq ports. Ceux qui ont été maires du château de Corfe dans le comté de Dorset, sont nommés barons. Les principaux bourgeois de Londres avoient autrefois ce titre.

En France on entendoit anciennement par barons, tous les vassaux qui relevoient immédiatement du Roi ; ainsi ce mot comprenoit les ducs, les marquis, comtes, & autres seigneurs titrés & qualifiés, comme on le peut voir dans Aimoin & dans quelques-unes de nos vieilles chroniques, où le Roi haranguant les seigneurs de sa cour ou de son armée, les appelle mes barons. Mais maintenant on employe ce terme dans une acception beaucoup moins générale, puisqu’il ne signifie que le degré de la noblesse, qui est immédiatement au-dessous des ducs, des marquis, des comtes & des vicomtes, quoiqu’il y ait en France & en Allemagne d’anciens barons qui ne voudroient pas le céder à des nobles illustrés depuis peu de ces divers degrés de noblesse. Nos auteurs font aussi mention des barons de Bourges & d’Orléans, titres accordés à quelques-uns des principaux bourgeois de ces villes, comme à ceux de Londres, mais qui n’emportoient point avec eux de caractere de noblesse, & donnoient seulement à ces citoyens quelques prérogatives, comme de n’être pas tenus de répondre en justice sur certaines choses hors de l’enceinte des murs de leur ville. Les trois premiers barons de France dans la noblesse, étoient ceux de Bourbon, de Conty, de Beaujeu : mais ces baronies ont été depuis réunies à la couronne. Dans le clergé il y a des évêques, des abbés, & des prieurs barons ; soit qu’anciennement les rois leur ayent accordé ce titre, soit qu’ils possedent par leurs libéralités des baronies, ou qu’ils les tiennent en fief de la couronne. Voyez Noblesse. (G)