L’Encyclopédie/1re édition/BEGGHARDS ou BEGGUARDS, BEGUINS

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Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 190-191).

BEGGHARDS ou BEGGUARDS, BEGUINS & BEGUINES, (Hist. eccl.) sous tous ces noms on comprend une secte d’hérétiques qui s’éleverent en Allemagne sur la fin du xiiie siecle, & auxquels quelques auteurs donnent pour chef Dulcin ou Doucin : mais il ne faut pas les confondre avec les Dulcinistes. Voyez Dulcinistes.

Les principales erreurs des Begghars, Béguins, & Béguines, étoient que l’homme peut acquérir en cette vie un tel degré de perfection, qu’il deviendra entierement impeccable, & ne pourra plus avancer dans la grace ; parce que si quelqu’un y croissoit toûjours, il pourroit être plus parfait que J. C ; que quand on est arrivé à ce degré de perfection on ne doit plus prier ni jeûner, mais qu’alors la sensualité est tellement soûmise à l’esprit & à la raison, qu’on peut librement accorder à son corps tout ce qu’on veut : que ceux qui sont en ce degré de perfection, & qui ont l’esprit de liberté, ne sont point soûmis à l’autorité des hommes, ni obligés aux commandemens de l’Église ; parce que là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté : qu’on peut obtenir en cette vie la béatitude finale, comme on l’obtiendra dans l’autre : que toute nature intellectuelle est heureuse en soi, & que l’ame n’a pas besoin de lumiere de gloire pour voir Dieu & joüir de lui : que c’est être imparfait que de s’exercer à la pratique des vertus, l’ame parfaite les ayant exclues : qu’a l’élevation du corps de J. C. les parfaits ne doivent ni se lever ni lui rendre aucune marque de respect, parce que ce seroit une imperfection que de descendre de la pureté & de la hauteur de leur contemplation pour penser à l’eucharistie, à la passion ou à l’humanité de J. C.

Le pape Clément V. condamna ces fanatiques dans le concile général de Vienne tenu en 1311. Comme ils portoient l’habit religieux, sans garder ni le célibat ni aucune observance monastique, on les a quelquefois confondus avec ceux dont nous allons parler dans l’article suivant.

Begghards, Beguins, & Beguines, sont aussi les noms qu’on a donnés aux religieux du tiers ordre de S. François. On les appelle encore à présent dans les Pays-bas, Begghards, parce que long-tems avant qu’ils eussent reçû la regle du tiers ordre de S. François, & qu’ils fussent érigés en communauté réguliere, ils en formoient cependant dans plusieurs villes, vivans du travail de leurs mains, & ayant pris pour patrone sainte Begghe, fille de Pepin le vieux, & mere de Pepin de Herstal, laquelle fonda le monastere d’Andenne, s’y retira, & y mourut, selon Sigebert, en 692. A Toulouse on les nomma Béguins, parce qu’un nommé Barthelemi Bechin leur avoit donné sa maison pour les établir en cette ville. De cette conformité de nom le peuple ayant pris occasion de leur imputer les erreurs des Begghards & des Béguins, condamnés au concile de Vienne, les papes Clément V. & Benoit XII. déclarerent par des bulles expresses que ces religieux du tiers ordre n’étoient nullement l’objet des anathèmes lancés contre les Begghards & les Béguins répandus en Allemagne. Il y a encore aujourd’hui dans plusieurs villes de Flandre des communautés de filles qu’on nomme Béguines, & leurs maisons sont appellées béguinages. Voyez Beguines. (G)